Esclavage moderne ? Les conditions de vie effroyables des équipages des navires de croisière <!-- --> | Atlantico.fr
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Le naufrage du Costa Concordia, au début de l'année, a rouvert la polémique sur les conditions de travail des équipages.
Le naufrage du Costa Concordia, au début de l'année, a rouvert la polémique sur les conditions de travail des équipages.
©Reuters

Love boat...

Derrière les piscines, et les buffets à volonté des bateaux de croisière se cache le monde très dur des salariés qui travaillent plus de 65 heures par semaine pour seulement 600 euros par mois.

La croisière ne s'amuse plus. En fait, elle ne s'est même jamais vraiment amusée. Après le naufrage du Costa Concordia le 13 janvier dernier à proximité de l'île du Giglio en Italie, les questions de conditions de travail des marins des bateaux de croisière se sont de nouveau posées. Et les découvertes sont accablantes comme le révèle un article publié sur le site américain The Daily Beast.

Depuis les années 80, rien n'a donc vraiment changé. En 1987, une tribune publiait par le New York Times évoquait en effet déjà les conditions de travail extrêmement difficiles des membres d'équipage de bateaux de croisière.

Shannon J. Wall, président du syndicat travailliste National Maritime Union de 1973 à 1990, rappelait notamment que ces travailleurs étaient sous-payés pour une quantité de travail plus que conséquente. Les propriétaires de bateaux de croisières "paient les membres d'équipage qui reçoivent des pourboires 50$ par mois, et 150$ ceux qui n'en reçoivent pas et qui travaillent pourtant 14 à 16 heures par jour, sans que ce soit considéré comme des heures supplémentaires", expliquait-il ainsi dans les colonnes du célèbre quotidien américain, ajoutant qu'"un tiers des bateaux de croisières sous-payait et forçait les marins à travailler beaucoup plus que ce qui était permis" mais aussi que ces bateaux "échouaient aux tests sanitaires du service de santé publique des Etats-Unis, exposant donc les passagers à de graves maladies".

Et tout le monde de s'indigner, sans pour autant que les choses ne changent vraiment.

Comme le rappelle le professeur en droit social à l'université de Nantes Patrick Chaumette interviewé par L'Humanité au début de l'année : "si l'on veut accueillir un maximum de clients, il faut des prix défiant toute concurrence ; les coûts de fonctionnement de ces paquebots étant importants, il reste une seule variable d'ajustement : la masse salariale".

Et les patrons l'ont bien compris, puisqu'en 30 ans, si le transport maritime a augmenté de 400%, son coût social a diminué de près de 40%.

Si les compagnies maritimes peuvent se permettre de payer si peu leurs salariés, c'est qu'elles sont très souvent immatriculées dans des pays qui offrent des conditions très peu contraignantes, en matière de fiscalité, de sécurité du navire mais surtout de droit du travail auquel est soumis l'équipage. C'est ce qu'on appelle plus généralement les pavillons de complaisance. En 2001, plus de 60% de la flotte mondiale de marine marchande naviguait notamment sous pavillon de complaisance.

La majorité des membres d'équipages proviennent donc des pays parmi les plus pauvres du monde, et plus particulièrement des Philippines. Ils sont recrutés dans leurs pays d'origine, et travaillent généralement sur ces bateaux plus de six mois, 65 heures par semaine, sans aucun congé. S'il existe des minima internationaux, ils concernent les marins brevetés maritimes, et en aucun cas le personnel hôtelier du bateau. Ce dernier, pour des heures de travail qui dépassent l'entendement, toucherait en moyenne 600 euros par mois.

De l'esclavage ? C'est ce qu'assurent en tout cas d'anciens salariés qui témoignent dans divers articles. Les membres d'équipage ne peuvent en effet pas vraiment s'échapper de ce cauchemar car ils paient au départ parfois 2000 dollars pour l'obtenir. Mais pour trouver cette somme de départ – un pactole pour des Indiens, Indonésiens ou Philippins pauvres – ils font des prêts aux taux d'intérêt énormes qu'il faut rembourser.

Une autre raison qui les pousse à accepter de telles conditions de travail : ils gagnent plus d'argent que s'ils restaient dans leurs pays d'origine. Par ailleurs, leurs dépenses restent très basses puisqu'ils n'ont pas à se charger du logement – des cabines qui dépassent rarement les 5 mètres carrés et qui sont cachées sous les ponts –, de la nourriture, mais aussi des soins dentaires et médicaux.

D'ailleurs selon Daily Beast, malgré ces conditions que beaucoup considèrent comme de l'esclavagisme, 80% de l'équipage resignent pour travailler sur ces bateaux. L'épuisement ne leur fait pas peur. Mais il devrait en revanche inquiéter les passagers.

Des membres d'équipage au bord du rouleau ont en effet plus de chances de tomber malade. Et sur un bateau, les virus et autres bactéries sont vite propagés.

Encore en février dernier, un bateau de croisière faisait état de près de 700 passagers et 24 membres du personnel atteints d'une bactérie.

Les travailleurs sont par ailleurs très mal formés aux mesures de sécurité, et la multitude de langues parlées n'aide pas vraiment à la compréhension en cas de problème sur le bateau.

Les membres de l'équipage ne sont donc pas les seuls à devoir craindre les bateaux de croisière où tout n'est pas que piscine, toboggan, et buffet à volonté. Un article évoquait d'ailleurs le cas d'un couple de passagers laissés à quai parce que le mari était malade. Les sociétés n'ont en effet aucune obligation légale à soigner un passager blessé ou malade.

La croisière de l'amour est bel et bien un mythe.

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