Pourquoi le guide de la révolution iranienne vient-il de claquer la porte au nez des Etats-Unis<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
L'ayatollah Ali Khamenei a rejeté jeudi la proposition des Etats-Unis d'instaurer le dialogue entre l'Iran et les Etats-Unis.
L'ayatollah Ali Khamenei a rejeté jeudi la proposition des Etats-Unis d'instaurer le dialogue entre l'Iran et les Etats-Unis.
©Reuters

Non, non et non

Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a rejeté jeudi l'offre de Joe Biden d'entamer des discussions bilatérales sur son programme nucléaire controversé.

Thierry Coville

Thierry Coville

Thierry Coville est chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran. Il est professeur à Novancia où il enseigne la macroéconomie, l’économie internationale et le risque-pays.
 
Docteur en sciences économiques, il effectue depuis près de 20 ans des recherches sur l’Iran contemporain et a publié de nombreux articles et plusieurs ouvrages sur ce sujet.
Voir la bio »

Atlantico : L'ayatollah Khamenei vient de décliner de manière radicale l'offre faite par le secrétaire d'Etat américain Joe Biden, ce dernier ayant proposé de renouer le dialogue entre Téhéran et Washington. Comment s'explique ce refus ? Peut-on parler d'un mutisme iranien sur le plan diplomatique ?

Thierry Coville : Ce refus traduit la méfiance traditionnelle de l'ayatollah Khameini qui pense que l'administration américaine cherche à lui tendre un piège avec cette proposition. Dans son esprit, une ouverture du dialogue avec les États-Unis entraînerait une normalisation des rapports avec le monde occidental et par ricochet la fin de la République islamique instaurée en 1980. Il fallait par ailleurs être assez naïf pour croire que l'Iran allait donner suite à cette offre dans le contexte actuel : les sanctions économiques de la communauté internationale ne sont ainsi qu'un point parmi d'autres justifiant cette réaction. Les Américains ont tendance à croire qu'en étant spontanément conciliants envers les Iraniens, ces derniers se jetteront sur l'occasion en oubliant le passé, et cet épisode vient rappeler qu'il n'en est rien en vérité.

Alors que ses alliés syriens et libanais sont dans une passe difficile, l'Iran n'aurait-il pourtant pas intérêt à développer une nouvelle stratégie diplomatique ?

Le régime de Bachar el-Assad et par extension le Hezbollah libanais sont effectivement des alliés de longue date, mais il ne faudrait pas oublier que l'Iran est loin d'être si isolé que cela sur la scène régionale. Les relations avec l’Égypte de Morsi viennent ainsi de reprendre (Ahmadinejad, ndlr) tandis que l'Irak représente leur premier partenaire commercial (hors pétrole). Bien que le sort du soutien syrien reste effectivement incertain, on ne peut pas donc dire que le pays soit dans une phase de retrait diplomatique.

Peut-on dire que cette main tendue soit révélatrice d'une refonte de la politique américaine au Moyen-Orient ? 

En quelque sorte, puisque les mesures sévères adoptées par les États-Unis à l'égard de l'Iran découlent directement des relations inhérentes au triangle Israël-USA-Iran. Obama, au lendemain de sa réélection semble penser que l'opinion publique américaine est désormais prête à voir la politique étrangère évoluer dans la région, l'offre formulée par Joe Biden s'inscrivant clairement dans cette logique. Netanyahou sort de son côté relativement affaibli des dernières élections ce qui incite encore plus Washington à rééquilibrer sa relation en faveur des pays arabes.

Cette déclaration américaine n'est-elle pas justement une pierre dans le jardin d'Israël, dont l'administration Obama se désolidarise de plus en plus ?

Oui. Le fait que les relations avec l’État hébreu soient moins inconditionnelles qu'auparavant permet à Obama de dégager de nouveaux champs diplomatiques bien que cela ne se fera pas d'un claquement de doigts aisée au vu des dégâts provoqués par les interventions américaines en Irak et en Afghanistan. La Maison Blanche, si elle souhaite persister dans la reprise d'un dialogue, devra trouver un autre moyen d'approche et faire en sorte que les iraniens y trouvent un minimum d'intérêt pour eux. Pour l'instant ce type d'offres est resté ponctuel, on a par exemple à l'esprit la main tendue par Obama en 2009, et il faut espérer qu'à l'avenir les tentatives de normalisation entreront dans un réel processus plutôt que de se limiter à des offres sans lendemain. Comme dans le cas chinois, les États-Unis ont un gros travail diplomatique à effectuer pour créer un climat de confiance qui soit au moins relatif tout en évitant de froisser l'opinion publique en interne.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !