Mélenchon traite Arnault de parasite: et si le parasite de la démocratie française était en fait lui ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
L'eurodéputé Front de Gauche s'est insurgé dimanche soir contre l'intention prêtée au milliardaire de s'exiler en Belgique.
L'eurodéputé Front de Gauche s'est insurgé dimanche soir contre l'intention prêtée au milliardaire de s'exiler en Belgique.
©

Parasite

Questionné sur le demande de naturalisation de Bernard Arnault, Jean-Luc Mélenchon a déclaré : "Je traite de parasite l'ensemble de cette caste des importants, des puissants, qui n'ont d'autre patrie que l'argent". Mais le parasite n'est pas toujours celui qu'on croit...

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

Voir la bio »

Jean-Luc Mélenchon a déclaré de façon assez attendue, à propos de Bernard Arnault qu’il était un «parasite» qui, comme tous les puissants, n’a d’autre patrie que l’argent. En soi, rien de nouveau sous le soleil. Jean-Luc Mélenchon n’a jamais caché son hostilité aux riches, et a même produit un best-seller intitulé «Qu’ils s’en aillent tous!», dont le contenu est sans équivoque sur ce sujet.

Ce qui gêne, dans les diatribes de Mélenchon, c’est qu’elles semblent inspirées par un populisme compréhensible, et défendable d’un certain point de vue, mais qu’elles exhalent rapidement des arrières-goûts aux relents staliniens pour le moins inquiétants.

D’abord, il y a quelques petites incohérences qui gênent aux entournures dans le discours mélenchonien.

Par exemple, notre camarade Mélenchon aime bien parler de patrie et de patriotisme. Mélenchon aime son pays, et je n’ai pas de doute là-dessus. Mais alors, pourquoi cet éloge permanent d’Hugo Chavez ? Pourquoi cette proximité démesurée avec des dictatures sud-américaines? La France ne porte-t-elle pas une histoire, une tradition qui suffisent à elles seules comme sources d’inspiration pour renverser les élites qu’il exècre?

Et surtout comment concilier l’appel au patriotisme avec l’internationalisme revendiqué du mouvement politique auquel il appartient ? Mélenchon oublie-t-il le: «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !» dont il se revendique? C’est quand même un comble de voir aujourd’hui les plus ardents défenseurs de cette internationale en appeler au patriotisme comme méthode de gouvernement.

Ensuite, il y a cette défense aléatoire des Droits de l’Homme qu’on aimerait un peu plus droite, ou un peu moins gauche, de la part d’un grand donneur de leçons. Car si Mélenchon croit aux valeurs universelles, il ne peut pas les tordre impunément selon l’humeur du jour.

C’est pourtant bien ce qu’il fait en établissant une très dangereuse discrimination entre immigrés. D’un côté, il y a les bons immigrés, ceux qui quittent légitimement leur pays pour chercher fortune ailleurs. De l’autre, il y a les mauvais immigrés, qui quittent leur pays pour les mêmes motifs, mais qui n’ont pas l’heure de plaire au juge des âmes, parce qu’ils sont trop riches ou trop à droite. Cette distinction entre le droit des gens selon des critères de fortune ou d’opinion paraît tout à fait inquiétante. Faut-il désormais être pauvre et de gauche pour avoir le droit de quitter la France ? Ou pour avoir le droit de quitter son pays quel qu’il soit ?

Étrange conception des Droits de l’Homme, qui fait froid dans le dos. Toutes les tyrannies staliniennes ont commencé par des raisonnements de ce genre. Et l’on sait tous comment elles ont fini.

Car notre camarade Mélenchon ne peut pas ignorer que, derrière les leçons qu’il donne, et qui exigeraient de lui et de son mouvement qu’ils soient exemplaires, se cachent des réalités un peu moins avouables.

Par exemple, est-il exact que le secrétaire national du Parti de Gauche occupe un logement social de la Ville de Paris ? Personnellement, peu me chaut. Mais enfin, quand on juge que la première fortune de France est un parasite, quand on en appelle à l’expropriation de ses biens, quand on critique la prévarication des élites comme fondement de sa politique, il faut assurer ses arrières. Et là, on a l’impression qu’en grattant, l’équipe Mélenchon n’échapperait pas forcément aux reproches qu’elle adresse aux autres.

Et sur le fond, ce qui nous gêne, c’est cette espèce de déni d’une réalité simple : un parasite est celui qui vit sur le dos des autres.

On peut le reprocher à Bernard Arnault, dans la mesure où l’intéressé a bénéficié de subventions du gouvernement Fabius pour reprendre le groupe Boussac, en 1984, qu’il a finalement vendu à la découpe. Voilà une fortune bien mal acquise, puisqu’elle n’a rien à voir avec le fantasme libéral de l’entrepreneur qui se fait tout seul, et qu’elle a tout à voir avec l’endogamie de nos élites dénoncées par Jean-Luc Mélenchon.

Mais que faisait Mélenchon à cette époque ? Il poursuivait son engagement au Parti Socialiste, qui devait le conduire à un poste de sénateur en 1986. Les curieux retrouveront sur Internet les vidéos de cette époque où il disait tout l’amour qu’il portait à François Mitterrand.

En soi, ce n’est guère gênant, là encore. Mais Jean-Luc Mélenchon pourrait peut-être s’apercevoir qu’en dehors d’une vie dédiée à la politique, aux mandats et aux appareils politiques, il peut difficilement prétendre lui-même avoir produit de la valeur.

Je veux bien qu’on nous explique aujourd’hui qu’un professionnel de la politique est beaucoup moins parasitaire qu’un chef d’entreprise, mais enfin, dressons un rapide bilan. De toute sa carrière nationale, Mélenchon n’a jamais voté, ni proposé comme ministre, un budget en équilibre. Il aura voué sa vie à l’endettement de la France.

En poussant plus loin, on remarquera que Mélenchon a occupé pendant 20 ans des mandats locaux dans la banlieue sud de Paris, avant d’être député européen dans le sud-ouest de la France, puis de tenter sa chance dans le Pas-de-Calais. Là encore, il n’est pas le seul à pratiquer le nomadisme électoral. Mais enfin, cette pratique, au demeurant très éloignée de l’attachement au terroir dont le patriotisme est porteur, peut nourrir le sentiment d’une course à la gamelle qui disqualifie, convenons-en, la leçon de morale sur le parasitisme infligée à Bernard Arnault.

Sur le fond, entre une parasite qui assure près de 20.000 emplois à des salariés du secteur privé et un élu qui propose de lever l’impôt pour combler les déficits qu’il vote, une chose est sûre: n’est pas le parasite qu’on croit.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !