Paul Krugman a-t-il raison de considérer que la révolution des voitures sans conducteur va sauver l'économie ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Paul Krugman estime que la voiture sans conducteur est une révolution technologique à même "d'affecter notre monde".
Paul Krugman estime que la voiture sans conducteur est une révolution technologique à même "d'affecter notre monde".
©Reuters

Il faudra tout revoir

L'économiste américain estime que "la révolution des technologies de l'information n'arrive pas à la cheville des révolutions technologiques précédentes", mais que la voiture sans conducteur est plus à même "d'affecter notre monde".

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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A travers l’exemple de la voiture automatisée sans conducteur, qui est un rêve ancien, aujourd’hui réalisé à titre de prototype comme Google a su le démontrer, Paul Krugman cherche à démonter l’argument des pessimistes qui estiment que la technologie n’est plus en mesure de créer une nouvelle croissance car tout aurait été inventé.

En effet, la plupart des techniques que nous utilisons actuellement comme l’automobile, mais aussi l’informatique sont issues des travaux de la fin du XIXe siècle, éblouissante période de recherche scientifique et de créativité industrielle. L’accélération de ces découvertes s’est faite après la seconde guerre mondiale largement sous la pression de la guerre froide. Rappelons que la machine d’Hollerith, ancêtre des ordinateurs, a été exploitée pour le recensement américain de… 1890 et que les microprocesseurs ont été développés pour le programme spatial américain à partir des années soixante. Chacune de ces inventions a généré ensuite une transformation économique majeure.

Aussi puissante soit-elle comme symbole, la voiture sans conducteur est encore éloignée d’une généralisation sociale, mais on imagine parfaitement à partir de cet exemple que tous les aspects de la vie quotidienne vont être revisités par une exploitation tangible, visible, quotidienne des technologies de l’information.

Ce que nous dit Paul Krugman, c’est qu’il faut désormais totalement repenser notre environnement quotidien, et donc l’industrie et les services, en fonction des techniques numériques. La numérisation de l’ensemble des processus industriels, de la conception à la distribution, est en train de créer les conditions d’une troisième révolution industrielle qui va rebattre à nouveau les cartes de la géographie de la production mondiale. L’industrialisation des pays matures ne consiste pas à rêver d’un retour vers le passé, mais à réinventer radicalement la production, comme la destruction, des objets et produits qui accompagnent notre vie quotidienne.

Deux forces vont rythmer cette révolution : une révision de notre relation à la nature à travers une exploitation frugale de l’énergie et des matières premières et un changement de notre modèle de production centralisé de masse vers une logique décentralisée à la demande.

La troisième révolution industrielle vise à injecter de l’intelligence dans les produits et les services à la fois en amont dans les processus de production et en aval dans l’usage. Consommer moins de matières premières et d’énergie est le cadre fédérateur de cette démarche : produits plus légers, moins volumineux, recyclables, inspirés de la nature et sans empreinte sur elle, capables d’autorégulation et d’interaction avec l’homme et l’environnement. Il suffit de comparer le produit et les fonctionnalités d’un téléviseur à écran cathodique et celles d’un écran OLED ultra-mince et léger pour comprendre physiquement cette rupture majeure. Alors que la seconde révolution industrielle raisonnait massification et séries longues, l’analogie avec le modèle du web viendra inspirer des productions locales en réseaux qui permettront des gains de coûts de transport et d’émission de CO2.

La numérisation permet aussi d’inventer de nouveaux produits et matériaux et de nouveaux process. Tous les produits de demain, même les plus simples comme un interrupteur, seront dotés d’intelligence pour agir en interaction avec l’environnement et, notamment, optimiser la consommation d’énergie. Les composants passifs vont devenir actifs, en étant à la fois capteurs et actionneurs. Tous les appareils électroménagers adapteront programmes et usages aux prix de l’électricité. Les voitures électriques géreront leur autonomie et l’utilisation de leurs capacités de réserves dans les batteries en fonction des usages réels et des besoins énergétiques de leur environnement immédiat. Dans tous les domaines, les outils employés auront pour mission de faire mieux, plus vite et moins cher en consommant moins de ressources, et seront dotés de l’intelligence nécessaire pour y parvenir.

Il est aussi indispensable d’imaginer des processus et des produits en rupture comme ceux exploitant l’intelligence de la nature, dont un exemple frappant est le fil d’araignée dont la résistance mécanique est infiniment supérieure à celle de la fibre de carbone. Ainsi la production de l’énergie pourra s’inspirer de l’extraordinaire rendement de la photosynthèse. Les carburants dits verts ne viendront pas se substituer à des productions alimentaires, mais seront des produits spécifiques issus de l’ingénierie biologique produits par des bactéries. Toutes ces avancées seront permises par la modélisation des composants des produits et le pilotage numérisé des installations industrielles.

L’industrie de troisième génération, ce seront aussi de petites séries conçues et réalisées par de petites structures. Ce qu’on appelle « les imprimantes 3D », qui sont en fait des machines-outils permettant de produire des objets finis à travers une conception numérique et une production locale permettent d’imaginer des petites séries à la demande du client.

Paul Krugman a raison d’imaginer que ces outils et techniques changeront la vie quotidienne beaucoup plus que nos smartphones qui vont vite apparaître surannés. Il ne s’agit plus d’ajouter à nos pratiques sociales une couche technologique, mais d’en changer les bases matérielles. Bien évidemment, il est difficile d’en définir les contours précis et la vitesse de déploiement, mais les prémices sont réunies. C’est une révolution qui est engagée et va s’accélérer dans les trente prochaines années.

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