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La lutte contre le sida se poursuit.
La lutte contre le sida se poursuit.
©Reuters

Espoirs

Quatorze Français sont parvenus à contrôler le VIH sans médicament, après quelques années de traitement. L'occasion de faire un point sur l'état de la lutte contre le sida.

Laurent  Hocqueloux

Laurent Hocqueloux

Laurent Hocqueloux est médecin, spécialiste des maladies infectieuses au CHR d'Orléans.

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Atlantico : Une étude française publiée dans une revue scientifique américaine ce jeudi indique que 14 patients français sont parvenus à contrôler le VIH sans médicament, après quelques années de traitement. Récemment  aux Etats-Unis, des chercheurs annonçaient la guérison apparente d'un enfant contaminé par le VIH à la naissance. Que faut-il penser de ces "quasi-guérisons" ?

Laurent Hocqueloux : Pour le cas américain, c’est la première fois que l’on démontre un cas de guérison fonctionnelle chez un enfant. Mais les médecins n’ont pas le recul suffisant, d’au moins un an, qui fait partie de nos critères de guérison en France. On sait qu’un certain nombre de patients qui ont été traités et qui arrêtent leur traitement peuvent contrôler le virus pendant quelques temps. Jusqu’à un an, il y a cependant beaucoup d’évolutions donc même si l’enfant américain semble être sur la bonne voie, nous préférons attendre qu’il soit âgé d’au moins un an pour être certain de sa guérison.

Pour les cas français, ce ne sont pas les premiers rapportés. Nous connaissons notamment cinq cas, étudiés il y a quelques années. Mais c’est la première fois que l’on apporte des données sur une cohorte de patients. Une étude sur plus de dix personnes, cela commence à être solide d’un point de vue scientifique. L’étude vient d’être publiée dans une revue américaine, mais nous avions déjà parlé de ces cas l’an dernier lors d’un congrès international. Nous mettons ici en évidence que certains patients - qui ne sont pas prédisposés à contrôler de manière naturelle le VIH – grâce au traitement, sont capables de le faire par la suite. C’est une piste importante si l’on arrive à comprendre ce qui s’est passé chez ces patients, pour éventuellement imaginer des traitements plus efficaces, améliorer la vaccination. Nous aurons besoin d’au moins un an ou deux pour vérifier nos hypothèses. Jusqu’à présent, le mécanisme reste inconnu. D’ailleurs, nous venons d’envoyer une demande de refinancement auprès de l’ANRS (Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales) pour continuer nos études auprès de ces 14 patients qui sont accompagnés de quelques autres. Après cette publication très médiatisée, je pense que les quelques 150 000 euros dont nous avons besoin devraient nous être accordés. Ainsi, nous pourrons continuer à les suivre et savoir si, d’années en années, les patients continuent à être "contrôleurs". Ce sera l’occasion de faire diverses analyses que nous n’avions pu réaliser jusqu’alors.

Et sans parler de guérison, comment vit-on aujourd'hui lorsqu'on est séropositif ?

Aujourd’hui, des recherches sont en cours pour mettre en place un vaccin. L’un à l’ANRS, l’autre à Marseille. Ils ne ciblent pas les mêmes patients mais l’un comme l’autre n’ont obtenu jusqu’alors de résultats. Pas plus outre-Atlantique d’ailleurs malgré une trentaine d’années de recherches.

J’ai l’impression, moi qui ait connu l’époque des traitements très lourds – d’ailleurs c’est pour cette raison qu’on les a arrêté il y a dix ans –, qu’il y a eu une amélioration considérable de la tolérance aux traitements, de la facilité de la prise des trithérapies antirétrovirales car certains patients prennent même seulement un comprimé par jour. Il reste bien évidemment des effets secondaires, mais comparés à ceux subis jusqu’à il y a une dizaine d’années, les progrès sont spectaculaires. Les malades que je suis ont un travail, sont mariés, ont des enfants… C’est une maladie qui est devenue chronique et avec laquelle, en dehors de l’aspect psychologique, on vit désormais plutôt bien.

Où en sommes-nous dans les traitements ?

Aujourd’hui, si le patient est déterminé et accepte bien le médicament qu’on lui propose, il y a une efficacité complète du traitement. S’il ne le supporte pas en revanche, nous disposons de plusieurs alternatives qui permettent toujours de trouver une solution adaptée. Après, certains patients ne seront pas capables d’accepter le traitement, comme pour une hypertension ou un diabète : il faut prendre le traitement quotidiennement et ce, toute la vie.

En 1996, on a vu arriver les premières trithérapies. Le traitement avec un seul comprimé par jour a quant à lui été introduit en 2009. L’année dernière enfin, un nouveau comprimé unique a vu le jour. Deux ou trois autres feront leur arrivée dans les prochaines années. Désormais le but est de proposer plusieurs associations de médicaments en un seul comprimé pour tenter de convenir à tous les malades.

La guérison ne passe-t-elle pas également par plus de prévention et d’information ?

Des progrès sont à faire du côté des médecins qui doivent proposer plus souvent le dépistage. Du côté de la population, les plus jeunes ont une certaine facilité à se diriger vers les centres de dépistage. En revanche, leurs aînés et principalement les hommes hétérosexuels, passés la trentaine, sont très difficiles à convaincre. Actuellement, nous évaluons quelques 35 000 séropositifs qui s’ignorent. Un chiffre qui a baissé depuis la fin des années 2000. En effet, depuis, il y a eu une campagne de sensibilisation auprès des médecins généralistes pour les inciter à faire du dépistage, parfois même au sein du cabinet, par des procédés rapides mais efficaces. Ainsi une partie, pas encore suffisante – certes -, des médecins s’est responsabilisée.

Quels sont les réussites et les échecs dans la lutte contre le sida ?

Les progrès sont majeurs car il y a énormément de recherches grâce aux laboratoires pharmaceutiques. Les progrès décevants, ce sont les vaccins…même si les traitements sont de mieux en mieux supportés.

Le revers de la médaille, c’est la stabilité déconcertante du nombre d’infections. On peut l’expliquer par l’attitude insouciante des gens qui ont moins peur d’être malades aujourd’hui puisqu’ils se disent qu’à l'heure actuelle, de nombreux traitements leur permettront de vivre en stabilisant la maladie. On voit malheureusement que le nombre de personnes infectées parmi les homosexuels s’est stabilisé alors que, sur plusieurs années de suite, on voit que le nombre de cas déclaré a globalement baissé...

Très important : tant qu’aucun marqueur précis ne nous permet de savoir quels sont les patients qui parviennent à contrôler la maladie sans médicaments, il est formellement déconseillé à tous les séropositifs d’arrêter leur traitement. Car sans le traitement, la rechute est assuré…

Propos recueillis par Mathilde Cambour

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