Jours de pouvoir... ou d'impuissance ? Les explications de Bruno Le Maire sur son livre<!-- --> | Atlantico.fr
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La main qui gouverne ne tire plus toutes les ficelles du capitalisme, elle en tient encore à peine une ou deux, et si elle ne prend pas garde à ses choix, demain elle sera la marionnette"
La main qui gouverne ne tire plus toutes les ficelles du capitalisme, elle en tient encore à peine une ou deux, et si elle ne prend pas garde à ses choix, demain elle sera la marionnette"
©Reuters

Politique fiction

Dans "Jours de Pouvoir", son journal de bord littéraire, l'ancien ministre de l'Agriculture dévoile les coulisses de la fin du mandat de Nicolas Sarkozy et entend "raconter l'expérience humaine du pouvoir".

Bruno Le Maire

Bruno Le Maire

Bruno Le Maire est député LR de l'Eure, et candidat à la primaire de la droite et du centre.

Il a été successivement directeur de cabinet de Dominique de Villepin, secrétaire d'État aux Affaires européennes et ministre de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche.

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Atlantico : "Jours de Pouvoir", votre journal de bord littéraire, dévoile les coulisses de la fin du mandat de Nicolas Sarkozy. Quel message vouliez-vous délivrer à travers ce livre ?

Bruno Le Maire : Mon but était de raconter l'expérience humaine du pouvoir. La plupart des gens ont une représentation du pouvoir qui est celle des médias, mais pas une vision humaine directe. Avec ce livre, je voulais raconter très concrètement la vie au pouvoir : montrer le quotidien d'un ministre, les relations avec le président de la République, les lieux où les décisions sont prises, notamment à Bruxelles. Je voulais que les gens puissent toucher l'expérience du pouvoir, toucher le pouvoir.

Vous décrivez également votre expérience d'ancien ministre de l'Agriculture et le désespoir des agriculteurs. Avec le recul avez-vous eu le sentiment d'être utile à ce poste ?

J'ai le sentiment d'avoir été utile, mais pas assez utile par rapport aux objectifs que je m'étais fixés. C'est l'interrogation profonde du livre : la politique peut-elle encore agir sur la réalité des gens ? Je crois profondément à la politique. Mais nous ne réussirons pas si nous ne changeons pas réellement et radicalement nos pratiques politiques.

La leçon que j'ai retenu de mon passage au ministère de l'Agriculture, c'est qu'on ne change rien à l'agriculture française, à moins que les agriculteurs eux-mêmes le décident. Nous devons les associer aux décisions. Le rapport à l’État et à l'autorité est très différent de ce que nous avons connu dans les décennies précédentes. Il ne faut pas attendre son salut d'une autorité venue d'en haut. Il faut attendre son salut de sa propre responsabilité. Le rôle premier des responsables politiques est d'arriver à convaincre chacun qu'il porte une responsabilité personnelle dans notre destin collectif.

Vous écrivez, "La main qui gouverne ne tire plus toutes les ficelles du capitalisme, elle en tient encore à peine une ou deux, et si elle ne prend pas garde à ses choix, demain elle sera la marionnette, et le capitalisme la main. Un jour viendra où des entreprises, des patrons étrangers, des fonds de pension, des investisseurs diront "Faites !" et nous nous exécuterons". On vous sent assez désabusé par un monde politique qui semble avoir de moins en moins de prise sur le réel. N'êtes-vous pas finalement plus heureux en littérature qu'en politique ? 

Je vous rassure, je suis très heureux en politique et très heureux en littérature. J'ai besoin des deux et je compte poursuivre sur ces deux voies. Cela peut paraître singulier aujourd'hui, mais dans l'Histoire de France cette double vocation a été assez courante.

Toutefois, la phrase que vous citez traduit une véritable interrogation : comment redonner du pouvoir à la politique ?Aujourd'hui, celle-ci est menacée de toute part par des règles économiques, par la situation financière, l'endettement. Il y a un vrai risque de perte de souveraineté pour la France, un vrai risque de perte de contrôle de la réalité par les responsables politiques. Quelles réponses peut-on apporter à cette situation ? C'est un des éléments clefs des décisions politiques à venir.

Vous mélangez l'intime et le politique. Le risque n'était-il pas de brouiller votre message ? Par ailleurs, n'était-il pas un peu tôt pour lever ainsi le voile sur les coulisses du pouvoir ? 

C'est la singularité de ce livre. L'expérience du pouvoir, c'est le mélange entre vie publique et vie personnelle, entre votre vie de père, avec vos obligations familiales, et votre vie politique avec ses contraintes. La plupart du temps, les gens ne voient que la représentation médiatique de la vie publique. J'ai voulu montrer que ce n'était pas la vérité de l'expérience du pouvoir qui mêle de manière très intime la vie privée avec ses doutes et la vie publique.

Mon objectif n'était pas d'écrire des mémoires, mais de relater au jour le jour mon expérience. Ce n'est pas un livre qui a été écrit le 7 mai au lendemain de la défaite de Nicolas Sarkozy en reprenant les éléments que j'avais vécu. C'est un livre qui a accompagné ma vie politique. J'écris tous les matins en me mettant à ma table de travail. Mon livre est une retranscription au jour le jour. C'est un procédé singulier qui ne s'apparente pas du tout à des mémoires qui recomposent le passé. C'est un instantané de la vie du pouvoir.

Vous dressez un portrait de Nicolas Sarkozy plus complexe que sa caricature. Votre livre serait-il un appel déguisé à l'ancien président de la République ?

Chacun interprètera mon livre comme il voudra. Mais l'un de mes objectifs était effectivement de dépasser la caricature du pouvoir. Le pouvoir n'est pas seulement ce qu'on en voit. C'est aussi une affaire d'hommes et de femmes engagés avec leurs doutes et leurs interrogations. Je ne me suis jamais retrouvé dans les descriptions caricaturales de Nicolas Sarkozy. On ne retient que certains aspects de sa personnalité. J'ai voulu donner accès à un portrait plus saisissant : montrer que Nicolas Sarkozy aime la littérature, montrer sa relation particulière avec l'auteur Céline, montrer qu'il s'intéresse aussi au cinéma, qu'il pouvait avoir des traits d'humour parfois cinglants sur ses ministres, mais qu'il pouvait aussi se montrer très respectueux. Je voulais raconter le Sarkozy que j'ai connu comme ministre très différent du Sarkozy que l'on m'a retracé vu de l'extérieur.

Vous n'avez pas pu être candidat à la présidence de l'UMP comme vous le souhaitiez à cause d'un nombre insuffisant de signatures. Serez-vous candidat à la prochaine élection si les règles changent ?

La première priorité aujourd'hui est de retrouver notre unité. La deuxième à laquelle je consacre beaucoup de temps est de proposer de nouvelles solutions aux Français qui nous soutiennent. On ne peut pas rester les deux pieds dans le même sabot. Je me déplace beaucoup en France pour essayer de comprendre avec les Français sur le terrain quelles sont les bonnes solutions pour sortir le pays de la situation dramatique dans laquelle il se trouve aujourd'hui.

Vous étiez candidat en septembre 2012, il ne serait pas illogique que vous retentiez votre chance en septembre 2013 ...

La logique et la politique ne font pas toujours bon ménage. La seule chose que je peux vous dire c'est que j'ai des convictions et que quoi qu'il arrive, je défendrais mes convictions avec la même fermeté.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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