Et s'il fallait permettre à chaque citoyen de décider le montant de ses impôts ? Retour sur la solution explosive de Peter Sloterdjick<!-- --> | Atlantico.fr
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Dans son dernier livre, Peter Sloterdijk propose de remplacer pour partie les impôts par des dons.
Dans son dernier livre, Peter Sloterdijk propose de remplacer pour partie les impôts par des dons.
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Libre arbitre

Le philosophe allemand Peter Sloterdijk veut promouvoir "une société qui repose sur une compétition entre des donateurs fiers, et pas sur la confiscation sourde des biens dus".

Philippe Herlin

Philippe Herlin

Philippe Herlin est chercheur en finance, chargé de cours au CNAM.

Il est l'auteur de L'or, un placement d'avenir (Eyrolles, 2012), de Repenser l'économie (Eyrolles, 2012) et de France, la faillite ? : Après la perte du AAA (Eyrolles 2012) et de La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ? chez Atlantico Editions.

Il tient le site www.philippeherlin.com

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Il est rare qu’un philosophe parle d’économie, et encore plus qu’il le fasse avec justesse. C’est le cas de Peter Sloterdijk, certainement le plus grand penseur allemand vivant, au moins aussi connu que l’ennuyeux et académique Jürgen Habermas. Son dernier livre paru en France, Repenser l’impôt, regroupe un texte de 80 pages et une quinzaine d’interviews qui ont alimenté une vigoureuse polémique en Allemagne.

En effet, Sloterdijk n’y propose rien de moins que de remplacer, pour partie, les impôts par des dons ! Ecoutons-le : « Nous ne vivons plus dans un contexte absolutiste, et les citoyens ne doivent plus être traités comme des sujets. Il faut repenser le phénomène des impôts, c'est-à-dire des prestations au profit du bien commun ». Des impôts dont il dénonce par ailleurs le niveau trop élevé, et le fait qu’ils reposent en très grande partie sur la classe moyenne. Au départ une partie seulement des impôts serait proposée d’être acquittée sous forme de don, puis cette part pourrait grandir avec le temps.

« Mais personne ne paiera plus, c’est un cadeau aux riches ! » lui rétorquèrent la plupart des éditorialistes et intellectuels, « votre réponse ne traduit que la piètre image que vous vous faites de l’Homme » répondit le philosophe allemand. Sloterdijk ouvre des perspectives auxquelles nous devons réfléchir : « La peur n’est pas une base acceptable pour la cohésion d’une société qui prétend être une démocratie. Vouloir établir la communauté solidaire réelle par des mesures fiscales contraignantes est une approche blâmable. […] J’affirme au contraire que toute cette tendance asociale, cette idéologie misérable qui ne connaît que la cupidité, chez soi-même et chez les autres, cette psychologie à bon marché de greedy pig dans les têtes des sociologues et des psychologues, bref, j’affirme que tout cela nous prouve une chose : nous nous sommes fondés, au XXe siècle, sur une fausse image de l’homme. On croit que l’homme est un animal qui prend autant que possible. L’idée ne vient à plus personne de prendre au sérieux les hommes en leurs qualités de donateurs. »

Nous nous sommes trompés sur la nature humaine : « Au cours des trois cents dernières années, on a diffamé l’être humain en général, et le bourgeois en particulier, en le présentant comme une créature qui prend – au lieu de définir l’homme, d’emblée, comme une entité bipolaire, qui prend et qui donne. »

Sloterdijk nous enjoint à changer notre point de vue : « Je voudrais promouvoir une société qui repose sur une compétition entre des donateurs fiers, et pas sur la confiscation sourde des biens dus. » A l’appui de sa démonstration, il oppose l’éthique du don, très présente aux Etats-Unis (Warren Buffett ou Bill Gates qui lèguent la quasi-totalité de leurs fortunes), à ceux qui ont tenté de réformer et d’égaliser la société par la force (socialisme, communisme, fascisme) : « Le concept du capitalisme philanthropique peut se résumer en une idée simple : les pauvres colériques ont eu deux siècles pour montrer s’ils étaient en mesure d’améliorer le monde. Les résultats ont été tantôt dévastateurs, tantôt ambivalents. Au début du XXIe siècle, la contre-proposition est dans l’air : laissez donc aux riches le soin de montrer s’ils s’en sortent mieux. »

On imagine la scène, les ministres qui passent à la télévision pour convaincre les Français de verser un peu plus que ce qui est prévu par la loi, de faire des dons pour financer tel et tel projet. Le rapport de force s’inverserait et la « puissance publique » devrait justifier de la légitimité de ses dépenses, elle devrait nous convaincre plutôt que de plonger sa main dans nos poches. Ne serait-ce pas là une société plus responsable, plus transparente, plus morale ?

On ferait bien de ne pas balayer d’un revers de la main cette proposition contre-intuitive. Souhaitons qu’après l’Allemagne, un débat sur idée radicale s’ouvre en France !

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