Relation à durée déterminée
Désolé... l'amour ne dure pas toujours (c'est en tout cas ce que dit la science)
L'amour a-t-il véritablement une date de péremption ? De nombreuses études scientifiques montrent que tomber amoureux serait uniquement biologique... et donc fatalement temporaire.
L'amour ne dure-t-il que trois ans, comme le prétend Frédéric Beigbeder ? Au cinéma comme dans la vie, les histoires d'amour finissent souvent mal, et assez tôt. Mais l'amour a-t-il véritablement une date de péremption ? Amoureux transis, passez votre chemin, car ça se pourrait bien... C'est en tout cas ce qu'affirme la psychologue Barbara Fredrickson dans son dernier livre "Love 2.0 : How Our Supreme Emotion Affects Everything We Feel, Think, Do, and Become" ("L'amour 2.0 : comment notre émotion suprême influe sur tout ce que nous ressentons, pensons, faisons et devenons").
Barbara Fredrickson avance même des preuves scientifiques pour soutenir sa théorie. Selon elle, ce n'est pas un sentiment durable et perpétuel qui permet à un couple de rester soudé pendant 30, 40, voire 50 ans. Ce n'est pas non plus le désir ou la passion, qui caractérisent souvent un amour naissant. Bien au contraire. Ce qui fait tenir un couple, c'est ce qu'elle nomme un "micro-instant de résonance positive". Ce terme un peu barbare signifie tout simplement que l'amour est une sorte de connexion qui se caractérise par un flot d'émotions positives que nous partageons avec une autre personne. Ces "micro-instants" peuvent être partagés avec votre compagnon ou votre compagne, vos enfants, vos amis etc. Résultat : il est possible que vous tombiez très brièvement amoureux dans la journée d'un de vos collègues ou de l'épicier du coin.
Une théorie peu conventionnelle mais qui pourrait se révéler moins farfelue qu'elle n'y paraît. Surtout si l'on prend en compte certaines réalités sociales. Aux Etats-Unis, selon un sondage du General Social Survey, une personne avait en moyenne trois confidents en 1985. En 2004, la plupart des personnes interrogées ont affirmé qu'elles n'avaient aucun confident. Selon une étude John Cacioppo, un spécialiste de la solitude qui travaille à l'université de Chicago, 20% des Américains se sentent seuls et isolés. Un autre sondage du Centers for Disease Control affirme que 10% des Américains sont déprimés. Et selon une étude relayée par Reuters, la plupart des gens affirment que leur partenaire est leur plus grande source de bonheur. Raison pour laquelle environ la moitié des personnes interrogées qui sont célibataires cherchent un compagnon ou une compagne.
Pour Barbara Fredrickson ces chiffres sont très importants. Ils révèlent un "effondrement mondial de l'imagination" comme elle l'écrit dans son livre. "Concevoir l'amour uniquement comme une belle romance ou un engagement envers une personne spéciale (...) limite le bonheur que vous pouvez tirer" d'une relation amoureuse.
Pour vivre ces fameux "micro-instants de résonance positive", vous devez être physiquement avec la personne. Se souvenir d'une "private joke" en envoyant un SMS à votre tendre moitié ne compte pas. Vous vous sentirez sans doute connecté avec cette personne, mais votre corps ne sera absolument pas "amoureux" à cet instant.
Pourquoi ? Tout simplement parce que l'amour fonctionne biologiquement. Mais contrairement à d'autres émotions positives, comme la joie ou le bonheur, l'amour a besoin d'interaction pour exister : il naît d'une relation entre deux personnes. Notre "système biologique amoureux" fonctionne grâce à trois éléments : les neurones miroirs, l'ocytocine et le nerf vague.
Découverts en 1994 par l'Italien Giacomo Rizzolatti, les neurones miroirs seraient à la base de nos capacités d'imitation, de certains types d'apprentissages et - ce qui nous intéresse ici - de l'empathie. Si, comme le pensent certains linguistes, la communication humaine a commencé par une gestuelle faciale et manuelle, alors les neurones miroirs auraient pu jouer un rôle important dans l’évolution du langage. Le mécanisme des neurones miroirs résout deux problèmes fondamentaux de communication : la parité et la compréhension directe. La parité suppose que le sens du message soit le même pour l’expéditeur et pour le destinataire. La compréhension directe signifie qu’un accord préalable entre les individus n’est pas nécessaire pour qu’ils se comprennent. L’accord est inhérent à l’organisation neuronale de deux personnes. Les miroirs internes seraient donc ce qui permet à Paul et à Claire de se parler sans mots, rien qu'avec les yeux...
L'ocytocine, parfois appelée "l'hormone de l'amour", facilite les "micro-instants de résonance positive". Plusieurs études ont montré une forte augmentation du taux d'ocytocine pendant les rapports sexuels. Après l'amour, la plupart de gens se sentent calmes et détendus. C'est cette hormone qui explique en grande partie ces moments câlins de tendresse et d'apaisement. L'ocytocine ne serait ni plus ni moins qu'un filtre d'amour à durée déterminée. Larry J. Young, neurobiologiste et professeur de psychiatrie à l'université Emory estime que les chercheurs pourraient ainsi créer des substances qui augmenteraient ou diminueraient l'amour pour quelqu'un.
Le nerf vague est le dernier élément qui joue un rôle dans cette biologie amoureuse. Comme l'explique Barbara Fredrickson dans son livre, "le nerf vague stimule de petits muscles du visage qui vous permettent de mieux établir un contact visuel et de synchroniser nos expressions faciales avec celles d'une autre personne". Le lien entre le nerf vague et l'amour que nous éprouvons pour quelqu'un peut se mesurer en examinant la fréquence cardiaque d'une personne et sa respiration. C'est ce qu'on appelle le "tonus vagal". Des études ont montré que les personnes ayant un tonus vagal élevé parvenaient mieux à contrôler leurs émotions, étaient plus attentives aux autres, et surtout, étaient plus affectueuses. Des chercheurs ont par ailleurs prouvé que les personnes avec un "tonus vagal" élevé avaient plus d'expériences amoureuses que les autres !
Tomber amoureux serait donc uniquement biologique... et fatalement temporaire.
Marie Slavicek
Atlantico a interrogé Pascal de Sutter, psychologue-sexologue et professeur à l'université de Louvain-La-Neuve en Wallonie dont le site Internet apprend aux hommes et femmes à prolonger leur amour.
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