Le diagnostic des psychopathes dès le plus jeune âge est-il réaliste ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon une étude québécoise, le cerveau des psychopathes serait différent.
Selon une étude québécoise, le cerveau des psychopathes serait différent.
©Capture d'écran

C'est fou

Selon une étude québécoise publiée dans la revue Archives of General Psychiatry, le cerveau des psychopathes serait différent.

 Serge  Bornstein

Serge Bornstein

Jacques Borstein est neuropsychiatre et agréé auprès du Bureau de la Cour de Cassation.  

Il est responsable et créateur de l'enseignement du diplôme de psychiatrie légale à l' université Paris XI (Faculté de médecine Paris-Sud), et depuis 1985 de l'enseignement de la psychiatrie criminelle, de la psychiatrie pénitentiaire et de la pénologie (2000-2003) à Paris VIII.

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Atlantico : Selon une étude québécoise publiée dans la revue Archives of General Psychiatry, le cerveau des psychopathes serait différent : il présenterait un volume de matière grise plus faible, c'est-à-dire moins de neurones. Faut-il en conclure qu'un diagnostic des conduites psychopathes dès le plus jeune âge serait réaliste ?

Serge Bornstein : Cette étude qui vise à établir une corrélation entre le cerveau et la structure de personnalité semble répondre à des préoccupations anciennes qui ne sont plus de mise dans le cadre de la psychiatrie moderne. Bien entendu, on ne peut pas exclure, puisque le cerveau est le centre de l’intelligence et des émotions, le rôle dans le développement de la personnalité et des comportements sociaux ultérieurs. Mais il faudrait un très grand nombre de cas pour pouvoir en tirer une quelconque conclusion, et ce n’est pas de mise dans la psychiatrie actuelle, qui se veut dynamique et orientée sur la réactivité sociale globale.

Un diagnostic précoce est extrêmement variable. C’est d’ailleurs valable pour toute la médecine et la psychiatrie. Mais plus le diagnostic est précoce, plus les perspectives de stabilisation ou de guérison sont importantes.

L’étude des antécédents, de la réactivité, avec des tests de personnalité (comme le test de Rorschach ou les TAT  -Thematic Apperception Test) sont tant d’examens psychiatriques  qui vont permettre d’affiner le diagnostic. Quand il s’agit d’états confuso-déficitaires, les perspectives d’amélioration sont très faibles, de même quand il s’agit de psychoses chroniques. Il faut donc un psychiatre chevronné, qui maîtrise parfaitement la question. Le diagnostic ouvre des perspectives thérapeutiques qui peuvent comporter également des hospitalisations ou des internements, des prises en charges psychothérapiques le plus souvent en groupe qui permettent d’agir sur l’impulsivité et l’instabilité, le noyau de cette conduite.

Peut-on empêcher d'une quelconque manière une personne d'avoir un comportement psychopathologique ? Utilise-t-on seulement des méthodes médicales ou y en a-t-il d'autres ?

Le fait que le sujet vive dans le présent, avec avidité, sans se préoccuper des conséquences de ses actes, est un facteur de péjoration quant au pronostic. Il y a parfois quand même de bons résultats.

Il faut donner la priorité à la psychothérapie car il s’agit d’une pathologie du comportement. Il s'agit parfois de sujets intelligents, avec des capacités de maîtrise, susceptibles d’assimiler les références sociales et la loi, en discernant ce qui est permis ou pas.

On calme leur instabilité et leur incitation, souvent corollaires de leur anxiété, par des médicaments mais surtout par la psychothérapie, qui a la maturation du sujet, sa prise de conscience de ce qui est admissible ou non dans la règle du jeu social, et de savoir renforcer les interdits, ce qui lui permet d’avoir un comportement adapté.

Vous défendez la thèse qui établit qu'il n'y a pas de psychopathes mais des personnes au comportement psychopathologique. Où se trouve la nuance ?

Je milite pour la suppression de l’étiquetage « psychopathe». Il équivaut à une condamnation sous-jacente non exprimée. Psychopathe évoque sociopathe, évoque marginalité et délinquance, emprisonnement, difficultés de prises en charge éducative.

Alors qu’au contraire, la conduite psychopathique va pouvoir être décrite comme la résultante d’une structuration de personnalité qui est très variable, et qui peut être dans le cas d’un déficit acquis (arriération, débilité ou sénilité), une structure névrotique, très psychotique etc...Ceci ouvre un large champ à son étude. 

Pour mémoire, elle comprend une impulsivité, une instabilité, une médiocrité des interdits facilitant la délinquance répétitive, sans tirer profit de l’expérience. Les sujets vivent dans l’instant, et sont séduits par des addictions des plus variables (alcool, cannabis, drogues dures etc..).

Ce n’est qu’un comportement. Reste à savoir si l’on a en face de nous un sujet qui peut être réputé normal. Ce comportement peut s’expliquer par une tradition familiale par exemple, ou bien une structure sous-jacente, pathologique, qui va du déficit à la psychose en passant par tous les états névrotiques possibles.

C’est dans la psychiatrie moderne, que se trouve la meilleure manière d’aborder la question, en ayant toujours en tête la défense de la vie et l’approche compréhensive, à visage humain. L’usage immodéré du terme de psychopathe aboutit à une stigmatisation qui va à l’encontre de la prise en charge : si on ne conçoit que la violence sociale alors la répression sociale est la seule de mise. On aboutit à un strict contrôle sans l’apport thérapeutique que je propose.

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