Chômage : la France proche de son record mais la situation est-elle la même qu'en 1997 ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Le chômage atteint des sommets en France.
Le chômage atteint des sommets en France.
©Reuters

Enfants gâtés

Le taux de chômage atteint désormais son plus haut niveau depuis 1997. En cause : un niveau de smic excessif, soit le plus élevé au monde.

André Fourçans

André Fourçans

André Fourçans est professeur d'économie à l'Essec. Il a aussi enseigné dans deux universités américaines ainsi qu’à l’Institut d’études politiques de Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation économique dont Les secrets de la prospérité - l’économie expliquée à ma fille 2, Seuil, 2011.

Voir la bio »

Le taux de chômage des français vient d’atteindre en ce début d’année 2013 un niveau égal à celui de 1997 : aux alentours de 10,6%. Est-ce à dire que la situation des deux périodes est identique, que les mêmes causes produisent les mêmes effets ?

En 1997 le déficit budgétaire était de 4%, pas très loin de celui d’aujourd’hui. Les dépenses publiques, elles, n’étaient « que » d’un peu plus de 54 % du PIB contre 56/57 % fin 2012. Et l’endettement « seulement » de 60% du PIB alors qu’il s’approche maintenant des 90%. Quant à la pression fiscale, elle est passée de 44 % à environ 46,5%. Enfin la croissance : si aujourd’hui elle est le moins qu’on puisse dire atone (aux alentours de 0% - 0,5%) et va sans doute le rester pendant longtemps, elle était de 2,2 % en 1997 et avait presque atteint 4% en 2000 avec la reprise économique mondiale. En résumé, dans ces domaines, la situation est globalement pire aujourd’hui qu’il y a une quinzaine d’années. Étant donné ces conditions, il est surprenant que le taux de chômage ne soit pas plus fort de nos jours qu’il y a quinze ans !

Maintenant, quelques comparaisons structurelles sur le marché du travail. Sans entrer dans un pensum technique, il est difficile de considérer que le marché en question est devenu plus ouvert et flexible, ou alors de façon peu significative (par exemple en matière de contrats de travail, d’allocations chômage, ou de procédures d’embauche et de licenciement). Cette caractéristique institutionnelle explique sans aucun doute pour beaucoup notre taux de chômage de fond élevé (hors effet crise, bien entendu) depuis plusieurs décennies.

Mais ici, il faut gratter un peu derrière la simple statistique globale des demandeurs d’emploi. Quelles sont les catégories sociales les plus touchées ? Essentiellement les moins qualifiées, notamment les jeunes. Ce sont eux qui ont le taux de chômage le plus important. Il était de quelque 23 % pour les 15-24 ans en 1997, il est de … 23% à quelque chose près de nos jours. Rien de nouveau sous le soleil.

La raison ? Il y en a plusieurs bien sûr, mais il en est une cruciale et qui fait hurler dès qu’on ose en parler : celle d’un niveau de smic excessif, pour cette catégorie sociale au moins. Résultat, ces jeunes sont évincés du marché du travail car coûtant trop cher aux entreprises étant donné leurs faible niveau de qualification. Et le coût du travail de ces jeunes n’a eu de cesse d’augmenter plus vite que le salaire médian (50% en dessus, 50% en dessous) depuis plusieurs décennies.

J’entends déjà les cris d’orfraie de certains à la lecture de ce diagnostic. Une petite explication pour mettre le tout en perspective. D’abord, il faut rappeler que le taux de chômage des 15-24 ans est chez nous, et ce depuis les années 1980, le plus fort des grands pays industrialisés, et de beaucoup (avant la crise, en 2007, il était égal par exemple à deux fois celui des Américains et des Allemands, et à trois fois celui des Néerlandais). Ensuite, il faut savoir que notre salaire minimum est aussi le plus élevé du monde, oui, du monde, par rapport à la situation salariale générale (63% du salaire médian en France contre 37% au Etats-Unis et 48% pour la moyenne des pays de l’OCDE). Et nombre de pays n’ont pas de salaire minimum, notamment les pays sociaux démocrates du Nord de l’Europe (Suède, Finlande, Danemark, Norvège – on peut y ajouter l’Allemagne), ou ont mis en place un « smic jeune » notablement bas (Pays-Bas). Est-ce un hasard si les jeunes de ces pays ont des taux de chômage incomparablement plus faibles que le nôtre ?

Bon, il n’est pas question de prétendre que la suppression du smic, ou la mise en place d’un smic jeune, ou adapté par région ou par branche, apporterait toutes les solutions au problème. Non. Mais une mesure de ce genre l’atténuerait certainement beaucoup. Bien entendu se pose aussi le problème de la formation de ces jeunes. Mais s’est-elle vraiment améliorée pendant les 15 dernières années ? Rien n’est moins sûr.

Il n’est pas non plus question de considérer que le smic, pis un smic jeune, serait suffisant pour vivre, qui le prétendrait ? Si la question mérite d’être traitée, elle doit l’être par d’autres méthodes de redistribution susceptibles de lutter contre la pauvreté sans pour cela nuire à l’emploi. Et il en existe.

Oui, malheureusement, les structures profondes de notre marché du travail n’ont pas beaucoup changé depuis 1997. Sous certains aspects elles se sont même détériorées. Tout comme les grandes valeurs macroéconomiques (dépenses publiques, prélèvements obligatoires, endettement, et, bien sûr, croissance). Pas étonnant donc que le chômage reste aussi massif. Et qui croirait que la croissance des mois, et sans doute même des années à venir, va être suffisante pour régler le problème si des mesures structurelles fortes ne sont pas prises?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !