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Free Mobile est-il en train de gagner la guerre des prix ?
©Reuters

Le grand U

Dans le secteur de l’offre, les entreprises les mieux armées pour traverser les turbulences actuelles semblent bien être les championnes des prix bas...

Pascal Perri

Pascal Perri

Pascal Perri est économiste. Il dirige le cabinet PNC Economic, cabinet européen spécialisé dans les politiques de prix et les stratégies low cost. Il est l’auteur de  l’ouvrage "Les impôts pour les nuls" chez First Editions et de "Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien" chez Anne Carrière.

En 2014, Pascal Perri a rendu un rapport sur l’impact social du numérique en France au ministre de l’économie.

Il est membre du talk "les grandes gueules de RMC" et consultant économique de l’agence RMC sport. Il commente régulièrement l’actualité économique dans les décodeurs de l’éco sur BFM Business.

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Les effets de la crise sont multiples. Le secteur de la grande consommation est frappé par l’asphyxie du pouvoir d’achat. Comme le disent les économistes, la demande est moins solvable. Ecrasée par les charges fiscales, par le poids du logement, par les dépenses contraintes comme l’énergie, elle s’oriente majoritairement vers des biens ou des services simples ou simplifiés. La valeur d’usage l’emporte souvent sur  la valeur statutaire.

En 2012, c’est dans le domaine de la téléphonie que la migration massive des consommateurs vers un opérateur low cost a été la plus spectaculaire. Avec une offre sans chichi à 2 et à 19,99 euros, Free représente désormais 8% du marché français du mobile en métropole. La filiale d’Illiad a recruté 5,2 millions d’abonnés. C’est une remarquable performance sur un marché qui semblait voué au doux confort de la rente pour les 3 opérateurs historiques. Au passage, l’arrivée de Free a permis de vérifier une loi d’airain de l’économie : à chaque fois qu’un opérateur low cost arrive sur un marché, il propose des prix plus bas, mais effet Kiss Cool, il oblige aussi les autres opérateurs à revoir leur grille tarifaire et tendanciellement, ce sont tous les prix du marché qui baissent. A ce stade, on voit mal ce qui pourrait empêcher Free de poursuivre sa croissance. Dans un pays où le nombre de lignes téléphoniques est supérieur à la population totale, la croissance de Free se fera au détriment de ses concurrents. Les numéros 2 et 3 sur le marché seront les premières victimes de cette vaste offensive cannibale car ils ont moins que le leader la capacité à investir ou dans le produit ou dans les prix. Orange semble avoir compris le danger et propose désormais à une partie de son public, non pas un service mais une solution dans laquelle le prix disparaît derrière la valeur. « Satisfait quand vous l’êtes » : le slogan maison raisonne comme un appel à la haute contribution. Nous assurons le service quoi qu’il arrive.

L’exemple de la téléphonie est très significatif de l’évolution des marchés. Pour symboliser ce qui se passe, je retiens l’idée d’un grand U.

A l’entrée du marché, les consommateurs achètent un prix. C’est le rapport prix-qualité qui s’impose. On choisit un produit ou un service pour son cout. Qu’importe sa valeur de représentation, ce qui compte c’est son utilité.

Au centre, dans les gammes moyennes, la demande s’effondre. Les produits ou services de moyenne gamme connaissent une importante dépression. Ils ne sont ni très économiques, ni très qualitatifs. Nos industriels, formés pour beaucoup à l’école du mid range souffrent terriblement. La France a formé des générations d’ingénieurs et de dirigeants commerciaux autour de cette offre moyenne qui s’adressait à la classe du même nom, jadis relativement prospère. L’affaiblissement des classes intermédiaires change tout.

Enfin, sur la partie droite du U, le marché remonte. Pour certains produits ou services, une partie de la demande, souvent aisée, oriente son choix vers l’excellence ou vers l’exception. Le prix a disparu derrière la valeur. Je trouve frappant qu’une marque comme BMW ait choisi de communiquer sur la joie, valeur immatérielle et insaisissable s’il en est. Le constructeur allemand ne parle plus d’argent. Il parle de ses valeurs. Téléphonie, automobile, assurance, consommation alimentaire (grandes marques contre MDD-marques de distributeurs), voyages, services ferroviaires, le marché s’est bi polarisé, comme si l’image du sablier, cette image qui illustre le déclassement des classes intermédiaires était au fond le symbole dominant de notre société. Ce qui est au centre est en danger de mort. Dans le secteur de l’offre, les seuls bien armés pour traverser les turbulences actuelles semblent bien être d’un coté les champions des prix bas, de l’autre, les symboles de valeur ajoutée, d’innovation ou de technologie. 

Xavier Niel, dirigeant de Free Mobile, est l'un des actionnaires d'Atlantico

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