Entre le président de Google et le président français : qui a le plus de pouvoir ?<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande rencontre Eric Schmidt pour évoquer l'idée d'une taxe que devrait payer Google aux éditeurs de presse français
François Hollande rencontre Eric Schmidt pour évoquer l'idée d'une taxe que devrait payer Google aux éditeurs de presse français
©Reuters

Sur le ring du numérique

La patron de Google Eric Schmidt est reçu ce lundi par François Hollande pour évoquer l'idée d'une taxe, d'un droit voisin que devrait verser le géant américain aux éditeurs de presse français. Mais face à une multinationale qui contrôle l'information, le président français peut-il vraiment faire grand chose ?

Gilles  Dounès

Gilles Dounès

Gilles Dounès a été directeur de la Rédaction du site MacPlus.net  jusqu’en mars 2015. Il intervient à présent régulièrement sur iWeek,  l'émission consacrée à l’écosystème Apple sur OUATCHtv  la chaîne TV dédiée à la High-Tech et aux Loisirs.

Il est le co-auteur avec Marc Geoffroy d’iPod Backstage, les coulisses d’un succès mondial, paru en 2005 aux Editions Dunod.

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Atlantico : Alors que François Hollande rencontre Eric Schmidt pour évoquer l'idée d'une taxe que devrait payer Google aux éditeurs de presse français, on peut se demander qui est le plus puissant entre le président français et le patron de Google ?

Gilles Dounès : On peut dire que c’est Eric Schmidt dans la mesure où quand la France à 366 milliards de budget prévus pour 2012 et est toujours en train de chercher quatre sous pour faire un franc, Google qui fait environ 40 milliards de chiffres d’affaires est largement bénéficiaire. En plus, c’est une multinationale qui tire son revenu d’une multitude d’activités alors que le commerce extérieur français est en déficit depuis une dizaine d’années.

François Hollande est par ailleurs dans une passe assez délicate et a besoin de cette image d’homme de la modernité en phase avec le numérique comme lorsque dans les années 1980 et 1990, les chefs d’Etat français allaient chercher des people et des artistes. Le numérique est en effet la révolution industrielle du 21e siècle. On est dans une crise qui dure, une crise de l’énergie et de la dématérialisation qui touche maintenant les métiers du livre et de l’information. C’est sur les savoirs et la connaissance avec en particulier la nouvelle façon de transmettre les connaissances au lycée et à l’université que va se jouer la nouvelle révolution. Et cela pourrait donc être quelque chose qui joue dans le rapport de force, de séduction que Google exercera sur le président français car François Hollande le sait bien. Nous ne sommes pas dans une guerre ouverte. Si guerre ouverte il y a, elle se fera plutôt contre la Commission européenne où il y a des gens beaucoup plus durs, avec une doctrine libérale et anticoncurrentielle plus dure.

L’Italie et l’Allemagne évoque également l’idée des droits voisins. Si Eric Schmidt vient rencontrer  le président français et non pas Angela Merkel ou Mario Monti, n’est-ce pas parce qu’il estime qu’il a plus de chance de le soumettre à sa volonté ?

Non, il rencontre François Hollande car il est le président de la France, le pays des droits d’auteurs. Beaumarchais avait posé la première pierre, et Jack Lang l’instaure en dernier dans les années 1980. C’est cette médiation là qu’il vient chercher. La France a cette aura-là. S’il avait été questions de l’industrie automobile, Eric Schmidt aurait été voir Angela Merkel. Mais au niveau culturel et du droit d’auteur et voisin, Google préfère s’adresser à la France, d’autant plus que les aptitudes de François Hollande, même si cela lui a été beaucoup reproché, est d’arriver à faire la synthèse. Et c’est sans aucun doute arrivé aux oreilles de Google.

Il faut ajouter que l’Europe des 27 continue à peser de façon important sur leur chiffre d’affaires de ces multinationales du numérique et de la dématérialisation. Google devrait donc montrer de la bonne volonté d’autant plus au vu des enquêtes menées par les autorités de régulation. Google n’a pas intérêt à passer pour le monopole de la dématérialisation en devenir.

Google menace de ne plus référencer les sites français. Le simple fait de passer aux menaces ne montrent-ils pas les faiblesses du géant américain ?

Cela peut être une lecture. Ca fait en tout cas partie de la négociation, montrer ses muscles. Google a déjà un certain nombre de casseroles. Google est devenue une espèce de multinationale de la connaissance et de l’extraction de la connaissance par rapport à des métiers qui étaient jusqu’à présent autonomes. Il a fallu qu’il trouve un accord avec les bibliothèques. On n’est dans une crise du partage de la valeur ajoutée avec au niveau de l’information une crise de la presse qui n’en finit pas et où la dématérialisation devient la solution ajoutée à cette crise. Mais c’était la même chose pour le disque.

Google pourrait-il se passer des sites français ?

On pourrait le croire. Mais Google est dépendant d’une chose : la cadre réglementaire et législatif. Ils ont déjà été obligés de se plier aux injonctions des autorités chinoises en donnant des éléments qui étaient sur leur service de l’ancêtre de Google+ alors qu’ils étaient censés garantir une confidence absolue des données qui passaient par leurs services. Ils ont dû livrer des informations personnelles aux Chinois y compris en ce qui concerne les dissidents politiques. Ils sont dépendants d’un cadre réglementaire.Or c’est ce qui est en jeu avec les plaintes des éditeurs allemands, italiens, et maintenant français. Donc le rapport de force n’est pas tant en défaveur de la France que de Google. Ça s’est équilibré, chacun a besoin de l’autre et il va falloir trouver une issue, une solution gagnant-gagnant.

Un autre problème se pose : celui de la toute-puissance de Google sur l’information et la culture d’un pays. Cela peut-il être contourné par les gouvernements ?

C’est en effet un problème, si Google contrôlent l’accès à l’information, des accords ont été passés avec les éditeurs, notamment pour des ouvrages utilisés ou qui ne sont plus réédités. C’est l’un l’intérêt de Google et sa force de frappe. L’Europe a laissé passer dans une certaine mesure l’occasion de se poser en tant qu’alternative. C’est pour cela que maintenant les autorités de régulation se penchent sérieusement sur le cas de Google et qu’ils sont obligés de faire profil bas et de chercher un accord sans forcément aller au rapport de force ou au clash d’où l’intérêt de passer par la France et François Hollande qui sont les pays qui ont inventé les droits d’auteurs. Hollande a également très tôt compris l’enjeu de l’école numérique. Mais il aurait fallu mettre de l’argent sur la table pour créer quelque chose d’à part à même de tenir Google à l’écart.

Il manque par exemple un Institut national de l’audiovisuel (INA) des bibliothèques à la française et surtout à l’européenne qui serait garant des catalogues et qui valoriserait et récupèrerait une partie de la valeur ajoutée et les commercialise. On pourrait aussi mettre en commun un fonds numérique des bibliothèques universitaires françaises et de donner un droit d’accès aux étudiants à ce catalogue numérisé ce qui permettrait de ne plus passer par Google qui prélèverait comme à chaque fois une partie de la valeur. Il existe donc des solutions pour court-circuiter Google. Mais en tardant à développer la bibliothèque numérique Europeana, qui n’en est qu’à ses balbutiements, C’est Google qui sort gagnant.

Antoine Kalewicz 

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