Paris Londres Berlin : la dynamique des alliances européennes retrouve-t-elle le cours d'une Histoire que le XXe siècle avait détourné ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Construire une politique étrangère commune qui puisse s’affirmer sur la scène internationale reste encore hors de portée.
Construire une politique étrangère commune qui puisse s’affirmer sur la scène internationale reste encore hors de portée.
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L'Histoire pour les nuls

La France et l'Allemagne fêtent ce mardi les 50 ans de leur réconciliation. Mise en perspective, l'Histoire de l'Europe s'est faite d'alliances changeantes fondées momentanément sur des intérêts d'Etats.

François Géré

François Géré

François Géré est historien.

Spécialiste en géostratégie, il est président fondateur de l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS) et chargé de mission auprès de l’Institut des Hautes études de défense nationale (IHEDN) et directeur de recherches à l’Université de Paris 3. Il a publié en 2011, le Dictionnaire de la désinformation.

 

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Inutile de remonter trop loin dans le temps (Jeanne d’Arc, les guerres napoléoniennes etc.). Mise en perspective, l’histoire de l’Europe est faite d’alliances changeantes fondées momentanément sur des intérêts d’Etats dynastiques ou patriotiques. Regardons les fibres déjà longues de la construction européenne.

Jean Monnet, Robert Schumann, Konrad Adenauer et Alcide De Gasperi ont cherché d’abord et surtout à enraciner, à travers l’économie, une communauté indissociable d’intérêts (telle que la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier) assez puissants pour en finir avec les rivalités, notamment sur la Sarre. Peu à peu, cette stratégie de réduction des antagonismes s’est muée en un projet de construction d’une sphère de prospérité. De temps à autres, il fut question de dépasser les seuls intérêts commerciaux et d’instituer une défense commune (échec de la CED en 1954) ou bien une politique étrangère commune. Mais la conjonction des oppositions (de droite et de gauche) rendit et rend encore la tâche impossible. Dans ce processus de construction, le Royaume-Uni se montra toujours intéressé ET réticent à l’égard de tout engagement susceptible d’aliéner son autonomie de décision et le libre choix de ses alliances au cas par cas.

La question qui se pose de manière brutale et sans doute décisive est de savoir si les Britanniques peuvent s’offrir le luxe d’être à la fois dedans et partiellement en dehors, bref de choisir la position qui leur convient au moment jugé, par eux opportun.

Remarquons cependant l’extrême différence entre le lien économique et le lien militaire. Dès 1955 la jeune République Fédérale Allemande place son armée reconstituée au sein des structures de l’OTAN. Elle y retrouve sous ombrelle nucléaire américaine  le Royaume-Uni et la France qui à cette date ne dispose pas encore de l’arme.

Ces tiraillements persisteront tout au long de la construction européenne.

Français et Allemands de plus en plus convaincus de la nécessité positive de leur lien deviennent les moteurs de la construction européenne, le phare.

Ensemble ils parviendront non sans mal, non sans réticences internes, à surmonter le choc de la fin de la Guerre froide et de la réunification allemande.

On sait que Margaret Thatcher chercha à attirer François Mitterrand pour s’opposer  à cette unité jugée déséquilibrante, quitte à faire un pas en direction de la Russie. George Bush soutint le chancelier Kohl que rejoignit finalement convaincu le président français. Admirable exemple !

Car il n’existe pas dans l’Union européenne de couples "absolus". Ni en économie, ni plus encore, dans les crises internationales où l’usage de la force devient une option. La France s’opposera avec les Allemands et les Russes à l’intervention américano-britannique de 2003 en Irak. Paris se retrouve pourtant avec Londres en Libye. Et aujourd’hui au Mali que fait l’Union européenne ?

On constate des moments privilégiés, des épreuves de vérité. Ils sont rares. On ne saurait les confondre avec les crises temporaires. Ces épreuves se reconnaissent au fait qu’elles touchent à l’existence même des pays, qu’elles interrogent leur identité.

La fin de la Guerre froide relève de cette dimension. Bien que de nature différente, la crise économique et financière de 2008 est de même importance parce qu’elle constitue un révélateur de la profondeur des engagements et des solidarités.

Au sein de l’Union européenne et de son sous ensemble, l’Eurozone, il existe encore des divergences de visions considérables. Construire une politique étrangère commune qui puisse s’affirmer sur la scène internationale reste encore hors de portée parce que comme en 1954 les Etats entendent rester maîtres de leurs décisions. C’est pourquoi Madame Ashton a été désignée à la tête d’un organisme qui ne saurait en aucun cas constituer un ministère européen des Affaires étrangères disposant d’une autorité supranationale. La construction européenne avance sans doute mais selon un rythme conforme à sa nature. Chacun des Etats membres entend conserver SA relation avec la Russie, les Etats Unis et maintenant les Etats émergents, la Chine au premier chef.

Il existe aussi des différences temporaires d’approche liées aux personnes et parfois, reconnaissons le, à leur propre agenda intérieur, pour ne pas dire dans cas de M. Berlusconi de ses intérêts personnels. M. Cameron joue aujourd’hui en sa résistance à l’UE ses cartes électorales. En permanence, des rééquilibrages et des ajustements sont donc nécessaires afin d’éviter trop de bilatéral franco-allemand, trop de Nord, pas assez de Sud… Le président Hollande ne "joue" pas MM. Monti et Rajoy contre Madame Merkel pas plus qu’il ne "joue" le président Obama contre la chancelière allemande. Car les Etats-Unis, en l’affaire, demeurent un partenaire essentiel des uns et des autres, qui n’hésite pas à une forme d’ingérence dans le débat européen (voir la remontrance publique à l’égard de M. Cameron.) afin de préserver le juste équilibre (conforme à ses intérêts).

Sur le billard européen roulent les boules. Il faudra encore du temps pour que ce mobile multidirectionnel se fixe en acteur mondial au plein sens du terme.

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