Les débats sur le mariage homosexuel ont-ils dévalué le langage ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Vendredi, Pierre Bergé a dénoncé un "humus antisémite, antigay" chez les opposants au projet de loi.
Vendredi, Pierre Bergé a dénoncé un "humus antisémite, antigay" chez les opposants au projet de loi.
©Reuters

Les arguments qui tuent

Pierre Bergé vient de donner un nouvel exemple de cette dévaluation des mots et du langage en dénonçant vendredi sur BFM TV un "humus antisémite, antigay" chez les opposants au projet de loi.

Thomas More

Thomas More

Thomas More est le patronage d'un blogueur qui traite des questions juridiques et politiques dans une perspective chrétienne.

http://thomasmore.wordpress.com/

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L’un des propres de l’homme est de parler : il est un être parlant qui entre en relation avec la réalité par le biais du langage. C’est l’origine de la culture, de l’histoire voire de la civilisation. La langage est un joujou extra mais les jeux de mots sont parfois dangereux : les calembours peuvent blesser et les manipulations de langage peuvent tuer au sens propre comme au sens figuré. Lorsque les mots sont triturés au-delà du raisonnable, ils ne permettent plus de raisonner : lorsque les mots ne permettent plus d’entrer en contact avec le réel, la folie n’est pas loin (V. la langue Sctroumpf). Le projet d’ouvrir le mariage aux personnes de même sexe fournit son lot de bidouillages du langage qui sera sûrement étudié par les savants des temps futurs. On pourrait aussi s’amuser de la même façon à propos de l’usage de la numération mais c’est une autre histoire…

Pierre Bergé vient de donner un nouvel exemple de cette dévaluation des mots et du langage en dénonçant  un humus antisémite, antigay chez les opposants au projet de loi.L’assimilation en deux temps de l’opposition à l’extension du mariage aux personnes de même sexe à l’homophobie puis de l’homophobie au racisme et à l’antisémitisme est un classique de l’argumentaire gay (V.  T. Collin, Le mariage gay : Eyrolles 2005, épuisé malheureusement. Lisez déjà Les lendemains du mariage gay, Salvator 2012). La première étape a été la construction de la rhétorique de l’homophobie. Le mot est d’apparition récente (début années 1970) et s’il ne veut rien dire par lui même (peur du semblable ?) il a bien fallu lui donner un contenu. C’est précisément par analogie avec le racisme et l’antisémitisme que la notion a été construite alors que ces notions sont sans commune mesure. Le discours sur l’homme impliqué par le racisme et celui qui considère comme plus juste de ne pas ouvrir le mariage aux personnes de même sexe n’ont rien de commun, notamment parce que l’humanité ou la dignité des personnes homosexuelles ne sont pas niées comme le racisme et l’antisémitisme le faisaient pour une partie des êtres humains (V. not. dernièrement Beninews). En réalité, l’homophobie serait l’expression d’un vice plus profond de nos sociétés trop traditionnelles : l’hétérosexisme. Encore un mot qui ne veut pas dire grand chose par lui même mais qui permet de signifier que nos sociétés sont constituées sur le modèle hétérosexuel impliquant une oppression des minorités sexuelles et des minorités de genre (personnes homosexuelles, bi, transgenre etc.). La puissance rhétorique de cet élément de langage est énorme :

"Le terme hétérosexisme a donc un potentiel critique extraordinaire puisqu’il permet de problématiser le bon sens en le dénonçant comme un super-préjugé (T. Collin, p. 63)."

Finalement, tout est langage et tout est politique. Aucune réalité n’existe en-dehors de ce jeu de volontés, qui vire au rapport de force (ce dont on s’étonne presque ces derniers jours). L’enjeu est en définitive :

"de rendre impossible, dans le débat démocratique sur l’égalité des droits, toute référence à une expertise extra-politique (anthropologique ou psychanalytique) (T. Collin, p. 64-65)."

Pour compenser l’homophobie latente de nos sociétés, il faudrait légiférer. Le levier juridique et politique des revendications est bien connu : il s’agit du principe de non discrimination. En effet, si certaines personnes ont accès à des services légaux, voire simplement non illicites, il devient insupportable que d’autres n’y aient pas accès. Que ce soit le mariage, l’accès à la parentalité (encore un néologisme), tout le monde veut tout et son contraire. Tout cela n’a plus grand chose à voir avec l’égalité. Pour mémoire, le Conseil constitutionnel a nettement rappelé que réserver le mariage à des personnes de sexe différent n’était pas contraire au principe d’égalité :

"le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; qu’en maintenant le principe selon lequel le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, le législateur a, dans l’exercice de la compétence que lui attribue l’article 34 de la Constitution, estimé que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d’un homme et d’une femme peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille… (V. aussi Cour EDH, 24 juin 2010Schalk et Kopf c. Autriche)."

Le droit est instrumentalisé afin de permettre à chacun d’obtenir la satisfaction de ses souhaits : l’avortement, la stérilisation comme l’assistance médicale à la procréation ou l’euthanasie, le mariage comme le divorce. Le principe de non discrimination permet à chacun d’exiger l’accomplissement d’actes licites au regard de la loi civile positive sans que personne ne puisse s’y refuser et l’État est là pour garantir la satisfaction des désirs de chacun.

A partir de là, les mots peuvent et doivent être remodelés pour exprimer ce que l’on souhaite être la réalité. L’homme a du mal à renoncer à la toute puissance et à une conception magique du langage. Les débats sans fin sur les mots père et mère, parents 1 et 2, notamment, sont l’expression de ce pouvoir attribué aux mots. Ce débat est sans fin car dès lors que l’on renonce à l’idée même de réalité et de vérité (même avec un petit v, la réalité pratique et quotidienne), tout est possible politiquement. La référence à la novlangue orwellienne est devenue un lieu commun mais peu ont vraiment entendu la leçon (V. unMustread absolu chez Philarête) ! Les dérapages, de part et d’autres d’ailleurs, et autres points Godwin ne sont que les symptômes d’une dévaluation du langage. Les mots et le droit sont manipulés au point de perdre tout sens véritable. C’est pour cela qu’il n’est plus absurde de dire que le mariage pour tous, c’est le mariage pour personne! Tout est possible, tout est vrai, tout et son contraire, au besoin en même temps. Il n’y a pas de raison ; il n’y a plus de raison.

Pour mémoire, notre ministre de l’éducation était devenu entrepreneur il y a quelques années en se lançant dans le négoce international : il importait du saumon. Son slogan Du saumon pour tous ! Peu importe en réalité ce qui est demandé… remplacez mariage, ou saumon, par ce que vous voulez et lancez vous dans la bataille. C’est le grand mouvement du schtroumpf pour tous !

Article précédemment publié sur le blog de Thomas More

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