Les cinq graphiques qui montrent à quel point la France va mal<!-- --> | Atlantico.fr
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La production industrielle française a perdu 25% face à la production allemande depuis 1992.
La production industrielle française a perdu 25% face à la production allemande depuis 1992.
©Reuters

Thermomètre

En France, la crise ne fait que commencer. Depuis 30 ans, le coût du travail et l'explosion de l'endettement ont fait décrocher notre pays par rapport à ses voisins, notamment l'Allemagne. Et la politique actuelle d'augmentation des impôts ne va rien arranger...

Charles Gave

Charles Gave

Charles Gave est président de l'Institut des Libertés, un think tank libéral. Il est économiste et financier. Son ouvrage L’Etat est mort, vive l’état  (éditions François Bourin, 2009) prévoyait la chute de la Grèce et de l’Espagne. Il est le fondateur et président de Gavekal Research et de Gavekal Securities, et membre du conseil d’administration de Scor.

 

 

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Je vais me livrer à un exercice quelque peu inhabituel : je vais remonter dans le temps pour essayer d’expliquer pourquoi la France est dans une situation très difficile. Pour y arriver, je vais limiter au maximum les commentaires, présentant mon diagnostique sous forme de graphiques.

Graphique Numéro 1 : Ce qu'il faut regarder et ce qui ne sert à rien

Les thuriféraires de l’économie officielle (du type Insee) nous enjoignent de regarder l’évolution du PIB. La ligne noire ci-dessus donne l’évolution relative du PIB Français par rapport au PIB Allemand depuis 1992, tandis que la ligne rouge donne l’évolution relative des productions industrielles. A en croire les économistes « officiels » qui regardent le PIB, la France a fait 5 % de mieux que l’Allemagne depuis 1993 (qui peut croire une telle ânerie ?). Par contre, si l’on en croit le ratio des productions industrielles elle a fait 25 % moins bien.

Que croire ?

Bien sûr, c’est le ratio des productions industrielles qui reflète la réalité puisque le PIB ne prend en compte ni la détérioration du bilan de l’Etat ni la hausse du poids de ce même Etat dans l’économie : si les pouvoirs publics embauchent des dizaines de milliers de fonctionnaires et les payent en empruntant de l’argent, le PIB monte. On voit la stupidité d’une telle mesure statistique qui ne peut satisfaire qu’un Etatiste acharné du style Mélenchon.

Par contre, la production industrielle mesure ce qui se passe dans une partie de l’économie non étatique, celle qui produit des biens. Dans cette partie là, l’économie Française a reculé par rapport à sa concurrente outre-Rhin d’environ 25% en 20 ans. Depuis 20 ans, la France s’est désindustrialisée comme jamais depuis deux siècles et cela est incontestable. Que le lecteur me comprenne bien : je ne dis pas que l’économie Française a reculé de 25 % par rapport à l’économie Allemande depuis vingt ans. Je dis que le secteur privé en France a reculé par rapport au secteur privé Allemand et que, dans l’industrie, ce recul atteint 25 %. Ce n’est probablement pas le cas dans les services ou le tourisme, mais c’est la tendance qui compte ici, pas les chiffres absolus. Le secteur privé a reculé en France depuis 20 ans tandis qu’il augmentait en Allemagne, voila la vérité .

La question que graphique amène à se poser est bien entendu la suivante : pourquoi ce recul français, qui a commencé aux alentours de l’an 2000 ? Avant cette date et depuis 1960, les productions industrielles dans les deux pays avaient exactement le même taux de croissance.

La réponse est simple : à infrastructures égales, un investissement industriel dépend des coûts relatifs du capital et du travail par rapport aux pays concurrents.

Compte tenu du fait que le coût du capital a été le même en France et en Allemagne pendant longtemps, la responsabilité doit sans doute être recherchée du coté du coût du travail.

Vérifions.

Graphique Numéro 2 : Coût du travail et Compétitivité.

Trois tendances se dégagent de ce graphique.

De 1985 à la réunification Allemande, le coût du travail baisse en Allemagne par rapport à la France et nous perdons du terrain industriel.

