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Mieux informer sur le nucléaire :
la clef pour en faire accepter les risques ?
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La vérité en face

Henri Prévot explique que le risque nucléaire peut être accepté plus facilement, à condition qu'il soit connu et assumé, non seulement par l’État mais par chaque citoyen. Extraits de "Avec le nucléaire, un choix réfléchi et responsable" (2/2).

Henri Prévot

Henri Prévot

Henri Prévot est ingénieur général des Mines. Spécialiste des questions de sécurité économique et de politique de l'énergie, il tient un site Internet consacré à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

Il est l'auteur du livre "Avec le nucléaire" paru chez Seuil.

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L’information peut-elle être parfaite ?

Les opposants reprochent à la technostructure nucléaire de cacher des informations. Ce reproche a été fondé. Pour éviter les anachronismes il serait plus juste de dire que les informations qui étaient données naguère ne répondraient pas au besoin d’information tel qu’il s’exprime aujourd’hui. La difficulté rencontrée par les organes officiels est double :

d’une part, l’attente du public évolue avec le temps et, d’autre part, ce public est extrêmement varié, tout le monde n’ayant pas le même degré de connaissance, ni les mêmes préoccupations, ni le même désir de savoir. Cependant le message est unique. Ce qui répond à l’attente des uns peut être insuffisant pour d’autres qui crieront à l’« opacité », semant ainsi l’inquiétude chez les premiers. Il suffit d’une maladresse commise par un organe officiel ou d’une plaisanterie lancée par quelqu’un qui n’y connaît pas grand-chose mais fait un bon mot sans y mettre malice pour que la rumeur s’étende, s’incruste de façon presque indélébile.

Aujourd’hui l’opinion demande en général beaucoup plus d’information qu’il y a une trentaine d’années. Celle qui est publiée par l’ASN, l’IRSN, l’ANDRA, EDF et AREVA est beaucoup plus abondante qu’il y a trente ans. On ne dira pas que tout est publié, car il est impossible de le faire. Mais, pour ne donner qu’un exemple, les centrales nucléaires signalent tous les écarts qui ont suscité une action correctrice, aussi ténus soient-ils et même sans aucune incidence sur la sécurité. Tous ces « événements » sont publiés sur Internet, de même que les rapports d’inspection de l’ASN et les rapports de l’IRSN et de l’ASN sur l’accident de Fukushima. Localement, près des centrales, les CLI, commissions locales d’information, sont des lieux d’échange qui fonctionnent bien.

Le grand public n’est pas toujours en mesure de comprendre les informations délivrées par les entreprises et les institutions, ni de porter un jugement sur les commentaires qu’elles suscitent. Pour que l’information soit de qualité et soit comprise, il faut donc améliorer les connaissances de base du plus grand nombre de nos concitoyens. Cela relève de la responsabilité non seulement de l’État, de l’Éducation nationale et des organismes officiels tels que l’IRSN et l’ASN dont l’action est unanimement saluée, mais aussi des scientifiques, des experts et des journalistes : certains mènent une action absolument remarquable.

Assumer et gérer le risque, au plan collectif et au plan individuel

L’État n’a jamais caché que le risque de rejets radioactifs existe. La demande de sécurité s’est faite tellement forte que l’EPR a été conçu pour supprimer ce risque. En cas de panne totale, la réaction en chaîne s’arrête toute seule et de nouveaux dispositifs de sécurité passive refroidiront le cœur du réacteur pendant quelques heures, même après qu’il sera entré en fusion, laissant le temps d’une intervention extérieure. Il a donc été décidé que l’enceinte de confinement serait complètement étanche sans avoir recours à des évents qui, lorsque la pression devient trop grande, permettent de l’abaisser en laissant partir des produits radioactifs. Ne serait-il pas préférable d’être cohérent avec l’affirmation selon laquelle le risque d’accident grave avec émissions de radioactivité à l’extérieur ne peut pas être absolument exclu ? En 2012, il n’est sans doute pas trop tard pour que cette enceinte soit équipée d’évents munis de filtres, comme l’est celle du réacteur finlandais.

La population acceptera plus volontiers le risque nucléaire si elle le connaît et si elle prend sa part dans la gestion de la crise, en cas d’accident.

Après un accident, l’éloignement de la population est une décision de prudence prise par l’autorité publique pour éviter la radioactivité de l’iode, qui s’épuise en quelques semaines, et tant que la situation n’est pas stabilisée. À Tchernobyl comme à Fukushima, la radioactivité est retombée sur le sol de façon hétérogène, par taches. Il est facile de s’en préserver lorsqu’on sait où elle se trouve et elle est très facile à détecter avec des instruments de la taille d’un téléphone portable. Pourquoi les personnes qui le souhaitent, en connaissant les risques et les précautions à prendre, ne pourraient-elles pas revenir chez elles ? Comme on l’a vu à Tchernobyl et comme on commence à le voir à Fukushima, le stress psychique et la désorganisation sociale créent beaucoup plus de dommages que la radioactivité.

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Extrait de "Avec le nucléaire" chez Seuil (7 juin 2012)

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