Les médicaments en vente en ligne sont-ils dangereux ?

Atlantico : Le gouvernement, obligé d'accepter la décision du Conseil d'État d'ouvrir la vente en ligne de médicaments aux pharmaciens ayant une officine, se lance dans l'élaboration d'un guide de «bonnes pratiques» afin d'encadrer ce nouveau marché. Des mesures relativement peu encourageantes pour les pharmaciens. Tous les médicaments en ligne sont-ils inoffensifs ?

Nicole Delépine : Absolument pas, je suis formelle. D’ailleurs aucun médicament n’est inoffensif. A partir du moment où un médicament a des effets positifs, il en a aussi des négatifs. Mais la vente sur Internet n’est pas si différente de la vente en officine où les gens prennent ce qu’ils veulent. Il faut bien comprendre que même s’il y a des pharmaciens, les consommateurs ne vont pas nécessairement leur demander conseils. Les notices qui sont disponibles dans toutes les boîtes de médicaments sont les seuls éléments que le malade est certain d’avoir entre les mains. Il doit absolument veiller lui-même aux éventuelles contre-indications. Cela dit, si le pharmacien vend ses médicaments en ligne, il doit pouvoir être en mesure de répondre aux questions de ses clients et informer au cas par cas. La vente sur Internet n’est finalement que la suite logique à la vente libre. Il n’y a bien que le gouvernement qui découvre seulement aujourd’hui la vente de médicaments sur Internet et qui s’en inquiète tant.

Un drame sanitaire peut-il découler de l'accès non encadré aux médicaments ? Dans quelle mesure ?

Il ne faut pas s’inquiéter de tout. A partir du moment où les gens comprennent que les médicaments peuvent être dangereux s’ils ne sont pas bien pris (non-respect de la posologie, interaction médicamenteuse, etc), je pense que les risques de « drames » seront faibles. La vente sur Internet n’est pas une nouveauté. La différence, aujourd’hui, c’est que les pharmaciens aussi pourront mettre en vente leurs médicaments et donc on devrait se rassurer d’une telle proposition. La surveillance et la traçabilité devraient être plus rigoureuse de fait.

De plus, il en revient de la responsabilité du patient d’acheter les médicaments qui lui ont été prescrits. Il faut cesser de les infantiliser. Ceux qui sont suivis pour des pathologies lourdes sont forcément amenés à consulter régulièrement leur médecin et donc à faire le bilan des éventuels problèmes rencontrés par la prise de médicaments. Pour ce qui est des maladies chroniques, le patient n’a pas besoin de voir son médecin mensuellement pour que ce dernier lui délivre, une fois de plus, la même ordonnance. La vente sur Internet en ce sens peut être une bonne chose puisqu’elle pourrait amener au désengorgement des cabinets médicaux.

Comment encadrer l'achat de médicaments sur Internet ? Les conseils des pharmaciens sont-ils remplaçables ?

On ne peut pas tout encadrer. Il faut simplement prévenir le consommateur de la dangerosité de tel ou tel médicament. Lorsque celui-ci sélectionne un produit, il faudrait qu’immédiatement la notice apparaisse. On pourrait imaginer que les personnes âgées par exemple puissent l’agrandir à l’écran. Ce serait un véritable avantage car dans la réalité, elle est difficilement lisible pour une personne dont la vue baisse. La posologie et les interactions médicamenteuses également leur sauteraient peut-être davantage aux yeux.

Les pharmaciens doivent pouvoir laisser leurs coordonnées et leur mail afin de rassurer sur un effet secondaire. Ils sont irremplaçables. En effet, le contact reste très important pour les malades. On peut faire le parallèle avec la vente de vêtements sur Internet, qui, elle non plus, ne remplacera jamais les commerçants. Il faut juste vivre avec son temps. La vente sur Internet est un fait, il faut s’y adapter. Le seul hic, c’est qu’en France, nous avons trop l’habitude d’interdire.

Propos recueillis par Mathilde Cambour