Puis arrive la divine surprise de la réunification, qui permet au travailleur français de redevenir compétitif. Notre production industrielle remonte. Nous en profitons pour légiférer sur les 35 heures, ce qui nous fait immédiatement reperdre l’avantage de prix que nous avions enregistré. Normalement, compte tenu de cette perte de compétitivité, nous aurions du dévaluer en 2001 ou 2002.

Impossible avec l’Euro.

Et c’est le moment que choisit l’Allemagne pour se réformer avec Schroeder, tandis que nous ne pensons qu’à "dépenser la cagnotte", ce qui fait que notre compétitivité se met vraiment à plonger.

A partir de là, tout s’enchaîne comme dans une tragédie Grecque.

Le commerce extérieur français plonge… Normal, nous devenons de moins en moins compétitifs.

Graphique Numéro 3 : Coût du Travail et Balance Commerciale.

Le chômage explose.

Graphique Numéro 4 : Coût du Travail et Chômage

Et avec le chômage, la dette française se met à croître beaucoup plus vite que la dette allemande, affaiblissant notre économie à terme, mais faisant monter le PIB, sous les applaudissements de l’Insee…

Graphique Numéro 5 : Coût du Travail et Endettement Public

Conclusion

L’économie française est dans une trappe. Le travail y est trop cher, son coût ne cesse de monter, et la dérive non corrigée dure depuis tellement longtemps (1997 au moins) qu’un ajustement des prix du travail d’au moins 30 % serait nécessaire pour remettre les pendules à l’heure. Autrefois, une dévaluation aurait réglé le problème, elle est impossible aujourd’hui compte tenu de l’existence de l’euro. Et il est impossible de faire baisser les salaires de 30 % de façon autoritaire. La dette reste la seule variable d’ajustement et va donc continuer à croître de façon exponentielle.

Qui plus est, et je ne sais pas si le lecteur l’a remarqué, mais une variation des coûts du travail a un effet sur la production, l’embauche ou la balance commerciale après un très long délai, qui peut varier entre deux et quatre ans. Pour rendre les graphiques plus lisibles, j’ai avancé sur la plupart des graphiques la courbe des coûts du travail de deux à quatre ans selon la réactivité de la variable que je cherchais à expliquer. C’est à dire que si le pouvoir politique se mettait en tête de faire baisser le coût du travail aujourd’hui, nous ne verrions aucune retombée positive avant la prochaine élection présidentielle. C’est ce qu’a fait Schroeder en Allemagne , et il a perdu les élections… C’est ce qu’avait fait monsieur Chirac en 1986 et 1987, et il a perdu les élections…C’est ce qu’avait fait monsieur Barre de 1978 a 1981, et il a perdu les élections lui aussi… Aucune chance que les équipes actuelles ne se lancent dans ce qui serait pour eux une politique suicidaire.

Mais il y a plus grave !

J’ai mentionné que le coût du capital en France et en Allemagne était à peu prés le même. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, compte tenu des augmentations invraisemblables des impôts sur le capital que la France vient de mettre en place. Coût du travail et coût du capital (après impôts) sont maintenant beaucoup plus élevés en France que chez nos voisins. Les dépenses d’investissement vont s’écrouler alors même qu’investir est la seule réponse rationnelle à un coût du travail trop élevé (les entreprises qui le peuvent iront investir en Allemagne ou en Irlande). Il est donc à craindre que la chute de notre pays ne s’accélère dans les mois qui viennent, car déjà les PME sont en train de sauter un peu partout. La crise ne fait que commencer chez nous…

Pour être honnête, depuis 40 ans, je n’ai jamais vu, sauf en Argentine, une telle rage de la part des autorités politiques pour détruire l’appareil productif d’un pays au nom d’une idéologie à la fois technocratique (l’euro) et égalitaire (le socialisme de redistribution). Nous sommes gouvernés par la classe politique la plus nulle de l’Histoire de France, que les Français ont élu en connaissance de cause, et à cela, il n’y a pas de solution.

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