Quand les théories de multi-univers reformulent les plus grandes questions scientifiques<!-- --> | Atlantico.fr
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Les théories de multi-univers ont la capacité de reformuler certaines des questions les plus profondes des scientifiques.
Les théories de multi-univers ont la capacité de reformuler certaines des questions les plus profondes des scientifiques.
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Bonnes feuilles

Les théories de multi-univers ont la capacité de reformuler certaines des questions les plus profondes sur lesquelles s’échinent les scientifiques depuis des dizaines d’années. Brian Greene rappelle que cette perspective exalte les uns et fait enrager les autres. Extrait de "La réalité cachée : Les univers parallèles et les lois du cosmos" (2/2).

Brian Greene

Brian Greene

Brian Greene est un astrophysicien mondialement célèbres. Il est également professeur de physique et de mathématiques à l'université Columbia de New York. Ses best-sellers, L'Univers élégant (2000) et La Magie du cosmos (2005) ont été publiés aux Editions Robert Laffont.

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Lorsque David Gross, co-lauréat du prix Nobel de physique de 2004, s’insurgea contre le multi-univers paysage de la théorie des cordes, il y a fort a parier qu’il citait le discours de Winston Churchill du 29 octobre 1941 : ≪ Ne cédez jamais. Ne cédez jamais. Jamais, jamais, jamais, au grand jamais, ne cédez jamais en rien de grand et petit, important et dérisoire. Ne cédez jamais. ≫ Lorsque Paul Steinhardt, professeur de sciences occupant la chaire Albert Einstein a l’université de Princeton et codécouvreur de la version moderne de la cosmologie inflationnaire, parle de sa répugnance pour le multi-univers, sa rhétorique est moins fleurie et la comparaison qu’il fait avec la religion n’est pas des plus favorables.

Martin Rees, astronome royal au Royaume-Uni, voit les multiunivers comme la prochaine étape naturelle dans notre compréhension de tout ce qui existe. Leonard Susskind pense que ceux qui ignorent la possibilité que nous puissions faire partie d’un multiunivers ne font que faire l’autruche devant une vision des choses qui pourtant s’impose. Ce ne sont là que quelques exemples. Il en existe de nombreux autres, de quelque bord que ce soit, farouches opposants ou fervents adeptes, qui n’expriment pas toujours leur opinion en termes châtiés.

Durant les vingt-cinq annexes que j’ai consacrées a la recherche en théories des cordes, je n’ai jamais vu de passions aussi enflammées ni de langage aussi virulent que dans les discussions autour du paysage de la théorie des cordes et du multi-univers qui pourrait en découler. Et cela n’a rien de surprenant. Beaucoup de ces travaux sont un véritable champ de bataille au centre duquel se trouve l’âme même de la science.

L’âme de la science

Si le multi-univers paysage fut le catalyseur, les débats portent sur des aspects fondamentaux de n’importe quelle théorie de multiunivers. Scientifiquement, est-il justifie de parler de multi-univers alors que cela implique des domaines inaccessibles, non seulement en pratique mais, dans beaucoup de cas aussi, en principe ? La notion mémé de multi-univers est-elle vérifiable ou réfutable ? Ce recours au multi-univers peut-il nous fournir un pouvoir explicatif auquel nous n’aurions pas accès autrement ?

Face à une réponse négatives a ces questions, soutenue par les detracteurs de ces théories, les partisans des multi-univers ont une position inhabituelle. Ils défendent des propositions impossibles à confirmer, impossibles à réfuter, faisant appel à des royaumes caches tout à fait hors de portée pour nous – nous sommes donc loin de ce que la plupart d’entre nous appellent de la science. Et c’est justement cela qui déclenche les passions. Les partisans du multi-univers objectent que si la manière dont certains multiunivers s’articulent avec les observations est différente de ce dont nous avons l’habitude – cela peut être plus indirect, moins explicite, voire exiger que la chance sourie tout particulièrement a nos expériences futures – pour des propositions respectables, ces articulations ne sont pas fondamentalement absentes. Sans pour autant se confondre en excuses, ce raisonnement pose un regard expansif sur ce que peuvent révéler nos théories et nos observations, et sur la manière de vérifiera nos diverses propositions.

Prendre ou non parti pour le multi-univers dépend aussi de notre vision des devoirs et obligations de la science. On résume souvent la science a l’idée qu’elle consiste à trouver des régularités dans les rouages de l’univers ; à expliquer comment ces régularités illuminent et reflètent les lois de la nature sous-jacentes ; et à tester les lois proposées en faisant des prédictions vérifiables ou réfutables par de nouvelles expériences ou observations. Aussi raisonnable soit-elle, cette description passe sous silence le fait que dans son état actuel, la science est une entreprise beaucoup moins soignée, dans laquelle poser les bonnes questions se révèle souvent aussi important que de trouver et vérifier les réponses proposées. Et les questions ne sont pas en attente dans une sorte de réservoir ou la science n’aurait alors plus qu’à choisir les bonnes. En fait, les questions d’aujourd’hui sont très souvent façonnées par les recherches d’hier. Les grands progrès répondent généralement à certaines questions, mais en soulèvent une nuée d’autres que nous ne pouvions pas même imaginer auparavant.

Dans le jugement que nous portons sur une avancée de la science quelle qu’elle soit, y compris les théories de multi-univers, nous devons considérer non seulement ses capacités à révéler des vérités cachées, mais aussi ses conséquences sur les questions que nous sommes amenés à nous poser. Autrement dit son incidence sur la pratique même de la science. Cela deviendra clair d’ici peu : les théories de multi-univers ont la capacité de reformuler certaines des questions les plus profondes sur lesquelles s’échinent les scientifiques depuis des dizaines d’années. Cette perspective exalte les uns et fait enrager les autres.

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Extrait de "La réalité cachée : Les univers parallèles et les lois du cosmos", Editions Robert Laffont (octobre 2012)

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