Pour réussir dans une entreprise, mieux vaut être marié et en bonne forme physique ! <!-- --> | Atlantico.fr
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Il y a plusieurs critères pour grimper les échelons dans une entreprise, et ce n'est pas nécessairement ceux auxquels on pense le plus souvent.
Il y a plusieurs critères pour grimper les échelons dans une entreprise, et ce n'est pas nécessairement ceux auxquels on pense le plus souvent.
©Reuters

Miroir, miroir, serai-je augmenté ?

Le physique et les conjoints sont probablement les meilleurs atouts pour réussir en entreprise selon Jean-François Amadieu qui rappelle notamment que l'écart entre un homme au physique ingrat et un Apollon, plus de 17 %, équivaut presque à deux années d'études. Extrait de "DRH : le livre noir" (2/2).

Jean-François Amadieu

Jean-François Amadieu

Jean-François Amadieu est sociologue, spécialiste des déterminants physiques de la sélection sociale. Directeur de l'Observatoire de la Discrimination, il est l'auteur de Le Poids des apparences. Beauté, amour et gloire (Odile Jacob, 2002), DRH le livre noir, (éditions du Seuil, janvier 2013) et Odile Jacob, La société du paraitre -les beaux, le jeunes et les autres (septembre 2016, Odile Jacob).

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Conjoints et compagnons

Le réseau du conjoint compte également beaucoup pour trouver un emploi bien rémunéré, et dans le déroulement de carrière. Les hommes mariés ont un avantage par rapport aux célibataires et leurs salaires s'en ressentent. Alors que pour une femme être mariée plombe une carrière, pour les hommes, c'est un indéniable plus. Tout se passe comme si les employeurs en étaient rassurés, comme si le soutien logistique et affectif apporté par la conjointe solidifiait le parcours professionnel. Et le réseau de celle-ci peut effectivement y contribuer.

En Chine, par exemple, le réseau du beau-père d'un cadre exerce une influence telle que lorsque celui-là vient à décéder, le salaire de son gendre baisse en moyenne d'un quart.

[…]

Seule différence : dorénavant, ce n'est plus seulement le beau-père qui permet aux hommes de mieux réussir (dans le modèle hérité du XIXe siècle, les femmes ne travaillent pas), mais aussi leurs propres femmes. Les positions de pouvoir, les réseaux et les revenus de leurs épouses se cumulent donc aux leurs. Il en résulte mécaniquement un accroissement des inégalités ; les plus riches, par un effet de levier, tirant finalement le plus grand profit de l'accès des femmes aux emplois les plus rémunérateurs. D'autant que les couples sont de moins en moins divers socialement, c'est‑à-dire qu'ils sont de plus en plus formés de conjoints qui ont fait les mêmes études et ont des statuts sociaux similaires.

[…]

Si le mariage rassure quand on est un homme, a contrario, être divorcé, célibataire ou encore homosexuel se répercute sur le salaire. Faire son coming out n'a rien d'évident car, outre des réactions hostiles, c'est la vie professionnelle et la carrière qui peuvent s'en ressentir.

Gays et lesbiennes ont suscité un intérêt marqué, tant aux États-Unis qu'en Europe. Dans les pays où l'on dispose de données, on constate une différence de salaire en défaveur des gays allant de 7 à 15% et l'absence de discrimination, voire un léger avantage, en faveur des lesbiennes. En France, les homosexuels gagnent 6 à 7% de moins que les hétérosexuels dans le privé et 5 à 6% dans le public. Ce sont surtout les homosexuels plus âgés, plus diplômés et plus qualifiés qui sont défavorisés, ce qui témoigne de carrières ralenties (il y a quelques années, l'homosexualité était moins bien acceptée). Les femmes homosexuelles sont en revanche mieux perçues que les hétérosexuelles, les stéréotypes les associant à une image de dynamisme et d'agressivité. Les employeurs endosseraient des préjugés favorables à ces femmes aux caractéristiques censément plus masculines. L'orientation sexuelle conduit donc encore à des différences de salaire.

La prime à la beauté

Les bulletins de salaire ne mentionnent pas de « prime à la beauté » et il n'y a pas de « retenue sur salaire » parce que l'on est trop gros. Pourtant, l'apparence physique joue un rôle clé dans la fixation de rémunération.

[…]

En France, comme en Grande-Bretagne ou en Espagne, les hommes grands ont des salaires plus élevés que les hommes de petite taille. […] Les cadres mesurent plusieurs centimètres de plus que les ouvriers. Les hommes petits et fluets perçoivent en revanche de moindres rémunérations. À diplôme égal, leurs moindres revenus et leurs carrières ralenties proviennent de la stigmatisation dont ils font l'objet. […] Les chefs et les collègues de travail ont a priori une moins bonne opinion à leur sujet. Les préjugés à l'égard des hommes malingres tirent à la baisse leurs salaires (ceux qu'ils négocient à l'embauche, leurs parts variables et les augmentations). Beaucoup de Français souffrent ainsi d'être mis à l'écart en raison de leur taille ou de leur poids […]. De leur côté, les hommes obèses en particulier dans le milieu des cadres ou dans la vente sont mal considérés. Les stéréotypes négatifs à l'égard des hommes obèses sont forts. En utilisant une technique de mesure des stéréotypes, j'ai constaté que les hommes présentant un visage obèse étaient perçus négativement (comparativement à des hommes de poids moyen) du point de vue des traits sociaux (bonheur, tolérance, confiance, honnêteté, etc.) et des traits intellectuels (intelligence, sérieux, détermination, etc.).

Les femmes de forte corpulence sont quant à elles clairement ostracisées au travail. Elles sont plus souvent au chômage, occupent des emplois précaires et touchent de moindres salaires que les autres. Hommes et femmes qui prennent du poids voient leur situation professionnelle se dégrader et leur salaire baisser (quand ils ne perdent pas leur emploi). Pourquoi, à diplôme égal, une personne obèse gagne-t‑elle moins ? Les entreprises préfèrent recruter et attirer des candidates séduisantes qui exerceront leurs charmes auprès des clients […]. Les salaires s'en ressentent. Mais il y a une autre raison à cette préférence des employeurs pour les minces : les employeurs, sans l'avouer, recrutent des salariés qui leur semblent en bonne forme physique. On en veut pour preuve le fait que les sportifs sont nettement valorisés au recrutement et mieux payés ensuite. Enfin, les employeurs ont le sentiment que les personnes grosses seraient moins dynamiques, moins compétentes, moins intelligentes et auraient une personnalité faible.

Combien rapporte donc la beauté ? Combien en coûte-t‑il d'être peu gâté par la nature ? Un économiste américain a calculé que ceux qui s'estiment physiquement moins beaux que la moyenne sont payés 4% de moins s'agissant des femmes et 13% pour les hommes […]. Quant à ceux qui sont plus beaux que la moyenne, ils gagnent 8% de plus pour les femmes et 4% de plus pour les hommes. L'écart entre un homme au physique ingrat et un Apollon (plus de 17 %) équivaut presque à deux années d'études.

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Extrait de "DRH : le livre noir", Editions Seuil (janvier 2013)

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