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La réunification de l'Allemagne a coûté cher au reste de l'Europe
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Bonnes feuilles

Guillaume Duval raconte que l'Allemagne a échangé l'accord de la France sur la réunification contre la création de la monnaie unique. La première est intervenue en 1990 tandis que la seconde n'a été créée qu'en 1999. Extrait de "Made in Germany" (1/2).

Guillaume Duval

Guillaume Duval

Guillaume Duval est rédacteur en chef du mensuel Alternatives économiques, auteur de La France ne sera plus jamais une grande puissance ? Tant mieux ! aux éditions La Découverte (2015) et de Made in Germanyle modèle allemand au-delà des mythes aux éditions du Seuil et de Marre de cette Europe-là ? Moi aussi... Conversations avec Régis Meyrand, Éditions Textuel, 2015.

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"Si la réunification n'a pas eu que des aspects négatifs pour l'économie allemande, elle en eut par contre beaucoup pour celle de ses voisins. La façon très excessive dont la Bundesbank a réagi au petit regain d'inflation suscité par ce processus au début des années 1990 a en effet cassé l'activité non seulement en Allemagne, mais dans toute l'Europe, causant la récession de 1993. Combinée aux fameux critères de Maastricht, les contraintes fixées par ce traité européen pour la construction de la future monnaie européenne, cette politique monétaire non coopérative a fait de toute la décennie 1990 une décennie perdue non seulement pour l'économie allemande, mais pour l'ensemble de l'économie européenne. Du coup, les années 1990 ont laissé des traces quasiment aussi négatives dans les comptes publics allemands qu'ailleurs en Europe et notamment en France : sous l'impact de la réunification, la dette publique brute allemande est montée de 36% du PIB en 1991 à 60,2% en 2000, en surplus de 24 points, mais, dans le même temps, la dette publique française a elle aussi augmenté de 36% du PIB en 1991 à 57,4% en 2000, 21 points de plus. En ce sens, le coût de la réunification allemande a été largement partagé avec ses voisins.

Comment s'explique un tel parallélisme ? L'Allemagne avait échangé l'accord de la France sur la réunification contre la création de la monnaie unique, mais la première est intervenue en 1990 tandis que la seconde n'a été créée qu'en 1999. Entre-temps, le Deutsche Mark a conservé son rôle incontesté de monnaie pivot du système monétaire européen et la Bundesbank a continué à donner seule le la en matière de politique monétaire.

Le boom de l'activité engendré en Allemagne par la réunification et la reconstruction de l'Allemagne de l'Est avait déclenché une petite poussée d'inflation : le rythme de la hausse des prix qui n'était que de 1,3% par an en 1988 était progressivement monté jusqu'à 5,1% en 1992. Un niveau insupportable aux yeux de la Bundesbank. Du coup, elle a poussé ses taux vers des sommets : elle a fait passer ainsi les taux d'intérêt à court terme qui n'étaient que de 4,3% en Allemagne en 1988 à 9,5% en 1992. Le tout sans aucune concertation avec ses partenaires européens. En France, pendant ce temps, l'inflation qui était de 2,7% en 1988 était tombée à 2,4% en 1992. Toutefois, le traité de Maastricht, contrepartie de l'accord français et européen à la réunification, signé 1992, organisait le processus devant conduire à la monnaie unique.

Une des conditions fixées pour cela était la stabilité des taux de change entre les monnaies devant former ultérieurement l'Union monétaire. Les autorités françaises qui venaient d'obtenir l'accord du gouvernement allemand pour aller vers l'Union monétaire ne voulurent courir aucun risque de mettre ce projet en péril en laissant filer le taux de change du franc contre le Deutsche Mark. Du coup, bien que le niveau d'inflation fût plus de deux fois plus faible en France qu'en Allemagne, les taux d'intérêt à court terme furent poussés par la Banque de France jusqu'à 10,4% en 1992 pour éviter la fuite des capitaux vers l'Allemagne. Et la dynamique fut analogue dans toute l'Europe : en moyenne, les taux d'intérêt à court terme montèrent brutalement à 11,2% en 1992 dans l'ex-Europe à 15 bien que l'inflation n'y soit que de 4,7 %. Cette année-là, sous la pression de la politique imposée unilatéralement par la Bundesbank à tous les voisins de l'Allemagne, les taux d'intérêt réels, c'est-à-dire une fois l'inflation déduite, ont atteint partout en Europe des sommets historiques sans précédent. Du fait de la faible inflation dans le reste de l'Europe, ces taux étaient même  significativement plus élevés en dehors de l'Allemagne."


Extrait de "Made in Germany", éditions Seuil.

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