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Non-cumul des mandats : le PS en train de se tirer une balle dans le pied pour les municipales de 2014
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Tous aux abris !

François Hollande a clôturé vendredi les Etats généraux de la démocratie locale en réaffirmant qu'un texte sur le non-cumul des mandats serait présenté au Parlement au printemps 2013. Une décision qui fait grincer les dents de nombreux élus PS, très implantés localement.

Luc Rouban

Luc Rouban

Luc Rouban est directeur de recherches au CNRS et travaille au Cevipof depuis 1996 et à Sciences Po depuis 1987.

Il est l'auteur de La fonction publique en débat (Documentation française, 2014), Quel avenir pour la fonction publique ? (Documentation française, 2017), La démocratie représentative est-elle en crise ? (Documentation française, 2018) et Le paradoxe du macronisme (Les Presses de Sciences po, 2018) et La matière noire de la démocratie (Les Presses de Sciences Po, 2019), "Quel avenir pour les maires ?" à la Documentation française (2020). Il a publié en 2022 Les raisons de la défiance aux Presses de Sciences Po. 

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Atlantico : François Hollande a annoncé vendredi qu'une loi sur la limitation du cumul des mandats serait présentée au Parlement au printemps 2013. D'un point de vue stratégique s'agit-il d'un mauvais calcul, sachant que les prochaines élections municipales auront lieu en 2014 et que les élus socialistes sont généralement très implantés localement ?

Luc Rouban : L'implantation locale des députés PS est effectivement très forte. Si on observe les députés socialistes nouvellement élus en juin 2012, on s’aperçoit qu'environ 40% d'entre eux ont débuté la politique au niveau local. Au PS, l'enracinement local est vraiment le terreau qui permet de construire une carrière politique. Résultat, beaucoup d'élus socialistes, notamment des députés, sont des cumulards.

Le PS a réussi à gagner toutes les dernières élections locales, notamment les municipales, les cantonales et les régionales. Or, d'après les premiers sondages, il semblerait qu'on se dirige plutôt vers un échec de la gauche aux élections municipales de 2014. Tout cela est évidemment à prendre au conditionnel, mais toujours est-il que leur emprise territoriale va probablement baisser.

Une loi sur le non-cumul des mandats ne ferait qu'accentuer cette perte de terrain. Les élus PS qui critiquent ce projet de loi savent pertinemment qu'une victoire au niveau local s'appuie généralement sur un cumul de mandats au niveau national. Être député-maire ou sénateur-maire permet de montrer aux électeurs qu'on peut être influent à l'échelle nationale. C'est important, notamment en période de crise économique.

Les partisans du non-cumul des mandats font valoir qu'une loi permettra un plus grand renouvellement des élus au niveau local. Qu'en pensez-vous ?

Je crois que le problème est avant tout d'ordre juridique. Pour le moment, on ne connaît pas encore le contenu exact de la loi voulue par François Hollande. Peut-être va-t-elle préserver un certain ancrage régional : par exemple, un député pourra peut-être ne pas être maire mais maire adjoint. Ce qui serait hypocrite car si vous êtes premier adjoint vous gardez le contrôle du Conseil municipal... Si vous êtes élu depuis 20 ans au sein d'une municipalité, vous continuerez bien sûr à bénéficier de votre influence et de vos réseaux.

A mon avis, le cumul des mandats ne pose pas de problème en ce qui concerne le renouvellement des élus au niveau local. Le problème se pose davantage au niveau national.Si on coupe les liens entre les collectivités locales et les députés, le risque est d'avoir un certain nombre de députés parachutés très rapidement. Les électeurs se retrouveront face à des députés envoyés au hasard dans des circonscriptions où ils ne se seront pas investis localement.

Cette situation risque d’aggraver la crise de confiance des Français dans le personnel politique, qui est déjà considérable. Il ne faut surtout pas négliger cette dimension. On a bien vu ce qu'il s'est passé à La Rochelle lors des dernière législatives avec Ségolène Royal. Il faut donc bien faire attention à ce que cette désolidarisation du local et du national n'entraîne pas un discrédit au niveau national. 

La vraie question est la suivante : le non-cumul des mandats va-t-il permettre de mieux renouveler le personnel politique en général ? Pas seulement au niveau local. En réalité, je pense qu'on risque d'avoir un résultat à somme nulle. Tout cela risque de se dérouler en interne : certains vont perdre leur siège au niveau local, d'autres refuseront d'appliquer le non-cumul des mandats et perdront leur siège de député... Ce sera comme au jeu des chaises musicales. Je ne vois pas comment cette loi pourrait faire émerger de nouvelles têtes. En France la classe politique est très professionnalisée. Renouveler la sphère politique prend du temps.

Une loi sur le non-cumul des mandats serait donc, à votre avis, une fausse solution ?

Cette loi est peut-être nécessaire, mais elle n'est pas suffisante. On ne doit pas faire l'économie d'une vraie réflexion sur le recrutement des candidats au sein des partis politiques. On ne devient plus député dès la première élection et sans avoir exercé de mandat local avant. C'est une réalité. La politique est une profession qui demande, 20 voire 25 ans d'investissement.

On a beaucoup parlé de la jeune génération de députés PS élus en juin dernier. Mais il faut bien avoir conscience que ces gens se sont investis à 20 ans dans la politique, soit au niveau local, soit au sein d'une association, soit au sein des Jeunes socialistes. Et ils ont été élus à 40 ans. Ils sont relativement plus jeunes que la moyenne mais se sont des professionnels de la politique depuis 20 ans.

Mais à mon sens, le vrai problème est ailleurs. Plus que le non-cumul des mandats, le système des collectivités territoriales françaises est la vraie bombe à retardement qui se trouve sous les pieds du parti socialiste. C'est la vraie question centrale aujourd'hui. Si les socialistes risquent de perdre beaucoup de mairies en 2014, ce n'est pas tant à cause du cumul des mandats mais parce que la situation économique et l'endettement des collectivités locales est mauvais. Il y a un vrai problème de transfert de fonds de l'Etat vers les collectivités locales et de répartition des compétences entre l'Etat et les différents niveaux. Or, a priori, rien ne va être fait à ce niveau-là. Ce qui signifie que le problème de fond ne sera pas traité.

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