Qui sont les agriculteurs français d'aujourd'hui ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'agriculteur d'aujourd'hui ne partage pourtant plus grand-chose avec l'image clichée du paysan d'autrefois.
L'agriculteur d'aujourd'hui ne partage pourtant plus grand-chose avec l'image clichée du paysan d'autrefois.
©Reuters

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Le 50e salon de l'agriculture, souvent présenté comme un lieu du folklore gaulois, a ouvert ses portes ce weekend pour neuf jours à Paris. L'agriculteur d'aujourd'hui ne partage pourtant plus grand-chose avec l'image clichée du paysan d'autrefois.

François  Purseigle

François Purseigle

François Purseigle est ingénieur en agriculture et maître de conférences en sociologie agricole. Il est habilité à diriger des recherches en sociologie à l’Institut National Polytechnique de Toulouse (ENSAT).

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Atlantico : Le 50e salon de l'agriculture a ouvert ses portes samedi pour neuf jours à la Porte de Versailles à Paris. 700 000 visiteurs y sont attendus. Quel peut-être aujourd’hui le portrait type de l’agriculteur ?

François Purseigle : Il n’y a pas vraiment de "portrait-type" dans le sens où ils ne correspondent plus aux sociétés paysannes d’autrefois qui étaient bien plus homogènes. Notre vision de cette profession est aujourd’hui très idéalisée, voire stéréotypée, et cela peut empêcher de voir l’actuelle diversité du métier. Les formes d’organisation du travail ont éclaté avec la modernité, y compris dans le monde agricole, et l’on ne saurait généraliser la profession aujourd’hui. On peut néanmoins dégager trois logiques dominantes sur le plan sociologique :

  • Tout d’abord la logique conventionnelle, la plus connue, qui se base sur les structures familiales (le fils reprend l’exploitation du père).

  • Ensuite les agriculteurs qui fonctionnent dans une logique de firme répondant à des logiques financières innovantes en matière de gouvernance (sous traitance, capitaux externe etc.)

  • Enfin la logique de subsistance qui concerne les agriculteurs les plus précaires, ces derniers faisant varier leurs modes de travail en fonction de leurs besoins prioritaires.

On peut dire par ailleurs que la profession reste majoritairement masculine bien que les femmes représentent désormais 22% des agriculteurs. Il s’agit là d’un changement majeur puisque la grande partie des installations féminines était autrefois représentée par des épouses reprenant l’exploitation de leur mari après son départ à la retraite.

Quels sont aujourd’hui les réseaux de socialisation des agriculteurs ? Sont-ils les mêmes qu’autrefois ?

Non. Les réflexes des sociétés paysannes et villageoises d'autrefois ont totalement disparu. On trouve aujourd’hui plusieurs agriculteurs qui vivent en zone périurbaines, voire urbaines, et travaillent à la campagne. Par ailleurs, même pour ceux qui choisissent de rester ruraux, les modes de sociabilités ne s’inscrivent plus dans la ruralité traditionnelle : les agriculteurs utilisent beaucoup les réseaux sociaux que ce soit pour des raisons personnelles ou professionnelles par exemple. Les logiques territoriales d’autrefois n’ont plus cours, et cela s’explique en partie par le fait que les agriculteurs sont plus isolés en milieu rural qu’en milieu urbain. Contrairement à ce que l’on pourrait croire la majorité des populations rurales sont composées d’ouvriers et d’employées des services, et il est préférable pour un agriculteur de s’abstraire des territoires ruraux pour entretenir ses relations de travail.

Qui sont aujourd’hui les nouveaux agriculteurs ? L’exode urbain est-il ici un vrai phénomène de renouvellement ?

La majorité des individus qui s’installent aujourd’hui sur une exploitation sont encore originaires du monde agricole, bien que l’on compte tout de même parmi ces nouveaux arrivant un tiers de personnes dont la famille n’est pas issue de cet univers. Ces agriculteurs sont généralement beaucoup plus autonomes dans leur gestion et leur perception du métier et adhèrent davantage aux principes de l’entreprise qu’à ceux du monde agricole traditionnel, bien plus centré sur la logique d’exploitation d’une propriété passée de père en fils. On peut ajouter qu’ils ont le plus souvent expérimenté la vie active dans d’autres secteurs avant de se consacrer à l’agriculture. En dépit de cette nouvelle donne il faudrait néanmoins affirmer que les fondements familiaux restent majoritaires dans l’agriculture française, les logiques marchandes et financières des nouveaux arrivants n’ayant pas réussi à réellement s’imposer.

Pour ce qui est de "l’exode urbain" il est sûr que l’on assiste à un retournement de l’exode rural. Malgré tout, ceux qui font le choix de quitter les grandes agglomérations n’embrassent que très rarement le métier d’agriculteur : il s’agit la plupart du temps d’une implantation résidentielle et c’est ici d’avantage la fonction "récréative" du monde rural qui attire ces nouveaux habitants.

La culture propre au monde agricole est-elle en train de disparaître ou assiste t-on à une simple évolution des valeurs ?

Malgré le caractère "éclaté" de la profession déjà évoqué plus haut, on peut dire qu’il y a une relative homogénéité du milieu agricole moderne. Bien que les pratiques et les revenus varient considérablement il y a en effet un isolat idéologique qui demeure dans la profession. Ainsi, cette population vote majoritairement à droite et considère que la valeur travail supplante la valeur environnementale. En revanche alors que le modernisme agricole dans les années 60 s’est accompagné d’une rupture idéologique relative, autour de la question du statut des femmes, de la contraception ou de la sexualité - faisant ainsi des agriculteurs un groupe qui accompagnait les évolutions de la société -, il ne semble pas qu’il en soit de même aujourd’hui, lorsqu’il s’agit par exemple de l’acceptation des pratiques homosexuelles. Tandis que les personnes interrogées appartenant à d’autres catégories socioprofessionnelles considèrent, à 77%, que l’homosexualité est une pratique acceptable, les agriculteurs ne sont que 64% à tenir cette position. Chez les 18-24 ans, les agriculteurs qui considèrent que l’homosexualité est inacceptable sont près de 21%, contre 12% chez les autres jeunes, soit 10 points d’écart. Ce même écart est de 20 points chez les 35-49 ans, de 15 points chez les 50-64 ans et de 21 points chez les 65 ans et plus.

Propos recueillis par Théophile Sourdille

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