Budget 2013 : comment ne (surtout) pas avoir de politique fiscale<!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement a décidé à la fois d'augmenter les impôts et de les baisser.
Le gouvernement a décidé à la fois d'augmenter les impôts et de les baisser.
©DR

Le nettoyeur

Cette semaine, le "nettoyeur" Pascal Emmanuel Gobry, propose de comprendre la décision du gouvernement français, qui compte à la fois augmenter et baisser les impôts.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Un matin cette semaine, je me suis réveillé avec une actualité étrange. Le même jour, le premier ministre Jean-Marc Ayrault confirmait que le gouvernement allait mettre en place la promesse de François Hollande d'une nouvelle tranche de l'impôt sur le revenu à 75% ; et Cécile Duflot, ministre du Logement, révélait un dispositif fiscal “super-Scellier” pour favoriser l'investissement locatif.

Au-delà de la pertinence (ou pas) de ces idées, le plus frappant dans ces deux actualités juxtaposées était cette douche écossaise : le gouvernement qui décide à la fois d'augmenter les impôts et de les baisser.

En cela, le gouvernement n'est ni de gauche, ni de droite, mais désespérément français. Cette manière de faire est la maladie de la politique fiscale française, une maladie fondamentale et très profondément ancrée, tellement ancrée qu'on l'oublie.

Quand on critique la fiscalité française, on entend souvent deux refrains : que les impôts sont trop élevés, et qu'il y a trop de niches fiscales. Ces refrains semblent contradictoires : s'il y a trop de niches fiscales, c'est que les gens ne payent pas assez d'impôts, non ? Mais en réalité, elles sont les deux faces de la même pièce.

Pourquoi ? Le mécanisme est le suivant : plus on crée de niches fiscales, plus on réduit l'assiette fiscale, et plus on réduit l'assiette fiscale plus on doit augmenter les taux pour compenser.

Et cet état de fait crée un cercle vicieux. Lorsque l'Etat a besoin d'argent, il essaye soit d'augmenter les taux, ce qui est très difficile puisqu'ils sont déjà très élevés, soit de raboter les niches, ce qui fait paniquer ceux qui en bénéficient, précisément parce que les taux qu'ils auraient à payer sans ces niches sont exorbitants, et résistent des quatre fers, bloquant la réforme.

En plus de ce cercle vicieux, cette politique est destructrice pour l'économie. L'économie est un mécanisme décentralisé de collaboration entre les gens. Lorsque l'Etat passe son temps à s’immiscer dans ces mécanismes pour dire “Je te paie si tu fais ci, je te paie si tu fais ça”, et de manière indirecte en plus, le mécanisme devient fou. Au lieu d'investir, les entreprises et particuliers font des ponts d'or à des fiscalistes pour optimiser leurs impôts. Si “trop d'impôt tue l'impôt”, trop de niches fiscales tue l'économie. C'est une mort lente, mais d'autant plus perverse : il faut bien sûr une politique fiscale, et beaucoup de niches fiscales, si on les considère indépendamment, peuvent se justifier. Le problème, c'est leur accumulation depuis des décennies.

Que faire, alors ?

Les experts de politique fiscale sont presque tous d'accord : il faut supprimer la plupart des niches, mais en élargissant l'assiette et en abaissant les taux. En élargissant l'assiette, c'est-à-dire en soumettant presque tout le monde à l'impôt, et en supprimant la plupart des niches, l'Etat peut lever autant d'argent tout en baissant les taux. C'est gagnant pour (presque) tout le monde : l'Etat ne perd pas d'argent, les contribuables paient des taux moins élevés, et l'économie est libérée de ce carcan.

Pourquoi ne le fait-on pas ?

D'abord parce que la suppression des niches serait bonne pour les particuliers dans leur ensemble, mais serait mauvaise pour beaucoup de lobbies qui bénéficient de niches et se mobilisent pour bloquer les réformes.

Ensuite, et surtout, parce que ça serait une réforme ambitieuse, et qu'en France il semble impossible de faire une quelconque réforme ambitieuse même si elle n'est pas particulièrement idéologique et consensuelle chez les experts. Lorsque François Hollande candidat a parlé de fusionner CSG et IRPP, ce qui serait une forme d'élargissement de l'assiette, la levée de boucliers a été immédiate et il a très vite abandonné cette idée.

Et donc nous nous réveillons des matins où le gouvernement augmente les impôts tout en les baissant, et où ça ne choque personne en soi.

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