La science plus forte que les handicaps ? Demain, des membres mécaniques intelligents et sensitifs pour "réparer" les amputés<!-- --> | Atlantico.fr
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Claudia Mitchell est une jeune femme marine américaine de 25 ans, qui a perdu en mai 2004 la totalité de son bras gauche, amputé au ras de l'épaule, dans un accident de moto.
Claudia Mitchell est une jeune femme marine américaine de 25 ans, qui a perdu en mai 2004 la totalité de son bras gauche, amputé au ras de l'épaule, dans un accident de moto.
©Reuters

Androïdes

Des amputés devraient à l'avenir être "réparés" avec des membres mécaniques capables d'interpréter leur environnement et de transmettre des informations directement au cerveau humain.

David Rogez

David Rogez

Le docteur David Rogez est médecin en chef à l’hôpital militaire de Percy.

Il est chef de service adjoint en rééducation et réadaptation par suppléance.

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Atlantico : Fabriquer des bras, des jambes ou d'autres membres pour des personnes qui en seraient privées, est-ce envisageable à l'heure actuelle ?

David Rogez : Ce que l'on sait faire, pour l'instant, ce sont des prothèses mécaniques ou hydrauliques. La plupart des patients bénéficient de ce type de prothèses. Depuis quelques années, on commence à voir émerger ce que l'on appelle des prothèses bioniques, qui reste malheureusement extrêmement couteuses.

Des prothèses bioniques, ce sont des prothèses qui sont équipées d'un certain nombre de capteurs qui vont pouvoir analyser vitesse, charge et autres facteurs qui vont entraîner une réponse de la prothèse elle-même. Par exemple, un blocage du genou qui empêchera une chute ou un déblocage du genou pour permettre un déplacement fluide. Ce sont des choses basiques mais indispensables au quotidien. Ces prothèses sont de plus capables d'enregistrer ces informations et de s'adapter en fonction du patient : marche plus ou moins rapide, difficultés diverses par exemple.

Tout cela reste très peu diffusé : une telle prothèse coûte environ 50 000 euros et n'est pas remboursée ! Quelques blessés militaires ont pu en bénéficier, par exemple, grâce au financement de diverses associations. Pour les civils, les rares bénéficiaires sont en général des victimes d'accidents où un tiers a pu être mis en cause.

L'avenir, l'étape suivante, qu'est-ce que c'est ?

Pour l'instant, la première étape, c'est de prouver le bon fonctionnement de telles prothèses. Il s'agit de démontrer qu'elles apportent un vrai confort et une vraie amélioration fonctionnelle au patient, notamment au patient actif : plutôt jeune et développant une importante activité physique, disposant d'un bon état général. Il y a une réflexion industrielle derrière : plus on pourra prescrire ce type de prothèses, plus les fabricants en produiront, plus les coûts seront réduits.

Des prothèses biologiques, c'est envisagé ? Peut-on imaginer un jour refabriquer des membres ?

Pour ce qui touche les greffes, la question de l'acceptation de l'organe ou du membre continue de se poser. Il y a un gros travail pour éviter un rejet de la greffe. Pour un membre qui appartiendrait directement à la personne, les cas sont extrêmement rares : il faut que le membre amputé soit parfaitement coupé, sans liaisons graves, en ayant une intervention extrêmement rapide. Là encore, le patient ne récupérera pas pleinement l'usage de son membre.

Fabriquer des membres totalement synthétiques ... c'est encore loin ! On commence à être capables de produire de la peau. En prélevant un petit centimètre de peau, sur un patient, on peut passer par des laboratoires américains pour obtenir une surface plus importante une semaine après. Mais il s'agit juste de peau, que l'on pourra poser sur le corps d'un blessé. Fabriquer du muscle est autrement plus complexe et beaucoup plus éloigné de nous.

Ce qui est plus envisageable à moyen terme, en plus des prothèses bioniques dont je vous ai parlé, c'est d'améliorer l'intégration au corps d'équipements mécaniques. L'un des principaux problèmes, par exemple, c'est ce que l'on appelle l'emboiture : la pièce qui se trouve entre le moignon et la prothèse. Cette pièce peut poser beaucoup de soucis : lourde, difficilement adaptable à certains patients (les amputés au niveau de l'épaule ou de la mi-cuisse sont particulièrement concernés), elle peut poser de nombreux problèmes d'ergonomie pour le porteur. De plus en plus, des équipes pratiquent ce que l'on appelle l'osthéo-intégration. Il s'agit d'intégrer une pièce métallique directement dans ce qu'il reste du membre, de l'os : une tige métallique dépassera alors de l'amputation d'une dizaine de centimètres et pourra directement s'accorder à la prothèse.

A long terme, peut-on espérer un jour voir des patients retrouver une sensation de toucher dans des membres amputés ?

A beaucoup plus long terme, on parle de faire des greffes nerveuses. Il s'agit de dériver des nerfs intacts et de les connecter sur les terminaisons de la prothèses. Cela permet de relier directement le cerveau du patient au membre. Des recherches sont notamment en cours à ce sujet pour des prothèses des membres supérieurs. On espère ainsi voir des amputés commander directement par leur cerveau l'ouverture ou la fermeture d'une main mécanique, par exemple.

Est-ce qu'on pourra intégrer des facteurs sensitifs dans ce type de prothèses ? A priori oui, on espère en tout cas. Plusieurs pistes évoquent des capteurs sur ces prothèses qui pourraient retransmettre des informations, et donc des sensations, directement traitées par le système nerveux et par le cerveau.

Comment avance la recherche dans ce domaine ?

Pour ce qui est des membres supérieurs, beaucoup moins de laboratoires travaillent sur le sujet car il y a beaucoup moins d'amputés des membres supérieurs. Tout dépend au final de l'impact économique.

La recherche est menée à la fois par des organismes publics, notamment pour les greffes, comme par des organismes privés, pour l'élaboration et la fabrication de prothèses. Pour les prothèses, il y a trois laboratoires dans le monde qui travaillent sur le sujet à grande échelle : un aux Etats-Unis, un en Allemagne et un en Islande.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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