Ne dites pas "Belgique" mais "agglomérat disparate de langues, de cultures et de goûts mélangés, souvent contradictoires"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Flamands, Wallons, Bruxellois, francophones de Flandre... La Belgique est un pays multiculturel et excentrique.
Flamands, Wallons, Bruxellois, francophones de Flandre... La Belgique est un pays multiculturel et excentrique.
©Reuters

Bonnes feuilles

Des Liégeois aux francophones de Flandres, des castors wallons aux rockers bruxellois, Philippe Dutilleul et Julien Oeuillet vous offrent un voyage inédit dans une Belgique multiculturelle et excentrique. Extrait de "Ils sont fous ces Belges !" (1/2).

Philippe Dutilleul et Julien Oeuillet

Philippe Dutilleul et Julien Oeuillet

Philippe Dutilleul est journaliste, réalisateur de reportages et de films documentaires, auteur de plusieurs ouvrages sur la Belgique. Il est un collaborateur de longue date de la RTBF.

Julien Oeuillet est journaliste indépendant, auteur, documentariste. Il a parcouru l'Europe pour la RTBF et publié des enquêtes historiques en presse spécialisée.

Voir la bio »

D’une façon magistrale, il apparaît aujourd’hui que la Belgique n’est pas une nation mais un agglomérat disparate de langues, de cultures, de postures, de goûts mélangés, parfois complémentaires, parfois antinomiques, souvent contradictoires. Avec jusqu’à présent un côté rassurant, pragmatique, bon enfant qui a maintenu le bateau à flot. La nature a horreur du vide. Les Belges aussi, d’autant qu’ils ont des biens et des privilèges à défendre. C’est ce qui a sauvé ce pays : il y a plus à perdre qu’à gagner avec sa disparition.

À la gauche politique et au sud du pays, on milite pour une sorte d’immobilisme rassurant, à droite et au nord pour la transformation de l’État fédéral en une Confédération des Belges à définir constitutionnellement et concrètement. Au centre, à Bruxelles, on se tâte, on se cherche une identité encore précaire mais grandissante. Une minorité agissante et influente veut de son côté l’évaporation du pays au sein de l’Europe. La disparition à terme du royaume, pour parler crûment.

C’est que le nationalisme prospère dans les volutes de ces temps troublés, mutants, mondialisés, sans idéologie sinon celle de la concurrence effrénée et de l’argent-roi. Fortement ancré en Flandre (le Nord), en Catalogne, en Écosse, dans le Caucase et ailleurs. Sur un mode mineur en Wallonie (le Sud) et à Bruxelles (le Centre) où l’écrasante majorité des habitants s’identifie envers et contre tout à la Belgique. Comme si celle-ci était éternellement coulée dans le bronze, immuable et prospère. On est assez loin du compte malgré le coup de barre qui nous a fait échapper (provisoirement ?) au naufrage collectif.

Au fond, l’image du pays est trouble comme une eau salie par des alluvions qui se nomment clichés, fausses certitudes, vérités à géométrie variable, impunité, arrogance, incompréhension réciproque, quiproquos, mensonges, méconnaissance de l’autre, indifférence, règne clanique, clientélisme, débats tronqués, repli sur soi. Tous ces facteurs concourent à ce que l’on qualifie d’un air moqueur de « surréalisme à la belge ». Allusion surannée à Magritte, à Delvaux et à bien d’autres artistes qui ont trouvé dans la dérision et la représentation (faussée, tronquée) de la réalité et de leurs rêves une forme artistique magistrale.

Flamands, Wallons, Bruxellois, francophones de Flandre, « métissés », et germanophones de Belgique issus de l’annexion des cantons de l’Est en 1919… Et les nombreuses populations citadines immigrées ? Elles ne semblent avoir qu’une voix très relative au chapitre. Une des conditions de leur intégration, c’est la connaissance soit du français (le plus souvent) soit du néerlandais (ou le flamand, sa version belge multi-patoisante), mieux encore des deux. Ce que peu de Wallons, entre parenthèses, sont capables de faire… Ce bilinguisme, on le louange mais on le pratique encore trop peu au sud et de moins en moins au nord. Il est vrai que parler plusieurs langues avec un même bonheur requiert des conditions et des qualités intellectuelles que seule une minorité de gens remplit.

Cette Belgique multiculturelle n’existerait pas sans sa complexité… ni sans la Flandre, bien évidemment. Cela fait partie, dit-on, de son charme existentiel. Mais, ajoute un analyste du sérail, ce pays n’existerait certainement pas aujourd’hui tant cette complexité rend sans conteste compliquée la gestion des affaires publiques autrefois nationale, aujourd’hui fédérale et régionale, demain sans doute confédérale. Vous me suivez ?

____________________________________________

Extrait de "Ils sont fous ces Belges" (Editions du Moment), 14 mars 2013

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !