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Compétitivité : François Hollande croit-il sérieusement aux vertus de la tergiversation ?
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Flip-Flop

Jean-Marc Ayrault a annoncé cette semaine ce qu'il compte mettre en place pour améliorer la compétitivité française. Complexes, contreproductives, tardives et insuffisantes, les mesures du gouvernement ont toutes les chances d'échouer.

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo est économiste et écrivain, ancien fonctionnaire à la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement). Il est diplômé d’économie politique de l’université Johns Hopkins (Baltimore).  Son dernier ouvrage, Ternes Eclats - Dans les coulisses de la Genève internationale (L'Harmattan) présente une critique de la diplomatie multilatérale.

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La montagne aurait-elle accouché d’une souris ? Voilà la question qu’on est en droit de poser à la lecture, et du rapport Gallois sur le problème de la compétitivité de l’industrie française, et des mesures prises par le gouvernement suite à ce rapport.

Vingt-deux recommandations y sont égrenées, dont on ne retiendra qu’une : baisser de 30 milliards d’euros les charges qui pèsent sur les entreprises et qui réduisent à néant les marges d’investissement et de promotion de celles-ci. Le rapport souligne que pour être efficace, la baisse des charges devrait se mettre en place rapidement, « sur un ou deux ans, pas plus », et être accompagnée, entre autres, d’une réduction des dépenses publiques.

Le reste des recommandations n’a rien de très méchant, ni, d’ailleurs, de très nouveau non plus[1]. Il s’agit d’un catalogue de mesures visant à soutenir la recherche et le développement, à faciliter la formation au sein de l’entreprise, à introduire la représentation du personnel dans les conseils d’administration. Déjà le rapport préparé en 2010 par Jacques Attali à l’intention de l’ancien président Sarkozy avançait ce type de mesures[2]. Tout se jouera donc autour de la proposition phare, celle de la baisse des charges.

Le président Hollande, comment a-t-il géré cette proposition ? Eh bien, il aura suivi la voie qui lui avait tant réussi quand il était premier secrétaire du Parti socialiste. Autrement dit, il aura fait de la « synthèse ».

Son Premier ministre, toujours soucieux de ne pas désespérer la gauche, s’abstiendra d’entériner la baisse demandée par le rapport Gallois, préférant en lieu et place octroyer un crédit d’impôts aux entreprises pour un montant de 20 milliards (pas 30) à réclamer dès 2014, c’est-à-dire pas tout de suite – des crédits qui, d’ailleurs, seront indexés sur la masse salariale de chaque entreprise.

Le gouvernement crée de cette façon une procédure encombrante. Les entreprises devront faire des démarches bureaucratiques, surtout attendre 2014 et au-delà, pour recouvrer le crédit promis. Mise en place donc d’une nouvelle usine à gaz.

Pis encore, indexer le crédit d’impôts sur le niveau de la masse salariale risque d’avoir un effet contreproductif. Il y a des entreprises travaillant à perte ou avec des marges exiguës qui, pour survivre dans l’économie mondialisée, ont besoin de se restructurer et procéder à des coupes de personnel. Pour elles, le dispositif Ayrault leur imposera une double peine, car à leurs problèmes de rentabilité s’ajoutera la réduction, voire la suppression, du crédit d’impôts du fait d’avoir dû réduire leur masse salariale.

Comme incitation à investir, avouons-le, la mesure sera moins efficace que la baisse de charges, sans contrepartie ni préalable, proposée dans le rapport Gallois. Mais pour des gens dont l’expérience se limite à composer avec les éléphants d’un parti, ou à travailler dans des cabinets ministériels, et qui ne connaissent pas le risque de faire faillite, pour ces gens-là, donc, la différence n’existe pas entre une baisse automatique de charges (rapport Gallois) et un crédit d’impôts conditionnel (plan Ayrault).

Repousser à 2014 l’allègement de la pression fiscale sur les entreprises ne saurait résoudre le problème. Les entreprises qui n’arrivent pas à concurrencer celles d’autres pays, l’Allemagne en tête, ont besoin d’améliorer leurs marges tout de suite. Le plus on laissera passer de temps sans améliorer leurs marges, le plus leur compétitivité s’érodera, et le plus elles succomberont à la concurrence internationale.

C’est maintenant que les entreprises ont besoin d’un ballon d’oxygène, et non pas une fois qu’elles auront péri.

Pour bien comprendre l’enjeu, imaginons quelqu’un qui souffre d’une maladie nécessitant la prise d’un antibiotique à une dose déterminée. Si on repousse la prise et on diminue la dose, et qui plus est on rend difficile ou compliqué d’obtenir le médicament, alors il y a fort à parier que le remède arrivera trop tard et ne guérira pas le patient.

Dans le cas qui nous occupe, c’est-à-dire la crise de la compétitivité de l’industrie française, la dose appliquée par le gouvernement Ayrault sera d’autant plus insuffisante que les recommandations du rapport Gallois étaient déjà un strict minimum.

En effet, le jour même de la présentation du rapport Gallois, les experts du Fonds monétaire international rendaient public un diagnostic sans complaisance à propos de la compétitivité de la France et conseillaient des reformes plus vastes et profondes que celles du rapport Gallois[3].

En plus de prôner une baisse substantielle des cotisations sociales et des dépenses publiques – comme le fait le rapport Gallois – les experts du FMI s’attaquent à l’épineuse question des rigidités du marché du travail en France. Ils plaident pour une modération du smic (afin de ne pas pénaliser l’entrée des jeunes et des personnes non qualifiées dans le monde du travail) ainsi que pour l’allègement des procédures de licenciement (lesquelles, soulignent les experts, découragent l’embauche et encouragent le recours au travail temporaire).

Tout cela manque à l’appel dans les mesures annoncées par le Premier ministre.

Aussi, de par leur caractère complexe, contreproductif, tardif et insuffisant à la fois, les mesures du gouvernement Ayrault ont toutes les chances d’échouer. Et, n’en doutons pas, quand cela arrivera, la gauche rechignera à reconnaître les limites et les défaillances des mesures en question, préférant attribuer la faute de l’échec à venir à la nature prétendument « néolibérale» qui selon cette gauche sous-tend le rapport Gallois.


[1] Voir Guy Sorman, « Le rapport inutile d’un certain Gallois », Contrepoints.org, 07-11-2012.

[2] Voir « Pour Jacques Attali, le ‘rapport Gallois n’a pas de vertu autre que pédagogique’ », Le Nouvel Observateur, 05-11-2012.

[3] Voir IMF, « Conclusions de la Mission de la Consultation de 2012 au Titre de l’Article IV du FMI », Paris, 29 octobre 2012, disponible sur Internet.

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