PSA pourra-t-il survivre à la baisse des ventes automobiles ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois redémarre, mardi 4 septembre, après cinq semaines de fermeture.
L'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois redémarre, mardi 4 septembre, après cinq semaines de fermeture.
©Reuters

Rien de nouveau côté voitures ?

Les nouvelles ne sont pas bonnes pour PSA : alors que les ventes du groupe ont reculé de 10,6% en août, les ouvriers reprennent le travail ce mardi à l'usine d'Aulnay avant une prochaine fermeture. Pourtant, l'entreprise française n'a pas pêché par absence de réflexion stratégique, bien au contraire.

Frédéric Fréry

Frédéric Fréry

Frédéric Fréry est professeur à ESCP Europe où il dirige le European Executive MBA.

Il est membre de l'équipe académique de l'Institut pour l'innovation et la compétitivité I7.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages et articles, dont Stratégique, le manuel de stratégie le plus utilisé dans le monde francophone

Site internet : frery.com

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Parmi les commentateurs de tous bords, il est de bon ton ces derniers temps d’accuser PSA d’avoir commis des erreurs stratégiques. Arc-bouté sur son splendide isolement, trop petit, trop français, Peugeot-Citroën n’aurait pas su accompagner les évolutions de son marché, aurait été distancé dans la course aux innovations technologiques et aurait été incapable d’anticiper les attentes de ses clients. Pourtant, ces critiques ne résistent pas à l’analyse. PSA n’a pas pêché par absence de réflexion stratégique. Bien au contraire, l’entreprise a conçu et mené une bonne stratégie, qui s’est heurtée à la violence d’une conjoncture sans précédent.

Dans un marché qui se polarise sur le haut de gamme et le low-cost au détriment des véhicules de milieu de gamme – le cœur de métier historique des constructeurs français – PSA a fait plusieurs choix stratégiques a priori légitimes. Plutôt que de s’engouffrer dans la course au low-cost derrière Dacia, Citroën a réussi le lancement de sa gamme DS, premier exemple de succès d’une marque française dans le haut de gamme depuis des décennies. Plutôt que de tenter le pari fou du tout électrique, PSA a misé sur l’hybride diesel – bien plus en phase avec les attentes des clients – y compris celles de notre Président de la République. Enfin, la Chine, où le groupe est présent industriellement depuis le début des années 1990, est d’ores et déjà le deuxième marché de Citroën et ses futurs modèles y seront annoncés. Si la famille Peugeot a toujours été jalouse de son indépendance capitalistique, PSA a su mener au cours des années de nombreuses alliances (avec Fiat, BMW, Renault, Ford, Mitsubishi ou Toyota) qui lui ont permis de compenser sa relative petite taille tout en restant une icône de ce capitalisme familial encensé par les experts. En fait, PSA a conduit une bonne stratégie, mais au mauvais moment.

La fermeture de l’usine PSA d’Aulnay est une tragédie pour ses ouvriers, mais l’industrie automobile européenne, qui souffre depuis longtemps d’une surcapacité chronique, vit depuis quatre ans une des pires crises de son histoire. Alors que la rentabilité des constructeurs est avant tout conditionnée par la couverture de leurs gigantesques frais fixes et que les marchés d’Europe du Sud s’effondrent, Volkswagen profite de sa position dominante pour mener ce que Sergio Marchionne, le P-DG de Fiat, a qualifié de « bain de sang sur les prix et sur les marges ». N’oublions d’ailleurs pas que le succès de Volkswagen, universellement érigé en exemple, est récent : en 2006, le constructeur allemand avait dû licencier 20 000 personnes.

Dans ce contexte, PSA est contraint de faire ce que sa stratégie lui avait justement permis jusque là d’éviter : délocaliser une part croissante de sa production pour réduire non seulement ses coûts salariaux, mais aussi ses frais fixes. Reprocher aujourd’hui à PSA de fermer des usines, c’est oublier qu’il a réussi à les maintenir plus longtemps que nombre de ses concurrents. Parallèlement, le groupe a négocié une prise de participation de GM à hauteur de 7 % dans son capital, dont on attend encore les retombées positives (coopération technologiques, partage de sites de production avec Opel). Pour le moment, cette entorse au dogme du capitalisme familial s’est surtout traduite par une conséquence politique : les Américains ont exigé le retrait de Peugeot du marché iranien, qui était pourtant son deuxième marché en volume après la France.

Au final, que peut-on reprocher à PSA ? Étant donné le portefeuille de ressources et compétences dont elle dispose et l’environnement concurrentiel auquel elle est confrontée, l’entreprise a conduit une stratégie pertinente. Or, en période de crise, cela ne suffit pas pour assurer le succès : encore faut-il avoir de la chance. Dans une industrie où le développement d’un nouveau produit prend au moins quatre ans, il était impossible d’anticiper un revirement de conjoncture de cette ampleur. Qui plus est, tous ceux qui s’insurgent du plan de restructuration de PSA devraient commencer par se demander quelle est la marque de leur propre voiture : sans verser dans le patriotisme industriel, face à une production relativement standardisée et des véhicules qui puisent tous leurs organes chez les mêmes équipementiers, acheter une Opel, une Ford, une Fiat ou une Volkswagen plutôt qu’une Peugeot ou une Citroën relève au moins autant du snobisme que de la rationalité. C’est peut-être par là que devra commencer notre redressement productif : par la fierté d’acheter les produits de nos industriels. Pour la plupart, ils le méritent.

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