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Plaidoyer pour l'innovation : en quoi on lui doit notre bonheur et notre existence
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L'innovation est la seule issue possible pour sauver notre modèle entrepreneurial. Selon Gary Hamel, il convient de ne pas oublier que nous lui devons tout. Extraits de "Ce qui compte vraiment : Les 5 défis pour l'entreprise" (1/2).

Gary Hamel

Gary Hamel

Gary Hamel enseigne depuis trente ans à la London Business School en qualité de professeur associé de management stratégique et international. Il a travaillé avec de nombreuses entreprises dans le cadre de missions de conseil ou  de formation au management.

Il est l'auteur de cinq livres dont "Ce qui compte vraiment, les 5 défis pour l'entreprise" aux éditions Eyrolles.

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L’INNOVATION, NOUS LUI DEVONS NOTRE EXISTENCE…

Notre espèce est le fruit de quatre milliards d’années d’innovation géné­tique. Depuis des temps immémoriaux, la vie expérimente de nouvelles combinaisons génétiques par le truchement de recombinaisons sexuelles et de mutations aléatoires. En tant qu’êtres humains, nous sommes l’élite génétique, la somme sentante, méditante et innovante d’innombrables accidents et autres erreurs de transcription génétiques. Bénis soient ces ratés ! Si la vie avait appliqué les règles du Six Sigma, nous serions encore de la boue. Quoi que l’avenir réserve aux bipèdes, nous pouvons être certains que des accidents heureux seront toujours essentiels à l’innova­tion radicale.

… NOTRE PROSPÉRITÉ…

La plupart d’entre nous ne se contentent pas de survivre. Si nous regar­dions notre vie avec les yeux de nos ancêtres, nous la trouverions d’une facilité inimaginable. Cela aussi, nous le devons à l’innovation. Mille ans d’innovation sociale ont donné à des millions d’entre nous le droit à l’autodétermination. Nous ne sommes plus des vassaux et des conscrits. Nous vivons dans des sociétés démocratiques où nous sommes libres de penser et de faire ce que bon nous semble – conditions essentielles de l’innovation. Des périodes répétées d’innovation institutionnelle – dont l’invention des marchés de capitaux, du droit commercial et de la protec­tion des brevets – ont ouvert la voie au progrès économique en facilitant les échanges, la formation de capital et l’entrepreneuriat. Enfin, plus d’un siècle d’innovation technologique nous a légué la mobilité personnelle, les communications instantanées, un arsenal de médicaments et une puis­sance de calcul sans précédent. La multiplication des technologies s’est accompagnée d’un accroissement fantastique des revenus. Entre l’an 1000 et 1820, le revenu par tête n’avait augmenté que de 50 %. Au cours des douze décennies suivantes, il a bondi de 800 %11. Pour parler simplement, l’innovation a sorti l’humanité des privations.

… NOTRE BONHEUR…

Les humains sont les seuls êtres vivants à créer pour le plaisir de créer. Qu’il s’agisse d’agencer un jardin, de composer un air au piano, d’écrire quelques vers, de manipuler une photo numérique, de décorer une pièce ou d’inventer une recette – nous ne sommes jamais plus heureux que lorsque nous créons quelque chose. Oui, nous innovons pour résoudre des problèmes, pour gagner de l’argent et pour aller de l’avant. Mais, pour la plupart d’entre nous, l’innovation est une fin, pas un moyen. Nous n’avons besoin d’aucune justification pratique pour innover. Nous créons parce que nous sommes nés pour ça ; nous n’avons pas le choix. De Mihaly Csikszentmihalyi12 à Tal Ben-Shahar13, tous les experts s’accordent sur ce point : les êtres humains ne sont jamais plus heureux que lorsqu’ils exercent leur ingéniosité. Par le passé, des millions d’entre eux n’ont pas eu cette chance – ils vivaient à une époque où le prix des outils nécessaires était prohibitif ou dans une société où les libertés créa­tives étaient restreintes. Notre génération, par contraste, est bénie. Nous pouvons acheter des outils pour un prix dérisoire (un logiciel vidéo vaut cent dollars, par exemple), entrer en contact avec nos frères en créativité du monde entier et partager nos trouvailles avec tout un chacun (grâce au Web). Oublions la Renaissance, le siècle des Lumières et la révolution industrielle – nous vivons à l’âge d’or de l’innovation, cela devrait nous enchanter.

… ET NOTRE AVENIR

L’humanité est aujourd’hui confrontée à un formidable ensemble de problèmes qui exigent des solutions radicalement nouvelles. Le change­ment climatique, les pandémies mondiales, les États défaillants, la narco-criminalité, le terrorisme, la prolifération nucléaire, la dégradation de l’environnement – autant de défis qui vont nous contraindre à inventer de nouveaux systèmes d’innovation. (C’est l’idée qui sous-tend Google Ideas.) Nous devons apprendre à résoudre des problèmes multidimen­sionnels et multijuridictionnels. Dans les premières années du xxe siècle, Thomas Edison et General Electric ont inventé le laboratoire de recherche moderne, avec toute une panoplie de protocoles, largement imités, qui allaient contribuer à générer un siècle de progrès technique. Aujourd’hui, les problèmes les plus pressants de l’humanité ne sont pas simplement techniques : ils sont sociaux, culturels et politiques ; en outre, ils sont d’envergure mondiale. C’est la raison pour laquelle, à l’instar d’Edison, nous devons faire porter l’innovation sur l’innovation. Quelques nouvelles méta-innovations – comme les marchés d’idées, le crowdsourcing (en français externalisation ouverte) et les folksonomies (indexation person­nelle) – permettent heureusement d’innover sans se laisser enfermer par les disciplines, les frontières, les institutions et les idéologies. C’est la seule façon de résoudre les problèmes qui menacent actuellement notre espèce. Et c’est une question de vie ou de mort. Notre avenir dépend autant de l’innovation que, naguère, notre passé.

Il ne faut donc pas baisser les bras. L’innovation n’est pas une mode – c’est la vraie, la seule solution. Tout le monde ne le croit pas encore, mais cela viendra – même les spécialistes de la compression des coûts, avec leur hémisphère droit atrophié.

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Extrait de "Ce qui compte vraiment, les 5 défis pour l'entreprise", Eyrolles (13 septembre 2012)

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