53 millions de coûts pour l'Etat et déjà une hausse du gazole : le début de la fin des mesures de blocage ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La baisse des prix de l'essence obtenue par le gouvernement semble éprouver des difficultés à se maintenir.
La baisse des prix de l'essence obtenue par le gouvernement semble éprouver des difficultés à se maintenir.
©Reuters

Essence en hausse

Les prix de l'essence auraient augmenté en moyenne de 1,5 centime d'euros cette semaine pour le diesel et le sans plomb 95 alors que le gouvernement avait essayé de diminuer les tarifs à la pompe. Pourquoi ? Est-il impossible de bloquer les prix de l'essence ?

Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est Docteur en économie, professeur en marché des matières premières à PSB (Paris School of Buisness) et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Son dernier livre est Introduction inquiète à la Macron-économie (Les Petits matins, octobre 2016) co-écrit avec Frédéric Farah. 

Il est également l'auteur de TAFTA : l'accord du plus fort (Max Milo Editions, octobre 2014) ; Le mirage du gaz de schiste (Max Milo Editions, mai 2013).

Il a coordonné l’ouvrage collectif Regards sur un XXI siècle en mouvement (Ellipses, aout 2012) préfacé par Jacques Attali.

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Atlantico : La baisse des prix de l'essence obtenue par le gouvernement semble éprouver des difficultés à se maintenir. En effet, les prix auraient augmenté de 1,5 centime en moyenne cette semaine pour le diesel et le sans plomb 95. Comment expliquer cette hausse alors que, dans le même temps, le cours du baril de pétrole n'a pas augmenté et que l'euro s'est apprécié ?

Selon les relevés hebdomadaires de la DGEC (Direction de l'Energie et du Climat, ndlr), le prix du gazole a augmenté de 0,5 ct passant de 1,397 à 1,403, les prix du SP – SP 95 et SP98 – ont augmenté de moins d’un centime passant respectivement de 1,586 à 1,593 pour le SP 95 et de 1,642 à 1,651 pour le SP98. Ce sont des moyennes nationales pour la semaine dernière mais c’est vrai que lorsque l’on regarde l’évolution des prix au jour le jour, les relevés de carbeo (une application qui rassemble les prix des stations-service, ndlr) d’hier montrent une hausse de plus d’un centime par rapport aux relevés de la semaine dernière.

Mais on reste dans des variations extrêmement faibles : le pétrole Brent est passé de 89,9 à 89 euros grâce à une appréciation de l’euro, le gazole a Rotterdam à légèrement diminué et le SP 95 a légèrement augmenté. Le prix des carburants prend en compte plusieurs marchés qui se superposent (le marché du Brent, le marché des produits raffinés), ces marchés sont hypersensibles et il n’est pas anormal que sur de très courtes périodes et sur des montants très faibles (moins d’un centime), ils n’évoluent pas de manière instantané.

Combien de temps faudra t-il avant que la baisse de 6 centimes soit complètement comblée par la "hausse naturelle" des prix de l'essence ?

Personne ne peut répondre avec précision car une nouvelle crise de la zone euro pourrait faire baisser les prix du pétrole et par répercussion les prix de l’essence. Inversement, un accroissement des tensions géopolitiques avec l’Iran pourrait faire flamber les prix.

Mais sur le moyen/long terme, tout le monde connaît la réponse. Le pétrole étant structurellement orienté à la hausse depuis 8 ans, cette mesure, qui n’est pas un vrai blocage, sera tôt ou tard balayée. Pour rappel, en 2011, le prix moyen du baril de Brent s’élevait à 112 dollars contre 79 dollars en 2010, le litre de gazole était à 1,33 euro contre 1,15 en 2010 et le SP 95 à 1,50 euro contre 1,35 en 2010.

La mesure a coûté 53 millions d'euros à l'Etat. Est-il vraiment possible pour un gouvernement d'influencer sensiblement le prix de l'essence ?

Le prix des produits raffinés comme le prix du pétrole est déterminé au niveau international. Le gouvernement français ne peut pas influencer ces marchés. Par contre, il peut jouer sur d’autres leviers comme la fiscalité. Aujourd’hui, le débat sur « plus ou moins » de fiscalité dans les prix de l’essence n’est plus d’actualité.

Les partisans d’une hausse de la fiscalité ont tort quand ils prônent que le prix élevé de l’essence permet la transition énergétique par l’utilisation des transports ou d’autres sources d’énergie : premièrement car la possibilité d’utiliser les transports ne concerne qu’une faible partie des français et deuxièmement parce que le prix du pétrole a été multiplié par cinq en dix ans sans qu’une réelle transition énergétique fasse sérieusement l’objet de débat. Les partisans d’un prix plus faible par une baisse des taxes ont également tort compte tenu du contexte économique : notre économie traverse actuellement une grave crise de la dette, or pour réduire la dette publique, des recettes publiques sont nécessaires. Depuis 11 jours, la baisse des taxes de 3 centimes a entrainé une perte de 53 millions d’euros (44 millions de TICPE et 9 millions de TVA sur TICPE) au final sur trois mois, la perte pour l’Etat sera de 450 millions (375 millions de TICPE et 75 millions de TVA sur TICPE).

Quelles solutions sont alors envisageables pour réguler durablement les prix de l'essence ?

La seule solution reste une « fiscalité plus intelligente », il faut donc inciter les gens qui disposent de transports en commun à les utiliser et protéger ce qui n’ont pas d’autres alternatives pour aller travailler que leur voiture. En termes d’utilisation de la voiture, les disparités par département sont flagrantes : 14% d’utilisation de la voiture pour les trajets domicile-travail à paris, contre 36% en Hauts-de-seine, 41% au Val-de-Marne, 61% en Essonne et entre 75 et 85% dans la majorité des départements de province. Cette différence ne dépend pas d’un choix réel de l’utilisateur mais plutôt d’une contrainte, car certains Français ont le choix entre l’utilisation de leur voiture ou des transports en commun, d’autres non. Face à l’augmentation du prix des carburants, l’élasticité de la demande est d’ailleurs très différente en fonction de la zone d’habitation.

Le gouvernement devrait donc baisser fortement les prix du carburant, puis créer une redevance complémentaire régionalisée qui tiendrait compte de l'accès aux transports en commun des habitants. Ce mécanisme complèterait la baisse des taxes sur l’essence et permettrait d’insérer de la progressivité dans la fiscalité des carburants. D’autres réflexions annexes sur les besoins de transports des régions, la nécessaire transition énergétique, le rééquilibrage de la TICPE sur le gazole et l’essence ou une contribution différenciées sur les marges brutes entre majors, grandes et moyennes surfaces et indépendants doivent également être engagées.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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