Jeanne d'Arc était-elle vraiment qui elle avait l’air d’être ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Jeanne d'Arc avait une vision politique bien plus large que les politiciens de l'époque.
Jeanne d'Arc avait une vision politique bien plus large que les politiciens de l'époque.
©DR

Bonnes feuilles

Si la légende fait de Jeanne d'Arc une jeune fille innocente et naïve, Michel de Grèce revient sur cette figure historique pour révéler qu'elle avait en fait une intelligence hors pair ainsi qu'une vision politique bien plus large que les politiciens de l'époque. Extrait de "Une promenade singulière à travers l'histoire" (1/2).

Michel  de Grèce

Michel de Grèce

Michel de Grèce est prince de Grèce et de Danemark, ses origines remontent aux plus grandes lignées d'Europe. Il est écrivain et historien, auteur de La nuit du sérail, Le Vol du régent, et Une promenade singulière à travers l'Histoire.

Voir la bio »

La légende en fait une jeune fille innocente et naïve, même un peu primaire. Elle était tout sauf cela. L’intelligence hors pair, l’esprit vif et incisif, les visions politiques grandioses, beaucoup plus larges que les politiciens de l’époque, elle disposait de surcroît d’un génie militaire. Dès le début, elle s’opposera aux généraux de carrière. Ceux-ci voudront appliquer telle stratégie, Jeanne d’Arc proposera souvent telle autre. Les généraux protesteront, elle finira par imposer sa tactique et, chaque fois, elle prouvera qu’elle avait parfaitement choisi. Cette jeune fille de dix-neuf ans se révélait un stratège autrement brillant que tous les militaires chevronnés de l’époque.

De même politiquement. Après les premières victoires, elle fut la seule contre tous les autres à exiger de mener sans tarder le Dauphin Charles pour être couronné à Reims. Il fallait traverser les territoires ennemis. Les pairs du royaume et les couronnes manquaient. Tant pis. Elle eut raison de l’opposition des politiciens et des militaires, elle eut raison de la présence ennemie sur le chemin de Reims, elle fit couronner Charles VII qui, ainsi, devenait un personnage sacré. Elle seule avait compris la profonde symbolique du geste. Est-ce seulement pensable de la part d’une naïve paysanne lorraine ? Effacée, grâce à elle, la bâtardise du Dauphin Charles, effacées les humiliations, effacé le couronnement des rois d’Angleterre comme rois de France, Charles VII était désormais le roi sacré et consacré.

Hommes et femmes, à l’époque, montraient un courage extraordinaire mais celui de Jeanne se révéla partout, lors de la bataille mais pas seulement. Emprisonnée, menacée de torture, harcelée par ses juges, condamnée à mort, exécutée d’une façon atroce, pas une seconde sa vaillance ne céda. Et pour accompagner ses qualités, elle affichait un profond humour. De nombreuses répliques dans les deux procès de condamnation et de réhabilitation témoignent de son sens brillant de la repartie, de son à-propos souvent amusant, de son plaisir à rire. « Portez-vous des anneaux aux oreilles ou ailleurs ? » lui demande son juge, l’évêque Cauchon. « Oui, vous en avez d’ailleurs un qui m’appartient, rendez-le-moi », réplique-t-elle alors qu’elle risque la torture et la mort à chaque instant.

[…]

Lorsqu’elle atteignit la notoriété et qu’elle se prétendit poussée par ses voix et par Dieu, elle subit tout naturellement les examens de virginité, celle-ci allant de pair avec la sainteté. Mais, curieusement aussi, la Cour imposa un examen pour déterminer son sexe, ce qui signifiait qu’on pouvait concevoir des doutes. Jeanne devait être puissamment bâtie, fortement musclée pour porter les lourdes armures de l’époque, pour tenir l’épée et pourtant femme elle l’était bien puisqu’un témoin décrira ses « jolis tétins ».

Il y a dans sa trajectoire de nombreux points intrigants. D’abord, dès son apparition à la Cour, la nouvelle est connue partout en Europe. Des abbés, des clercs, des seigneurs s’écrivent pour annoncer qu’une jeune bergère est venue de Lorraine pour sauver le royaume de France.

[…]

La légende de la bergère naïve et primaire est née dès cette époque, inventée probablement par ses commanditaires qui voulaient donner cette image totalement fausse, mais, évidemment, facile à retenir pour l’opinion et qui dissimulait la vérité embarrassante d’un personnage prodigieux soigneusement choisi et entraîné. Étrange aussi, tout ce qui la concerne a disparu. On ne possède d’elle que les deux procès de condamnation et de réhabilitation ainsi que trois signatures. Pas une relique, pas une armure, pas un vêtement. Et pourtant, elle avait laissé une de ses épées sur un autel d’église. On ne l’a jamais retrouvée. Tout a disparu comme si on avait voulu supprimer toute preuve matérielle de son existence.

___________________________________________

Extrait deUne promenade singulière à travers l'histoire, aux éditions JC Lattès

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !