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Avant de tirer sur la politique familiale, si on réalisait un bilan efficacité des allocations en tout genre ?
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Point par point

Gérard Bapt, député PS, recommande de diviser par deux les allocations familiales des ménages dits "aisés" dans un entretien accordé au journal Les Echos.

Agnès  Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié est directrice de la Fondation IFRAP(Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques).

Son dernier ouvrage est "Ce que doit faire le (prochain) président", paru aux éditions Albin Michel en janvier 2017.

 

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Atlantico : Gérard Bapt, le rapporteur du budget de la Sécurité sociale à l'Assemblée, recommande de diviser par deux les allocations familiales des ménages dits "aisés" (soit "environ 53 000 euros par an pour un couple avec deux enfants, et un peu plus de 61 000 euros pour une famille avec trois enfants", afin de rapporter un milliard d'euros), l'objectif étant d'économiser 3 milliards d'euros. Alors que vous avez récemment publié 60 milliards d'économies ! (Albin Michel en mars 2013), quel bilan pouvons-nous tirer de l'efficacité des allocations distribuées en France ?

Agnès VerdierLa politique familiale menée en France est relativement efficace puisque nous avons un taux d'enfant par femme assez élevé (2,01 enfant par femme). Notre système est conçu pour que chaque personne qui travaille dans l'Hexagone cotise 5,4% de ses revenus -non plafonné- pour permettre une politique familiale où chacun a la certitude d’être aidé s’il prend la responsabilité de fonder un foyer avec des enfants.

Avec la proposition de Gérard Bapt, la politique familiale de la France serait totalement mise à mal : ceux qui travaillent et cotisent pour verser des aides aux familles pourraient ne plus avoir droit pour autant à ces prestations pour leurs propres familles considérées comme "trop riches". Autrement dit, plus un ménage gagne par mois, plus il cotiserait à la politique familiale et ce sans avoir droit à cette politique.

Gérard Bapt considère-t-il qu'une famille est "aisée" à partir de 53 000 euros par an avec deux enfants à charge soit 4 400 euros par mois ? En réalité, vivre à 4 à Paris par exemple avec un tel revenu est difficile. Gérard Bapt propose aussi de supprimer à ces familles le complément du mode de garde pour les enfants gardés à domicile ou chez des assistantes maternelles (environ 800 000 enfants). Cela peut avoir deux effets pervers : "désinciter" à déclarer les emplois à domiciles et désinciter aussi les mères de famille à travailler pour des familles à qui on répond souvent qu’elles n’ont pas droit à une place en crèche… car trop riches !

La solution est non pas de diviser par deux les allocations pour des foyers soi-disant « riches » mais plutôt de fiscaliser les allocations familiales certes mais aussi tous les compléments de revenus (aides au logement, RSA, allocation adulte handicapé etc.). Rien qu’avec la fiscalisation des allocations familiales, 500 millions d’euros entreraient en plus dans les caisses publiques. Plutôt que de raboter sans cesse, visons déjà l’équité devant l’impôt. Pourquoi les revenus de la solidarité ne sont-ils pas imposables quand les mêmes montants de revenus d’activité le sont ?

Le système français de protection social est fondé sur le principe selon lequel à chaque prestation sociale correspond un public bien déterminé. Cette logique est-elle source d'inefficacité ? Va t-elle à l'encontre du principe d'universalité et faut-il y remédier ?

Aide au logement, allocations familiales, RSA, AAH... La multiplicité des aides est une vraie question surtout que, la plupart du temps, ces différentes aides s'adressent aux mêmes familles qui doivent alors se déplacer à différents guichets.

L'une des raisons de l'explosion des dépenses sociales en France provient de l'instauration du RSA. Avant, une personne qui ne parvenait pas à trouver un emploi touchait le RMI, un montant fixe par personne. Le RSA est, lui, fixé en fonction du nombre de personnes vivant dans le foyer. Il y a un caractère relativement illimité à ce calcul. Il faut déterminer ce que la société est prête à payer par foyer fiscal et par an. Au delà d'une question d'économies, c'est une question d'efficacité.

Dans un souci d'efficacité et de rationalité, et pas seulement d'économies, il faut donc comme nous l’avons proposé à la Fondation iFRAP, rendre imposables toutes ces aides. Cela permettrait de :

  • savoir "qui touche quoi" : à l'heure actuelle nous ne le savons pas, nous ne connaissons pas le montant des compléments de revenus nets cumulés en France par foyer fiscal. Il est évoqué depuis longtemps un dossier partagé entre les différents guichets qui permettrait d’avoir cette information (et permettrait aussi de limiter la fraude) mais cela n’avance pas du tout… 

  • fixer un plafond fiscal : il n'y a aucun plafond pour les aides sociales. Il faut en fixer un par foyer fiscal, par an ou par mois. C'est exactement ce qu'a fait David Cameron au Royaume-Uni en instaurant un plafond de 26 000 livres par an, ce qui semble cohérent.

  • d'établir un même taux d'imposition entre un foyer qui gagne 2 000 euros par son travail et celui qui reçoit 2 000 euros chaque mois sous forme d'aides qui jusqu'à présent était totalement exonéré. C'est une question d'équité.

Dans un rapport intitulé "L'envers de la fraude sociale : le scandale du non-recours aux droits sociaux", l’Observatoire des non-recours aux droits et services estimait à 5,7 milliards d'euros le montant de Revenu de solidarité active non-versé aux personnes y ayant pourtant droit. La principale faille du système de protection social est-il sa complexité ?

Effectivement, le système de protection sociale français a perdu en efficacité en devenant beaucoup trop complexe pour le citoyen. Il y a un véritable problème de lisibilité. Il n'est pas normal que les familles dans le besoin ne puissent pas toucher les aides auxquelles elles ont droit uniquement parce qu'elles sont face dans un système compliqué.

Cela dit, certaines familles auraient droit à certaines aides mais refusent d’être à la charge de la collectivité. Il ne faut pas négliger ce phénomène notamment dans le cadre du RSA activité.

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