Faut-il arrêter de rembourser les patients lorsqu'ils consultent des médecins aux tarifs exorbitants ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'Union des médecins spécialistes confédérés proposent d'arrêter de rembourser les patients consultant des médecins qui pratiquent le dépassement d'honoraires.
L'Union des médecins spécialistes confédérés proposent d'arrêter de rembourser les patients consultant des médecins qui pratiquent le dépassement d'honoraires.
©Flick/Alex E. Proimos

Hors budget !

Choisir le meilleur praticien... mais à ses propres frais, c'est ce que propose désormais l'Union des médecins spécialistes confédérés (Umespe). Une solution qui révèle le conflit latent entre les médecins-vedettes et les médecins dépendants des tarifs de la sécurité sociale.

Jean-François Rey

Jean-François Rey

Jean-François Rey est médecin Hépato-Gastro-Entérologue. Il est aussi le Président de l'Union Nationale des médecins spécialistes confédérés et a fait de la question des dépassements d'honoraires dans le secteur 2, un de ses cheval de bataille.

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Atlantico : L'Umespe (Union des médecins spécialistes confédérés) a proposé d'arrêter de rembourser les patients consultant des médecins qui pratiquent le dépassement d'honoraires. Décriée depuis quelques mois, cette tendance est accusée d'entraver l'accès aux soins. Pour autant, la solution proposée peut elle être efficace ?

Jean-François Rey : Je le pense car par cette proposition on veut améliorer l’accès aux soins en diminuant le reste à charge pour les patients. Or, on a identifié 300 médecins qui pratiquent des tarifs hors normes - dont je ne discute d’ailleurs ni le bien-fondé ni les compétences - mais qui, du fait même du prix de leurs consultations, ne sont pas les principaux acteurs de l’accès aux soins, puisqu'ils pratiquent jusqu’à 10 fois le tarif de l’assurance maladie. Si un patient est atteint d’un cancer, ou doit être opéré de la vésicule, du cœur ou de la prostate, nombreux sont les médecins en France, hospitaliers ou libéraux, aux tarifs d’autorité et qui prennent des compléments d’honoraires tout à fait raisonnables. Ce qui me gêne dans ce débat, c’est qu'on en est à titiller 180 000 médecins qui exercent en ville ou en hôpital pour 300 autres. Aussi me semble-t-il plus approprié de placer ces médecins-stars sous le même régime que les chirurgiens esthétiques qui officient dans le secteur privé, c’est-à-dire dans le secteur 3 qui n’est pas pris en charge par la solidarité nationale.

Il faut que les patients comprennent que voir un cancérologue célèbre de Paris en consultation privée est un choix personnel qui est très différent de l’accès aux soins et qui n’a rien à voir avec la qualité médicale. Il est indéniable que ces médecins ont une renommée et ont une très grande qualité, mais il n’en reste pas moins qu’on ne mesure pas la qualité d’un médecin à la hauteur de ses honoraires. Il y a de très bons professeurs en France qui travaillent dans le secteur public ou qui pratiquent des compléments d’honoraires tout à fait raisonnables.

N’avez-vous pas l’impression que cela pénalise un peu injustement des clients qui veulent avoir accès à ce qu’ils considèrent comme les meilleurs soins ?

Les clients dont vous parlez ont la possibilité de voir certains de ces médecins dans le secteur public avec des tarifs normaux et ils ne sont que 150 sur des milliers. Or, quelle que soit votre pathologie, vous pouvez avoir recours à des praticiens d’égale qualité et qui sont dans le tarif de la Sécurité sociale. Quand un patient fait le choix de la chirurgie esthétique, il l’assume. De la même façon, quand il fait le choix d’avoir recours à un médecin vedette, il doit l’assumer.

Les difficultés économiques des citoyens se cristallisent dans des compléments d’honoraires modérés mais inacceptables parce que les complémentaires ne les prennent pas en charge. J'approuve donc le contrat solidarité proposé par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, qui prévoit que l’assurance maladie obligatoire fasse un effort pour augmenter ses tarifs. Car s’il existe les compléments d’honoraires, c’est en raison du gel des tarifs pratiqué depuis une vingtaine d’années. Donc, elle les remonte, et de leur côté, les complémentaires tiennent enfin compte de la signature qu’ils avaient apposé il y a deux ans mais qui n’a pas été respectée pour des raisons politiques avec Xavier Bertrand.

Cela implique un effort entre les médecins, l’assurance maladie et les complémentaires santé et c’est bien là la vraie problématique, elle n’est pas du tout du côté de ces 300 médecins.

Concrètement, votre proposition ne change rien pour ces 300 médecins, ils continueront à compter sur une certaine clientèle...

Je ne veux en aucun cas donner l’impression de pénaliser ces médecins, je ne veux pas les stigmatiser. Sinon, on va encore essayer de trouver de nouvelles règles qui ne seront pas respectées ; alors qu’il y a des déjà des règles dans le secteur public qui ne sont pas respectées. Que font la fédération hospitalière de France et le gouvernement ? L’administration a les moyens de limiter le secteur public.

La notoriété d’un médecin devrait lui permettre d’être en dehors de la solidarité nationale. Quand ils sont dans le public, ils officient au tarif de la Sécurité sociale ; en dehors de leur activité, on les mets sur le même régime que la chirurgie esthétique, car ce n’est plus une question d’accès au soin.

Cette mesure n’a-t-elle pas en réalité une volonté dissuasive envers les patients qui font le choix de ceux qu’ils pensent les meilleurs ?

Nous demandons aux patients s’il est réellement utile  pour leur santé de payer 800 euros de consultation privée d’un célèbre cancérologue parisien alors qu’il existe 30 autres cancérologues de la même qualité proposant de très bons diagnostiques et qui sont dans le tarif de la Sécurité sociale.

Encore une fois, les problèmes des tarifs de ces praticiens n’entrent pas dans la problématique de l’accès aux soins, car de toute façon ils ne sont pas à la portée de tous. Il ne sert donc à rien de ne parler que d’eux. Notre réflexion doit porter sur les tarifs de l’assurance maladie qui n’ont pas augmenté dans les mêmes proportions que le coût de la vie. Les médecins et les chirurgiens ont des primes assurantielles qui ont presqu'explosé, à l’image du coût de la pratique. Il faut penser à ceux qui ne travaillent qu’avec l’assurance maladie, soit 60% de la profession. Pendant longtemps, les assurés n’ont pas tiqué sur les tarifs car ils n’étaient pas aussi déconnectés du marché. Maintenant qu’ils sont bloqués, le gouffre se creuse de telle façon que même les assurances complémentaires sont parfois lâchées.

Il faut donc une urgente refonte des tarifs et de leur répartition. Ce n’est donc pas de la France qui se situe au-dessus de la CMU et de la CMUC qu’il faut s’occuper, mais bien de la classe moyenne qui peine à payer les compléments d’honoraires devenus trop chers en raison d’une certaine désertion de l’assurance maladie.

Propos recueillis par Priscilla Romain

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