Nababs rouges : bienvenue chez les nouveaux milliardaires chinois<!-- --> | Atlantico.fr
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En 2012, la Chine comptait officiellement 113 milliardaires en dollars.
En 2012, la Chine comptait officiellement 113 milliardaires en dollars.
©Reuters

Goûts de luxe

En 2012, la Chine comptait officiellement 113 milliardaires en dollars. Laure de Charette et Marion Zipfel se sont plongées dans les arcanes du business chinois et ont rencontré ces nouveaux "ultra-riches". Extrait de "Chine, les nouveaux milliardaires rouges" (1/2).

Laure De Charette et Marion Zipfel

Laure De Charette et Marion Zipfel

Laure de Charette est correspondante du Nouvel Économiste à Singapour depuis 2010. Elle a notamment travaillé au service France du quotidien 20 Minutes. Elle est l’auteur de Gotha City, enquête sur le pouvoir discret des aristos (Ed. du Moment, 2009) et le coauteur du Guide des Bécébranchés (L’Archipel, 2009).

Marion Zipfel, diplômée en politique chinoise de la Chinese University of Hong Kong, vit à Singapour et collabore notamment à L’Expansion, ainsi qu’à plusieurs magazines spécialisés sur la Chine. Elle a co-animé l’émission Chine Hebdo sur BFM Radio. Avec Chenva Tieu, elle a mis sur
pied SinoSphère, le premier magazine du PAF consacré à la Chine et diffusé sur France Ô.

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Au tout dernier étage de la tour Citic, le plus grand conglomérat chinois, se niche l’un des cénacles les plus élitistes de la capitale. L’ascenseur vous propulse en moins d’une minute au cinquantième étage, où la vue à 180 degrés sur le quartier des ambassades, le Nid d’oiseau et, au loin, la Grande Muraille enjambant les montagnes, est saisissante par temps clair.

Bienvenue au Capital Club, un cercle très privé réservé à un millier de grands patrons, hommes d’affaires à succès et ambassadeurs. Chinois ou étrangers, ils ont en commun de l’influence et, souvent, un porte-monnaie bien garni, gage, en Chine sans doute plus qu’ailleurs, d’un pouvoir décuplé.

Sitôt franchi le seuil de l’ascenseur, les téléphones portables doivent être éteints. Le costume-cravate est de rigueur, et les jeans, T-shirts et bermudas sont formellement interdits. Malgré une atmosphère parfaitement détendue, à mille lieues de celle, souvent guindée, des clubs parisiens, quelques règles de bienséance s’imposent. Un éminent homme d’affaires aurait d’ailleurs été banni d’un club pour avoir mis ses pieds sur la table basse…

Dans l’enfilade de petits salons confortables aux teintes marron et or, résonne un air de musique classique. Sur la moquette épaisse, de vieilles armoires chinoises fleurent bon le bois de santal. Le Français Bertrand Petton, directeur général du club, veille sur les lieux avec gaîté, saluant ses hôtes d’une boutade amicale, présentant les uns aux autres en toute décontraction. Il navigue avec aisance dans ces lieux chargés, à défaut d’histoire, de transactions.

- Ce club pékinois, explique-t-il, le premier ouvert dans le pays en 1994, a clairement été créé dans le but de faciliter les affaires entre la Chine et le reste du monde, à la demande de Deng Xiaoping.

Le gouvernement a en effet mandaté la Citic, le plus grand et le plus ancien conglomérat financier chinois, pour trouver des partenaires financiers.

- Il fallait un lieu dédié pour pouvoir les recevoir dignement, poursuit-il.

Résultat, des millions de dollars transitent régulièrement entre ses murs. C’est dans l’un des douze salons, disséminés le long d’un couloir silencieux, qu’EADS a signé la vente de plusieurs Eurocopter aux autorités chinoises. Ici aussi, sans doute dans la board room réservée aux dirigeants de Citic, susceptibles de débarquer à tout moment pour un rendez-vous ou un déjeuner d’affaires, qu’ont été signées la construction d’une autoroute au Maghreb, ainsi que celle du métro de Téhéran avec le fils de Mahmoud Ahmadinejad, président de la République islamique d’Iran.

- Généralement, confie Bertrand Petton, lorsque les hommes d’affaires réunis à huit clos durant de longues heures de négociation commandent des bouteilles de cognac Louis XIII, c’est bon signe : le contrat est en passe d’être signé. De nombreux ministres aiment donner leurs rendez-vous ici car ils savent que le bâtiment est sécurisé, que le protocole sera respecté à la lettre et qu’ils seront à l’abri des regards indiscrets.

Quelques hommes d’affaires arrivent ensemble à l’heure du déjeuner et se dirigent vers le restaurant. Des orchidées blanches, entre lesquelles glissent en silence les ravissantes hôtesses, fleurissent le salon d’accueil. Pour devenir membre du Capital Club, le droit d’entrée s’élève tout de même à 150 000 yuans (17 000 euros) pour un individu et à 180 000 yuans (20 000 euros) pour une entreprise. À cela s’ajoute une cotisation mensuelle de 1 600 yuans (180 euros). Un aspirant doit être recommandé par un membre, avant de soumettre sa candidature à l’approbation du conseil d’administration.

De nombreux super-riches de la première génération fréquentent les lieux. Ces entrepreneurs âgés d’une soixantaine d’années, baptisés "empereurs" par la presse locale, pour les distinguer des "nouveaux maîtres" de la seconde génération, constituent la première salve de milliardaires. Précurseurs, besogneux, prêts à prendre tous les risques, ils ont profité de l’ouverture économique voulue par Deng Xiaoping au début des années 1980. Parmi eux, certains ont démarré avec quelques yuans en poche. "From zero to hero" ("de zéro à héros"), disent les Anglo-Saxons, qui affectionnent ces trajectoires inouïes.

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Extrait de Chine, les nouveaux milliardaires rouges (L'Archipel), 13 février 2013

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