Tout ce que Nicolas Sarkozy ne doit pas faire pour réussir son retour en politique<!-- --> | Atlantico.fr
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D'après un sondage Ifop-JDD, 53% des sympathisants UMP veulent que Nicolas Sarkozy "soit candidat de la droite" en 2017.
D'après un sondage Ifop-JDD, 53% des sympathisants UMP veulent que Nicolas Sarkozy "soit candidat de la droite" en 2017.
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Come back difficile

53% des sympathisants UMP veulent que Nicolas Sarkozy "soit candidat de la droite" en 2017, selon un sondage Ifop-JDD. Mais le candidat déchu de 2012 peut-il vraiment revenir en 2017 ?

Christian Delporte

Christian Delporte

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin et directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Il dirige également la revue Le Temps des médias.

Son dernier livre est intitulé Les grands débats politiques : ces émissions qui on fait l'opinion (Flammarion, 2012).

Il est par ailleurs Président de la Société pour l’histoire des médias et directeur de la revue Le Temps des médias. A son actif plusieurs ouvrages, dont Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine (avec Jean-François Sirinelli et Jean-Yves Mollier, PUF, 2010), et Les grands débats politiques : ces émissions qui ont fait l'opinion (Flammarion, 2012).

 

Son dernier livre est intitulé "Come back, ou l'art de revenir en politique" (Flammarion, 2014).

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Atlantico : D'après un sondage Ifop-JDD, 53% des sympathisants UMP veulent que Nicolas Sarkozy "soit candidat de la droite" en 2017. Valérie Pécresse a estimé que l'ancien président pourrait avoir "envie de revenir" sur la scène politique si "un certain nombre de paramètres" étaient réunis. Quels sont ces "paramètres" ?

Christian Delporte : D’abord, il faut dire que le camp Fillon (auquel appartient Valérie Pécresse) comme le camp Copé ont tout intérêt à ménager dans leur discours Nicolas Sarkozy, toujours très populaire chez les sympathisants et plus encore les militants UMP. Faisons donc la part de l’objectif tactique d’une telle déclaration. Le retour éventuel de l’ancien président de la République est plus affaire de circonstances que de paramètres. Il ne peut revenir que s’il apparaît comme l’homme providentiel de la droite, c’est-à-dire d’une droite déchirée, sans leader, menacée par le Front national, échouant aux élections intermédiaires (municipales et régionales de 2014), promise à la défaite en 2017.

Autrement dit, le retour n’est pas pour demain, d’autant que celui qui triomphera dans la guerre des chefs de l’UMP s’appliquera soigneusement à verrouiller le parti et le groupe parlementaire pour éviter un tel retour. Pour revenir, Nicolas Sarkozy devra être « appelé », ce qui suppose un mouvement d’opinion à droite, peut-être suscité par ceux qui auront été privés du pouvoir à l’UMP. Bref, le retour n’est pas impossible, mais il faudra, pour cela, réunir un faisceau complexe de circonstances.

En France, on l'a vu avec Valéry Giscard d'Estaing ou Lionel Jospin, les come-back politiques sont souvent très difficiles. Nicolas Sarkozy peut-il vaincre la malédiction des retours ratés ?

Nous sommes dans un pays paradoxal. D’un côté, on s’irrite ou on s’indigne parce que les politiques s’accrochent au pouvoir et, de l’autre, on ne peut imaginer qu’une carrière politique puisse prendre fin. Ailleurs, ce n’est pas le cas. Bill Clinton, José María Aznar, Tony Blair ont quitté encore jeunes la politique, après avoir connu le sommet des responsabilités. Ils n’ont pas cherché à revenir et ont entamé une deuxième carrière. Que Nicolas Sarkozy souhaite un retour, qui prendrait inévitablement des couleurs de revanche, c’est possible. Mais il risque de se heurter aux mêmes obstacles que ceux que vous citez. Car d’autres, à droite, vont émerger, s’imposer, nourrir des réseaux et des clientèles.

Le prochain chef de l’UMP et les éventuels présidentiables feront tout, en coulisses, pour écarter Sarkozy. La logique est toujours la même : les élus et les cadres du parti d’abord, les militants et les sympathisants ensuite, se rangent sous la bannière de celui qui peut les faire gagner. Sarkozy en a profité en son temps. La question du timing est également essentielle. On ne peut pas être un éternel recours. Laisser supposer trop tôt son retour, c’est s’exposer à l’érosion lente de l’espoir qu’il suscite. Attendre le dernier moment, c’est prendre le risque que le jeu soit déjà totalement verrouillé. VGE a été doublé par Barre en 1988. En 1995, il espérait apparaître comme le recours dans la guerre fratricide qui opposait Chirac et Balladur. Peine perdue. Quant à Jospin, il a fait preuve d’une indécision qui a ravi ses rivaux socialistes.

