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Le top 5 des idées reçues sur la fiscalité française
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Préjugés...

"Notre système fiscal favorise les plus riches au détriment des classes moyennes", "Les grosses entreprises réservent leurs profits aux actionnaires"... Pas si simple !

Michel Rousseau

Michel Rousseau

Michel Rousseau est le Président de la Fondation Concorde, think-tank qui, depuis plus de 10 ans, cherche à enrichir le débat public avec ses propositions.

 

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Idée fausse numéro 1 : "NOTRE SYSTÈME FISCAL EST RÉGRESSIF ET FAIT MOINS PAYER LES RICHES ET LE CAPITAL QUE LES CLASSES MOYENNES ET MODESTES"

Cette assertion popularisée par Thomas Piketty "pour une révolution fiscale – un impôt sur le revenu pour le XXIème siècle", en conclusion d’une étude comportant de graves biais méthodologiques, a été reprise pour argent comptant par les médias et les partis politiques alors qu’elle a été contredite de nombreuses fois :

  • Le conseil de prélèvements obligatoires  estime que le "système social fiscal est devenu plus progressif entre 1990 et 2009" ;
  • L’OCDE  estime qu’à rebours de la tendance générale, la France aurait connu une diminution des inégalités puis une stabilisation ;
  • Une note  de l’OFCE  montre que "les revenus du capital sont autant imposés que les revenus du travail. Les réformes décidées pour 2012 augmentent encore la taxation des revenus du capital. Les marges de manœuvre sont faibles".


Quelles que soient les formes d’investissement, les revenus du capital sont davantage taxés que les revenus du travail.
Le rétablissement du barème antérieur de l’ISF, la suppression du prélèvement libératoire, la nouvelle tranche d’imposition à
45% (sans même évoquer la tranche à 75%) alliée aux contributions sociales (CSG, CRDS) à 15,5%, élèvera le taux d’imposition à plus de 100% pour certains contribuables, ce qui obligera à instaurer un plafonnement de l’impôt à 85% des revenus pour parer le risque d’inconstitutionnalité.

On ne peut que s’interroger sur les conséquences économiques de ces taux d’imposition en termes de compétitivité et donc d’investissements et d’emplois.
Il apparaît grave et lourd de conséquences de baser une politique fiscale sur une idée à la fois fausse et démentie.

Idée fausse numéro 2 : "LES RICHES NE PAIENT PAS D’IMPÔTS"

Les chiffres de la Direction générale des impôts démentent complètement cette croyance.

  • Les 1% de foyers les plus aisés acquittent 37,3% de l’impôt total payé par les Français alors qu’ils ne représentent que 8,1% des revenus déclarés ;
  • Les 0,1% des foyers les plus aisés acquittent 14 ,3% de l’impôt pour 1,9% des revenus des Français ;
  • Les 0,01% des foyers les plus riches (3639 foyers) acquittent 5% de l’impôt total pour 0,4% des revenus. Si ces 3 639 foyers quittaient le pays, nous devrions augmenter les impôts des Français restants de 5% ;


Idée fausse numéro 3 : "L’EXPATRIATION DES RICHES ASSUJETTIS A L’ISF EST MARGINALE"

Les autorités françaises sont dans le déni. Elles ont toujours sous-estimé l’exil fiscal en ne recensant que les exils des Français redevables de l’ISF et non ceux des chefs d’entreprise propriétaires de leur outil de travail et donc non redevables de l’ISF. Pourtant, ce sont ces départs qui sont les plus pénalisants pour notre économie. L’entrepreneur qui a émigré en Belgique pour bénéficier de l’absence d’impôt sur les plus-values lors de la revente de son entreprise, ou lors de la succession, n’est pas comptabilisé.

