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Salon de l’auto : pourquoi la nationalité d’une voiture est en réalité un critère difficile à définir, contrairement à ce que pense Arnaud Montebourg
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Multinationale

Arnaud Montebourg a accusé les constructeurs automobiles sud-coréens associés Hyundai et Kia de pratiquer un "dumping social". Le ministre a même conseillé aux Français et aux Européens de réfléchir avant d’acheter Coréen. Mais la nationalité d'une voiture est-elle si simple que cela à définir ?

Arnaud-Cyprien Nana Mvogo

Arnaud-Cyprien Nana Mvogo

Arnaud-Cyprien Nana Mvogo est analyste financier chez un broker interbancaire.

Il est également chargé de cours au Pôle Universitaire Léonard de Vinci, administrateur du Club des Jeunes Financiers et  bénévole associatif en action sociale.

 

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L’équipe gouvernementale actuellement au pouvoir a vraiment le sens de l’histoire : il y a 20 ans, Edith Cresson regrettait l'absence de politique économique au niveau européen notamment en ce qui concernait la concurrence japonaise dans le secteur automobile. Il y a 30 ans, alors que les socialistes étaient la encore au pouvoir, l’industrie automobile française traversait déjà une passe difficile, et ce alors que les constructeurs automobiles japonais étaient de plus en plus populaires auprès des consommateurs Européens.

Mais même s'il semble évident que PSA et Renault sont français ou que VW est allemand, peut-on pour autant parler de la nationalité d’une automobile ?

La question se pose au moment où le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, nous dressant un tableau de la Corée du Sud inspiré de Germinal, conseille à nos concitoyens et aux Européens de réfléchir avant d’acheter Coréen.

Une voiture, c’est une banalité que de le rappeler, est un ensemble de pièces diverses et de matériaux variés d’origine parfois lointaine. Prenons le cas d’une Renault Clio, la voiture la plus vendue en France. Le consommateur n’est pas toujours conscient du fait que son véhicule a pu être assemblé à Flins, ou à Valladolid (Espagne), à Bursa (Turquie) ou encore à Novo Mesto (Slovénie). Et à moins d’être particulièrement intéressé par l’automobile, comment un client Renault peut-il savoir si son véhicule est équipé de systèmes d’injection Bosch ou Mecaplast, de pneus Bridgestone ou Continental, de feux arrière Hella ou Valeo ? Inversement, le client français de Volkswagen ne fait-il pas travailler Faurecia, Plastic Omnium ou Michelin ? Etant donné que les constructeurs automobiles ont des fournisseurs variés, le traçage de la localisation des emplois industriels est complexe.

On pourrait objecter le fait qu’une voiture a une marque, et que cette marque est exploitée par un groupe qui est localisé à un endroit donné. Mais dans ce cas, doit-on conclure que les français roulent majoritairement en voitures néerlandaises ? En effet, le groupe Renault-Nissan BV, crée le 28 mars 2002, est de droit néerlandais (comme, dans d’autres domaines, EADS ou Euronext, l’opérateur de la bourse de Paris). De même, quand un actionnaire de Renault  (y compris l’Etat français, qui possède 15% des actions du constructeur au losange) touche un dividende, il le doit aussi au travail des ouvriers roumains de l’usine Dacia de Pitesti.

L’automobile, ça n’est pas que des pièces physiques assemblées, c’est aussi tout un travail de conception, puis de vente. Or, le fait que Farid & Fred réalisent les publicités des Audi en France, ou que le géant mondial Publicis ait pour clients BMW, Ford ou GM est, en terme de valeur ajoutée localisée sur le site France, aussi important, que l’implantation d’ usines automobiles. En effet, l’un des soucis affichés du gouvernement, outre le chômage, c’est la croissance. Les spécialistes des finances publiques de Bercy n’ignorent pas que le PIB, c’est une somme de valeurs ajoutées. Or, il se trouve que la valeur ajoutée par euro de chiffre d’affaires d’un business lambda n’est pas proportionnelle au nombre d’emplois que ce business requiert. Si on part du principe qu’il existe une politique de redistribution (c’est clairement le cas en France), alors il n’est pas évident que l’économie du pays et les exigences des citoyens en matière de services publics et de protection sociale soient compatibles avec une organisation économique fondée sur la présence massive de sites industriels d’assemblage. Le processus mis en avant par l’agenda de Lisbonne avait d’ailleurs bien identifié la nécessité pour l’Europe de développer une économie de la connaissance, à ce titre. Il est donc fort regrettable qu’il n’ait pas été mis en œuvre.

Dans un monde ouvert où les idées, les hommes et les flux financiers circulent, il est difficile de définir avec clarté la nationalité d’une automobile. Un designer Italien peut s’allier à un industriel breton pour produire une voiture qui entrera en concurrence partielle avec un véhicule produit par un industriel allemand, sur le sol lorrain, d’après l’idée d’un ingénieur suisse. Il en découle qu’aucune situation industrielle n’est figée ad vitam aeternam et que le verbe et l’action politique ne remplaceront jamais le travail des ingénieurs qui créent des produits qui trouvent, ou non, un public. 

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