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Un scandale à 639 000 milliards de dollars ? Ces nouvelles règles américaines pour la sécurité financière que les banques ont prévu de contourner
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All in !

Pour éviter un nouveau "Lehman Brothers", les Etats-Unis vont appliquer de nouvelles lois de surveillance des marchés. Loin de protéger l'économie, elles laissent perdurer les dérivés hors marchés dans des montants inégalés, à hauteur de 639 000 milliards de dollars. Leur seule priorité : s'assurer que la première faillite ne sera pas américaine ....

Marc Mayor

Marc Mayor

Marc Mayor est un investisseur professionnel, fondateur d'Inside ALPHA. Il écrit régulièrement des rubriques pour l'hebdomadaire intitulé "Le Coin des Insiders" dans le quotidien financier suisse Agefi.

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L'enfant normal, lorsqu'il est pris la main dans le pot de confiture, a tendance à rougir et à baisser le regard. Mais le futur bankster a une réaction toute différente. Il plaide : "c'était pas moi, c'était ma main".

Arrivés à l'âge adulte, ces individus finissent par diriger des sociétés comme Enron. Comme il faut que ce type d'entreprises déclare des bénéfices chaque trimestre, quoi qu'il arrive, Enron avait créé 3 000 sociétés offshore dans lesquelles elle cachait ses cadavres.

Quand la SEC, gendarme boursier, s'étonna de tels montages, la réponse fusa : "c'est pas moi, c'est ma main". Autrement dit : "c'est pas Enron, ce sont les coquilles qui nous appartiennent qui sont en faillite".

En théorie, vous et moi pourrions faire de même. Nous allons à la banque, obtenons un prêt, puis séparons la dette et l'argent. Les billets vont dans notre "bonne banque", les dettes dans notre "mauvaise banque". La seule différence, c'est que si vous et moi tentions le coup, nous finirions en prison.

Le marché OTC, la prochaine menace

Depuis plus d'un an, j'attire l'attention des investisseurs sur les dérivés hors marché (over the counter ou OTC en anglais), qui pèsent environ 639 000 milliards de dollars aux dernières nouvelles, selon la Banque des règlements internationaux. Ce montant représente un peu plus de quatre fois la valeur financière de tout ce qui se trouve sur notre planète.

J'insiste sur le fait qu'il s'agit du chiffre représentant seulement les contrats hors marché, ce qui signifie qu'il n'y a aucune obligation pour qui que ce soit de constituer des réserves liées à de tels contrats.

Je m'explique : imaginons que vous et moi faisons un pari. Par exemple vous dites que le premier enfant de la duchesse de Cambridge sera une fille, moi je dis qu'il s'agira d'un garçon ou vice versa.

Dans un marché régulé, si nous parions cent euros, un huissier vérifiera que chacun d'entre nous possède bien la somme misée ; peut-être même qu'il demandera à ce que la somme soit bloquée sur un compte jusqu'au dénouement de l'affaire.

Dans un marché OTC, vous et moi pouvons parier des centaines de milliers de milliards même si nous ne possédons pas un kopeck, puisque personne ne vérifie. Je peux assurer ma maison contre les incendies auprès de votre compagnie d'assurance OTC. Dans mon esprit, j'ai fait ce que doit faire bon père de famille ; dans la réalité, si ma maison brûle, votre assurance fera faillite et ne me paiera pas un sou.

Voici maintenant que la très sérieuse agence Reuters nous informe que des banques comme Morgan Stanley et Goldman Sachs, toutes deux championnes du dérivé OTC, prennent désormais les paris hors des Etats-Unis.

La nouvelle théorie des dominos

Des nouvelles lois américaines entrent en vigueur dès le 1er janvier prochain, qui ont pour but d'éviter les catastrophes financières comme celle qui a tué Lehman Brothers en 2008.

En d'autres termes, il sera désormais interdit de faire tomber le domino américain en premier. Du coup, les banksters ont décidé de faire tomber le premier domino ailleurs à l'avenir.

Résultat : la réaction en chaîne aura bien lieu, mais on ne pourra plus accuser les Américains (analogie : l'enfant). Il faudra se rabattre sur les filiales des banques américaines à l'étranger (analogie : la main).

Gareth Old, un avocat du cabinet Clifford Chance de New York le confirme : la nouvelle loi considère que la filiale d'une banque américaine à l'étranger est une entité séparée de son propriétaire.

Nous en sommes donc arrivés au stade où, du point de vue légal pour les Américains, l'enfant et sa main sont deux entités séparées. Quoi de plus pratique pour qu'à l'avenir l'enfant puisse, à chaque méfait, accuser le membre en question ?

Gary Gensler, patron de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC, chargée de réguler notamment les produits dérivés financiers) reconnaît que c'est ce même montage qui a tué Lehman Brothers et Bear Stearns, ainsi que mis à genoux AIG et Citigroup il y a quatre ans.

Que nous réserve l'avenir ?

Dès lors, voici ce que je parie avec qui voudra : j'affirme que ce soufflé pesant quatre fois la valeur de l'univers sautera lorsque suffisamment de gens qui pensent être assurés verront qu'en cas de dommage, leur contrepartie sera en faillite.

J'affirme que, d'ici-là, les autorités monétaires continueront à imprimer de l'argent, pour le donner (techniquement, elles parleront d'un prêt, mais il ne sera évidemment jamais remboursé) aux banksters en faillite.

J'affirme que, dès que la vitesse de circulation de la monnaie aura touché le fond et rebondira, le monde connaîtra une période d'inflation comme il n'en a jamais connu sur le plan global.

J'affirme enfin que peu de personnes se seront préparées à un tel scénario ; ces investisseurs seront les grands gagnants de cette occasion unique, un peu comme un joueur professionnel à la table de poker, qui pourrait plumer plusieurs milliers de gens à la fois.

Vous en doutez ? Je suis prêt à parier avec vous, le montant que vous voudrez ; tant que tout cela reste OTC bien sûr...

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