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L'armée israélienne a-t-elle gagné la guerre de l'information ?
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Twitter War

Les réseaux sociaux s'imposent de plus en plus comme un moyen d'atteindre directement le public, sans passer par l'intermédiaire de la presse. Au cours de la dizaine de jours écoulés, Tsahal a démontré sa capacité à s'approprier ces outils jusque-là monopolisés par ses ennemis.

Romain Mielcarek

Romain Mielcarek

Romain Mielcarek est journaliste indépendant, spécialiste des questions de défense et de relations internationales. Docteur en sciences de l'information et de la communication, il étudie les stratégies d'influence militaires dans les conflits.

 

Il anime le site Guerres et Influences (http://www.guerres-influences.com). Il est l'auteur de "Marchands d'armes, Enquête sur un business français", publié aux éditions Tallandier.

 
 
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Israël et les réseaux sociaux, ça n'a pas toujours été une histoire d'amour. Les forces de défense israéliennes ont en effet été parmi les premières armées modernes à être confrontées aux indiscrétions de leurs soldats sur Facebook et autres Twitters. Pour les moins graves, on se souviendra de militaires annonçant des sorties sur leurs profils numériques, entraînant l'annulation d'opérations entières. Pour les plus dramatiques, les annales du web 2.0 israélien ont été marquées par la diffusion de photographies avec des prisonniers palestiniens, trophées sordides d'un conflit qui n'avait pas besoin de telles provocations pour agréger toutes les haines.

Depuis le lancement de sa nouvelle campagne contre la bande de Gaza, Tsahal peut pourtant se féliciter d'une véritable victoire sur les réseaux sociaux. Cet outil, souvent plébiscité par les insurrections de par sa liberté d'action, trouve toute sa place dans l'opération Pilier de Défense. Pour de nombreux médias et de nombreux curieux, ce nouvel épisode du conflit israélo-palestinien a été l'occasion de découvrir un blog traduit en six langues, un compte twitter (205 000 followers), une page Facebook (290 000 fans) et une chaîne Youtube (60 000 abonnés) eux aussi traduits en plusieurs langues.

Tous ces outils ont permis de lancer, en même temps que les premières bombes de l'opération, une série d'attaques directement destinées au grand public. L'élimination par un drone israélien d'Ahmad Jaabari, l'un des principaux chefs militaires du Hamas, à peine relayée dans les médias, l'information diffusée par Tsahal avait déjà été partagées plusieurs centaines de fois sur les réseaux sociaux. Le tout avec un portrait rouge sang du leader "terroriste" ainsi neutralisé.

Propagande ou exemple de communication ?

Le volume de communication émis par Tsahal sur les réseaux sociaux a alerté de nombreux observateurs. Les plus critiques ont immédiatement dénoncé une "tweetagande" israélienne dangereuse. Dans les théories de la communication, les notions de propagande et de manipulation sont pourtant associées à une limitation de la liberté de choix, voire à une menace. Ici, les internautes ne sont en aucun cas obligés de s’approprier le message.

Il ne faut pas non plus commettre l’erreur de prendre les messages de Tsahal pour de l’information. C’est peut être là que le bas blesse : combien d’internautes prennent les chiffres et les faits rapportés par l’armée pour argent comptant ? Il faut bien comprendre que l’objectif des militaires n’est pas d’informer mais bien de convaincre. L’insistance des Israéliens pour faire admettre que les propos véhiculés sont une vérité factuelle et objective soulève le doute sur l’éthique de cette communication qui flirte entre communication argumentative et manipulation.

Triompher des médias

Pour l’armée israélienne, les journalistes sont souvent considérés comme un risque. Il existe une vraie méfiance vis-à-vis d’une profession perçue comme trop compatissante avec la cause palestinienne. C’est dans cet état d’esprit que Tsahal a cherché, lors de l’opération Plomb durci en 2008, à verrouiller l’accès des médias à Gaza. A l’inverse, le Hamas a largement communiqué, gagnant ainsi en visibilité et imposant son message comme aussi légitime que celui du gouvernement israélien. Le récit rapporté devient alors celui d’une population en souffrance, martyrisée par une machine militaire silencieuse donnant l’impression d’avoir des secrets à cacher. L’argumentaire de l’un des belligérants devient ainsi presque sans modifications le factuel tendant vers l’objectif rapporté par les médias.

Le général Benoît Royal, ancien patron de la communication de l’armée de terre française, estime ainsi dans son ouvrage La Guerre pour l’Opinion publique que : "La communication est devenue l’arme de l’ennemi moderne et particulièrement celle de l’ennemi asymétrique." Les insurrections – que leur combat soit considéré comme légitime ou non – sont passées maîtresses dans l’artde construire leur message sur les réseaux sociaux. Le Hamas, pour ne prendre que cet exemple, communique régulièrement via ces outils. Il dispose même d’équipes dédiées à la réalisation de films et de documents audio-visuels diffusés sur Internet.

Pour les armées, il est difficile de savoir s’il faut ou non ouvrir les portes des opérations. "La presse exerce un rôle autant privilégié que redouté ", analyse l’historien Pierre Journoud dans l’ouvrage Comprendre la guerre. A cet égard, les réseaux sociaux s’imposent de plus en plus comme un moyen d’atteindre directement le public, sans passer par l’intermédiaire de la presse. L’exemple des groupes terroristes et insurrectionnels sur les réseaux sociaux a convaincu les armées modernes qui étudient et testent ces supports sans pleinement les maîtriser. Pour la plupart d’entre elles en tout cas, Tsahal ayant démontré au cours de la dizaine de jours écoulés sa capacité à s’approprier ces outils jusque là monopolisés par ses ennemis.

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