Fermeture de Petroplus ? Pourquoi le raffinage n'est pas rentable en France<!-- --> | Atlantico.fr
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Les repreneurs potentiels de Petroplus ont jusqu'à ce mardi pour déposer leurs offres concernant la raffinerie de Petit-Couronne.
Les repreneurs potentiels de Petroplus ont jusqu'à ce mardi pour déposer leurs offres concernant la raffinerie de Petit-Couronne.
©Reuters

Industrie

Les prochaines heures s'annoncent décisives pour l'avenir de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne, près de Rouen, dans la Seine-Maritime, et de ses 470 salariés, avant la dernière limite, ce mardi, pour le dépôt des candidatures au rachat du site.

Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est Docteur en économie, professeur en marché des matières premières à PSB (Paris School of Buisness) et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Son dernier livre est Introduction inquiète à la Macron-économie (Les Petits matins, octobre 2016) co-écrit avec Frédéric Farah. 

Il est également l'auteur de TAFTA : l'accord du plus fort (Max Milo Editions, octobre 2014) ; Le mirage du gaz de schiste (Max Milo Editions, mai 2013).

Il a coordonné l’ouvrage collectif Regards sur un XXI siècle en mouvement (Ellipses, aout 2012) préfacé par Jacques Attali.

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Atlantico : Les repreneurs potentiels de Petroplus ont jusqu'à ce mardi pour déposer leurs offres concernant la raffinerie de Petit-Couronne (Seine-Maritime). Plusieurs sociétés pourraient déposer des offres, mais certaines d'entre elles seraient d'ores et déjà jugées "insuffisantes" ou tomberaient sur le coup d'une interdiction envers l'Iran. L'activité de raffinage est-elle rentable en France ?

Thomas Porcher : La rentabilité d’une raffinerie est évaluée en fonction des marges de raffinage. Or, le calcul de la marge brute de raffinage est la différence entre la valeur des produits raffinés (essence, diesel,…) sur le marché de Rotterdam moins le coût d’achat du pétrole qui inclue le prix du brut sur les marchés mais aussi le fret et les assurances. Cette marge doit donc être prise avec précaution car elle dépend plus de la volatilité des prix des produits raffinés et du brut sur les marchés que de la productivité des acteurs du raffinage, souvent d’ailleurs tenus comme responsables des pertes du secteur.

Si l’évolution des marchés provoque une augmentation de l’écart entre les prix des produits raffinés et du pétrole brut, alors le secteur du raffinage réalise des marges sans même que sa productivité réelle ne change et inversement pour les pertes. Il suffit de regarder les chiffres des marges brutes de raffinage sur Brent (Euro/tonne) des derniers mois pour comprendre la volatilité du secteur : en février 2012, la marge était de 18 euros pour passer à 40 euros en avril puis redescendre à 25 euros en mai.

C’est d’ailleurs là qu’est le principal problème du raffinage en France comme dans le reste du monde, la rentabilité des raffineries ne dépend pas réellement de leur productivité mais de marges « artificielles » qui sont soumises à la volatilité des marchés. Parfois, le secteur du raffinage est gagnant, c’est le cas cette année pour Exxon Mobil et Chevron qui ont vu leurs bénéfices soutenus par le raffinage, parfois perdant comme ces trois dernières années en France.

En 2010, les raffineries françaises étaient en grève. Le secteur du raffinage est-il protégé en France ? Profite-t-il de prix artificiels par rapport aux prix qui résulteraient d'une confrontation naturelle entre l'offre et la demande sur un marché ?

Le secteur du raffinage n’est pas protégé en France. Par contre, le prix du diesel à la pompe est un prix artificiel qui ne joue plus en faveur des raffineries. Depuis 1994, la demande française en diesel ne cesse de croître, alors que la demande en essence connait une forte diminution.

Actuellement, la demande de gazole représente 80% de la demande de carburant et les raffineries françaises se trouvent obligées d’exporter leur production d’essence qu’elles n’arrivent pas à écouler sur le territoire, parfois à un prix bas, et d’importer du gazole de l’étranger. Cette inadaptation de l’outil de travail des raffineries françaises à la demande est absurde et pèse sur leur compétitivité. Les pertes s’expliquent en partie par les surcapacités de production d’essence dues à l’inadaptation de l’offre et de la demande. Or, l’arrêt de l’avantage fiscal sur le diesel permettrait de réadapter l’offre à la demande. Il faut donc cesser de protéger le diesel pour protéger les raffineries.

La crise économique, ayant entraîné une baisse de la consommation d'essence, a-t-elle débouché sur une surcapacité des capacités mondiales de raffinage ?

Il est vrai qu’on assiste à une baisse de la demande, une baisse structurelle avec la production de véhicules plus légers et donc moins gourmands en carburant et une baisse conjoncturelle avec la crise. Mais, comme je l’ai dit précédemment, l’annonce des bénéfices des premières compagnies montrent que cette année, le secteur du raffinage a soutenu leurs bénéfices. Le vrai problème est que leur rentabilité, et donc leur survie, dépend surtout des mouvements hasardeux des marchés.

Or, le maintien de raffineries sur les territoires nationaux est essentiel car elles assurent une sécurité d’approvisionnement. Et chacun doit prendre conscience que l’alternative d’une disparition des raffineries en France peut se révéler dramatique : le pays sera alors à la merci des importateurs qui peuvent imposer des contraintes de prix en agissant eux-mêmes sur le calendrier des importations. Les français insulaires connaissent déjà cette situation et manifestent périodiquement contre ces méfaits.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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