De la même façon, on ne parle jamais de ces entrepreneurs qui créent désormais leur entreprise à l’étranger pour échapper au poids de notre fiscalité alors qu’ils représentent deux expatriés sur dix selon  l’enquête 2012 de Mondissimo.
Selon l’économiste Christian Saint-Etienne, l’ISF nous a coûté 0,3% de croissance annuelle depuis douze ans, ce qui représente 500 000 emplois perdus. D’après ses estimations, 20 000 chefs d’entreprise se sont expatriés sur la période 1997-2009, ce qui représente une perte de capital productif de 300 Milliards d'euros en douze ans et ce qui explique largement notre déficit en PME.

La fixation d’un taux maximal d’impôt à 75% des revenus nécessitée par le rétablissement du barème antérieur de l’ISF constitue un redoutable défi dans une Europe qui prône la libre circulation des hommes, des capitaux et des entreprises. Qui voudra investir et entreprendre dans ces conditions ? Pouvons-nous compter sur le seul patriotisme ou sur notre attractivité culinaire pour retenir le couple entrepreneurs / investisseurs ?

Idée fausse numéro 4 : "ON IMPOSE TROP LA CONSOMMATION"

L’analyse du taux implicite d’imposition de la consommation révèle que la France a réduit les prélèvements obligatoires assis sur la consommation alors que l’Allemagne, comme la moyenne des pays de l’Union européenne à 27, a suivi une tendance inverse.


Taux implicite d’imposition de la consommation (en %)



Source : données Eurostat

C’est le seul domaine où il existe une marge de manœuvre pour prélever davantage. Encore faut-il utiliser cette « dernière cartouche » pour renforcer la compétitivité de nos entreprises, par exemple en allégeant le coût du travail via la TVA sociale, et non pas pour seulement combler nos déficits publics.

Idée fausse numéro 5 : "LES ENTREPRISES NE SONT PAS IMPOSEES ET GAGNENT TROP D’ARGENT QU’ELLES RESERVENT A LEURS ACTIONNAIRES"

Les entreprises du CAC 40 qui bénéficient de la mondialisation, ont versé en 2011 plus d’impôts sur les sociétés (40 milliards d’euros) qu’elles n’ont versé de dividendes à leurs actionnaires (36 milliards d’euros). Mais en dehors de ces entreprises largement mondialisées, chacun doit savoir que nos entreprises subissent les prélèvements les plus élevés, non seulement d’Europe mais aussi de l’OCDE.

Elles subissent un taux de prélèvement supérieur de 5 points au taux moyen européen et de 7 points au taux allemand.

Taux de prélèvements obligatoires sur les entreprises (en % du PIB, en 2009)

Source : OEFE

Surtaxées, les entreprises françaises ont la rentabilité la plus faible d’Europe. Elles ne peuvent investir, innover et embaucher.
Du fait du taux anormalement élevé de ces prélèvements, elles n’autofinancent leurs investissements qu’à hauteur de 70%.

Au néolithique, quand la nourriture venait à manquer, on peut supposer que l’on donnait la plus grande part aux chasseurs en espérant qu’ils ramènent du gibier en abondance. Peut-être procédaient-ils à une répartition égalitaire de la nourriture restante. Nous, nous mettons nos entreprises à la diète sans nous soucier de la survie de la tribu !

La seule idée vraie est que notre pays souffre d’une dépense publique inefficace et beaucoup trop importante qui ne peut plus être financée en totalité par l’impôt. Les impôts et les prélèvements se situent à un niveau tel que toute augmentation engendrera des effets pervers (moins de croissance et in fine moins de recettes fiscales).

Nos déficits ne peuvent plus être comblés sans réduction et restructuration de notre dépense publique en faveur de la croissance, sans une relance de notre secteur productif par la baisse de ses charges. À quel niveau de chômage et d’endettement allons-nous nous en apercevoir ?



[1] Prélèvements obligatoires sur les ménages : progressivité et effets redistributifs – mai 2011

[2] Croissance et inégalités – OCDE 2008

[3] Note d’Henry Sterdyniak « De l’imposition des revenus du capital des ménages », qui montre que le taux d’imposition économique du capital peut approcher ou dépasser 100%. Mars 2012, OFCE

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