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Moins de 20% des entreprises survivent au processus de transmission.
Moins de 20% des entreprises survivent au processus de transmission.
©Flickr / Bichuas (E. Carton)

Comme un iceberg

Selon les derniers chiffres publiés mercredi, le pic des 3 millions de chômeurs est dépassé. Pourtant, une autre menace pèse sur l'économie française : les successions d'entreprises qui pourraient se traduire par de nouvelles destructions d'emplois.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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En termes de chômage, la France vient donc de franchir nettement le cap des 3 millions de personnes auxquelles il faut ajouter les quelque deux millions de travailleurs précaires à temps partiel subi. Dans ce contexte macro-économique où le court-terme ne semble pas davantage favorable, il est assez stupéfiant que rien de réfléchi, solide et efficace ne soit envisagé face à la question cruciale de la transmission d’entreprise. Question cruciale car beaucoup d’entre nous méconnaissent la dimension des enjeux quantitatifs. Effectuons un rapide rappel factuel.

Selon le rapport Mellerio remis au ministre Hervé Novelli en octobre 2009, d’ici 10 ans, 500 000 entreprises vont être soumises à transmission. Toutes n’arriveront pas à bon port et la transmission finira dans certains cas par une dissolution à l’amiable voire par une liquidation judiciaire. Des chiffres contradictoires circulent mais selon une étude KPMG citée par le rapport Mellerio, moins de 20% des entreprises survivent au processus de transmission.

Le chiffrage est vite établi : 20% d’un demi-million auront un avenir là où 80% tomberont dans une impasse. Les types d’impasses peuvent être la mésentente entre les nouveaux associés, le côté prédateur d’une opération de LBO (Leverage buy-out, une opération de rachat d'entreprise par la dette par un effet de levier, ndlr), la discorde au sein de la famille cédante, le mauvais timing de l’opération, l’aspect fiscal du dossier. Une chose est avérée et unanimement partagée (par les Chambres de commerce, les notaires, Oséo, les avocats spécialisés, etc.) : 20% seulement des chefs d’entreprises souhaitent céder leur entreprise à la génération qui les suit et la moitié seulement y parvient.

De ces premiers éléments, on déduit donc que la transmission familiale harmonieuse et réussie est proportionnellement rare en comparaison des cas où l’entreprise change de propriétaire (avec les risques de restructuration) ou voit son activité cesser. Or, un élément fondamental justifie notre étonnement face au manque de dispositif public d’envergure : il faut en effet savoir que les entreprises familiales regroupent 83% des entreprises de France et surtout qu’il est établi (Insee) qu’elles représentent près de 50% du PIB et des emplois du secteur privé.

On touche là l’importance de la question : si la freinte est aussi importante à chaque transmission en nombre d’entreprises et en nombre d’emplois, chacun mesure avec gravité l’ampleur du défi qui dépasse de loin les aimables colloques que cette question génère parfois. Notre pays est face à un risque de plusieurs centaines de milliers de chômeurs sans parler de la désintégration de plusieurs pans de son appareil productif.

D’autres législations européennes ont permis des avancées et élaboré des chemins de solutions. On doit ici citer la fiducie. On peut aussi citer l’impact de l’ISF où il aurait pu être admis que les comptes-courants d’associés soient inclus dans la partie d’exonération professionnelle. De même, certains auteurs ont travaillé sur l’idée de régime fiscal spécifique comme il existe pour les fusions.

Pour l’instant, loi de finances après loi de finances, le souffle manque et les PME étouffent au moment fatidique d’une succession ou d’une cession. De notre côté, nous militons pour une technique simple de report des impositions sur plusieurs années afin d’assurer la viabilité de projets de transmission.

Un chiffrage de l’effort public serait à réaliser mais il nous apparaît comme très inférieur aux risques sociaux, économiques et parfois stratégiques de l’actuelle cartographie de la transmission. Selon une étude réalisée par l’éminent sociologue Henri Mendras en 1989 (et confirmée depuis), plus l’entreprise est importante, plus le dirigeant se retire tard. Le cuisant dossier Boussac ou la succession-naufrage de Jean Mantelet (Moulinex) sont là comme des exemples plantés dans une forêt calcinée par l’orgueil de certains.

Dans leur livre de référence (La cession d’entreprise, Dalloz), le Doyen Jean Paillusseau et Maîtres Caussain, Lazarski et Peyramaure rappellent à raison qu’une entreprise est une activité, un ensemble de moyens, une organisation, une collectivité humaine organisée, un centre d’intérêts, un foyer d’organisation juridique. Force est de constater que le chef d’entreprise n’est généralement assisté que pour la gestion de ses intérêts et le montage juridique adéquat au détriment des quatres premières variables.

C’est cette négligence préjudiciable qu’il faut colmater dans l’intérêt d’un grand nombre d’emplois. Les récentes campagnes électorales présidentielle et législative n’ont pas avancé ce dossier qui devient – vous l’avez vu – urgent pour notre nation.

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