On a beaucoup comparé la présidence Sarkozy à celle de Valéry Giscard d'Estaing, qui lui aussi a été battu et a essayé de revenir. Nicolas Sarkozy ne risque-t-il pas de pousser le mimétisme avec Giscard jusqu'au bout ?

Valéry Giscard d'Estaing n’avait que 55 ans en 1981. Il a tout de suite affiché sa volonté de revenir en refusant de siéger au conseil constitutionnel, puis en remontant un à un les échelons de la carrière politique : député en 1984, président du conseil régional d’Auvergne en 1986, président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale en 1987, président de l’UDF en 1988, tête de liste UDF-RPR aux Européennes de 1989… Mais, à l’époque, la droite était divisée en deux partis, et sa défaite en 1981 laissait le chemin libre à celui qui avait construit le RPR pour conquérir l’Elysée : Jacques Chirac. Autrement dit, Giscard parti, l’électorat de droite ne se sentait pas orphelin. La situation de Nicolas Sarkozy me semble très différente : la droite républicaine est réunie sous un seul drapeau et l’UMP n’a pas de leader naturel.

De plus, contrairement à Giscard, Sarkozy est l’héritier d’une droite bonapartiste, pour reprendre la typologie de René Rémond. Il n’imagine certainement pas une renaissance qui partirait d’un siège de député à Neuilly. Son modèle serait plutôt celui de l’homme providentiel qu’on vient implorer comme le sauveur, tel qu’était apparu le général de Gaulle en 1958. Mais, pour cela, il ne faut pas rester inactif et notamment, à travers ses amis, peser sur le destin de l’UMP.

A l'inverse, en mai 1958, le général de Gaulle a réussi son retour au sommet de l’État après 14 ans d'absence à la faveur de la crise algérienne. La France traverse également une crise. La situation est-elle comparable ?

En fait, ces 14 années se découpent en deux temps : celui du RPF (1947-1953) où de Gaulle, après avoir fait trembler la vie politique, échoue à revenir au pouvoir et celui de la traversée du désert (1953-1958), marqué par son silence et son isolement. En janvier 1958, seuls 13% des Français, selon un sondage Ifop, le désignent comme l’homme dont le pays a besoin. Mais de Gaulle profite à la fois du vide politique, du caractère exceptionnel de la situation et du flou des clivages politiques.

Il s’assure de l’appui des principaux partis, y compris des socialistes de Guy Mollet. Seuls les extrêmes et quelques francs-tireurs, dépourvus de troupes (Mitterrand, Mendès France), se démarquent de lui. La crise, aujourd’hui, n’a pas les mêmes caractères. La République n’est pas menacée d’un coup d’Etat, les institutions fonctionnent et dégagent des majorités. Du point de vue des politiques, ce serait plutôt le trop-plein que le vide. Et puis, Sarkozy ne peut se prévaloir de la légitimité de l’homme du 18 juin.

Nicolas Sarkozy ne semble pas avoir la dimension historique du général de Gaulle...

Ni Sarkozy ni personne, à vrai dire. Le général de Gaulle pouvait incarner l’homme providentiel parce que, premier des Résistants, il avait déjà sauvé l’honneur de la France. Il n’avait exercé le pouvoir qu’un court laps de temps, comme chef d’un gouvernement provisoire réunissant toutes les forces politiques de la Résistance.

Après l’échec du RPF, il était redevenu l’homme du 18 juin. Nicolas Sarkozy, lui, ne peut prétendre, comme le Général, être « au-dessus des partis ». En 1958, de Gaulle appartenait déjà à l’histoire ; aujourd’hui, Sarkozy, encore perçu comme l’homme d’un camp, ne peut prétendre réunir toutes les forces républicaines autour de lui. Nous sommes revenus à des temps ordinaires.

L'intervention de Nicolas Sarkozy sur la Syrie était-elle une manière efficace de refaire parler de lui ou a-t-elle fait pschitt ?  

Elle manifeste sa volonté d’affirmer son expérience internationale, de se rappeler au bon souvenir de ceux qui voudraient l’oublier, mais aussi de défendre son bilan en matière de politique étrangère, celui dont il est le plus fier. Nous verrons bien s’il s’agit d’un acte isolé ou, par de nouvelles interventions, du premier pas d’une stratégie mûrement réfléchie. Pour l’heure, on peut hésiter. Jusqu’à présent, les chefs de l’Etat ayant quitté le pouvoir ne se prononçaient pas sur la politique internationale de leur successeur.

A cet égard, cette rupture d’un devoir de réserve tacite est inédite. Reste que Nicolas Sarkozy est membre de droit du conseil constitutionnel. S’il siège, comme il l’a annoncé, il devra exercer un devoir de réserve absolu sur les textes qui lui seront soumis. Il faudra décrypter ce qu’en disent ses plus fidèles amis. Au travers de leurs paroles, on sentira vite les réelles ambitions de l’ancien président de la République.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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