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Supprimer l'ISF : un débat irrationnel et inutile
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Réforme fiscale

Quel avenir pour l'Impôt de solidarité sur la fortune ? Le financement de la réforme de la fiscalité du patrimoine pose question. Faut-il le modifier l'ISF ou le supprimer en créant un impôt sur le revenu de la fortune (IRF) qui taxerait l'augmentation de la valeur du patrimoine ? Le gouvernement devrait trancher début avril. Et s'il s'agissait là d'un faux débat...

Matthieu Creux

Matthieu Creux

Matthieu Creux est blogueur politique sur Le Mal Pensant.

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L'impôt sur la fortune est né en 1981 avant d'avoir été assassiné en 1986 puis ressusciter en 1988, et trente ans plus tard, la grande question fiscale du moment est toujours de savoir s'il faut oui ou non le conserver, le modifier ou le supprimer. 

La compréhension de cet impôt est parasitée par un tel ramassis de caricatures entretenues par ceux qui ne supportent pas de le payer et par ceux qui veulent absolument que "les riches" le payent, que cela empêche probablement les Français d'en saisir les vrais enjeux

Quelques chiffres pour mieux comprendre l'ISF

Qui paye l'ISF ? Les riches. Non ! En fait, ce sont principalement les vieux qui ont une petite retraite et qui possèdent un bien immobilier qui a pris de la valeur tout au long de leur vie. La moyenne d'âge des contribuables touchés par l'ISF est en effet de 66 ans. La majorité d'entre eux ont des revenus très faibles voire nuls… et sont donc très vite touchés par le bouclier fiscal vu les sommes qu'on leur demande en comparaison de leurs revenus. C'est en partie ce qui explique que, selon le ministère des finances, 68 % des personnes qui ont bénéficié du bouclier fiscal l'année dernière ont un revenu annuel inférieur à 13 000 euros ! 

Ce qu'on ne dit pas non plus assez, c'est que cet impôt est vécu comme injuste par tout une partie des classes moyennes qui ont épargné pour investir dans l'immobilier. Certains citoyens payent l'ISF parce qu'ils ont préféré investir leurs épargnes dans la pierre pour mieux se loger alors que d'autres, à revenu égal voire supérieur, sous prétexte qu'ils ont déjà profité des fruits de leurs revenus en le claquant à droite et à gauche, n'ont pas à le payer, faute de biens immobiliers…C'est aussi juste de dire que l'ISF est un impôt extrêmement concentré sur les très grandes fortunes : lorsque l'on considère l'ensemble des foyers imposés, les 42 % les moins riches, ceux qui sont dans la 1ère tranche, ne rapportent que 8,1 % du produit de l'ISF alors que les 0,4 % les plus riches sont à l'origine de près de 22 % du produit total de l'ISF. 

ISF : une goutte d'eau dans la fiscalité du patrimoine

Que gagne-t-on à maintenir l'ISF ? "Seulement" 4 milliards d'euros, ce qui ne rapporte vraiment pas grand chose aux finances publiques en soit, mais qui lui couterait en fait très cher d'après l'Institut Montaigne, qui estime que l'Etat se prive de 12 milliards d'euros en prélevant un argent que les "riches" pourraient dépenser ailleurs où l'Etat taxe plus l'engagement de dépense. Effectivement, au lieu de taxer la possession du patrimoine entre 0,55 % et 1,88 % de la valeur de ces patrimoines (les taux de l'ISF), autant laisser les revenus des gens redevables de l'ISF être dépensés ailleurs là où la TVA rapporterait bien plus à l'Etat, fixée généralement entre 5,5 % et 19,6 %. 

En réalité, vouloir faire une révolution fiscale en commençant par parler de la réforme de l'ISF, c'est faire part d'un sens des priorités un peu étrange au regard du véritable impact de cet impôt sur les finances publiques de l'Etat. A ne considérer que la fiscalité du patrimoine, l'ISF n'est qu'un tout petit élément de l'imposition du patrimoine puisqu'il ne représente que 4 % de la fiscalité du patrimoine. Ce serait plutôt plus judicieux de lancer un débat sur les taxes foncières par exemple, autre impôt payé par ceux qui possèdent un bien immobilier, quel qu'il soit, et estimé profondément injuste. 

S'intéresser aux vrais débats

En effet, les taxes foncières, et là, on parle de 13 milliards d'euros, sont calculées en fonction de la valeur estimée des biens de secteur géographique… valeur calculée en 1970 et jamais actualisée depuis ! Exemple classique : vous habitez dans le sud du 14ème arrondissement, à Paris, vous êtes faiblement imposé car en 1970, habiter dans ce quartier n'était pas très prisé et le prix du mètre carré était assez bas, alors que l'indice de la ville de Sarcelles qui n'était à l'époque pas encore devenu ce que c'est aujourd'hui, est plus élevé que dans certains centres-villes très recherchés du moment. D'ailleurs, quelqu'un qui contesterait sa feuille d'impôt à la lumière de cette non-actualisation (pourtant prévue par la loi) pourrait ouvrir un contentieux jusqu'au Conseil Constitutionnel (QPC) en affirmant que l'impôt n'est pas équitable ni basé sur des ressources personnelles justement estimées. 

Autre vrai débat : pourquoi continuer à laisser exister près de 72 niches fiscales sur l'imposition du patrimoine, ce qui coûte environ 18 milliards d'euros par an à l'Etat ! Pourquoi ne pas tout faire pour faire revenir les expatriés fiscaux ? Rien qu'en Suisse, il y a 20 000 Français environ, ce qui représente 100 milliards d'euros de fuite (presque 5 millions d'euros par foyer). Les vrais leviers de conquête budgétaire sont à trouver par là. Les vrais débats aussi. 

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