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Élections en Libye : premier coup d’arrêt pour les islamistes ?
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Les élections législatives en Libye pourraient voir la victoire d'un parti libéral. Une surprise, le pays semblant avoir résisté à la vague islamiste qui a émergée en Egypte et en Tunisie. Mais ces résultats sont autant socio-économiques qu'idéologiques.

Frédéric Encel

Frédéric Encel

Frédéric Encel est Docteur HDR en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, Grand prix de la Société de Géographie et membre du Comité de rédaction d'Hérodote. Il a fondé et anime chaque année les Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer. Frédéric Encel est l'auteur des Voies de la puissance chez Odile Jacob pour lequel il reçoit le prix du livre géopolitique 2022 et le Prix Histoire-Géographie de l’Académie des Sciences morales et politiques en 2023.

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Atlantico : Ce 7 juillet, la Libye a voté. Si les résultats ne sont pas encore fixes, le Parti des libéraux de Mahmoud Jibril devancerait le parti inféodé aux Frères musulmans. Quel constat peut-on faire de cette élection ?

Frédéric Encel : D'abord il convient d'être très prudent. Non seulement ces résultats sont partiels, mais encore ne concernent-il que moins d'un tiers des sièges qui seront attribués à la nouvelle constituante. Mais s'il faut tirer un premier enseignement, je dirais que les Libyens ont globalement joué le jeu - un jeu démocratique qu'ils n'ont absolument jamais connu bien entendu sous la longue férule de Kadhafi, et pas même auparavant, sous le roi Idriss Senoussi - avec un fort taux de participation et le respect du scrutin, avec peu de violences (concentrées dans quelques zones de Cyrénaïque), et des Frères musulmans qui reconnaissent leur défaite. Tout cela est de bon augure mais, encore une fois, il faut rester prudent.   

La défaite des Frères musulmans n'est-elle pas un premier coup d'arrêt pour les islamistes, au Proche et au Moyen-Orient ?

Oui et non. Il est vrai que les Frères ont fait un score moins bon qu'en Tunisie ou en Egypte. Mais ils étaient tout à fait inconnus tant Kadhafi les avaient pourchassés. Surtout, la notion de nation - al watan - est moins forte en Libye que dans d'autres sociétés arabes, comme la syrienne ou l'égyptienne. Ici, la proximité humaine - tribale, villageoise, clientéliste - compte davantage que l'idéologie, notamment du fait du désert politico-institutionnel laissé par l'ancienne dictature. Tout cela a desservi les Frères qui, de surcroît, sont parfois vus comme soutenus de l'étranger. Mais ils n'ont sans doute pas dit leur dernier mot, tant le processus institutionnel vient seulement de commencer... Enfin ajoutons que de puissantes forces autonomistes sont en place en Cyrénaïque. L'unité territoriale de la Libye n'est pas garantie de toute éternité...

Ce choix politique ne confirme t-il pas finalement que la Libye est bien ancrée dans un islam modéré et traditionnel ?

Tout dépend de ce qu'on entend par "modéré". Par exemple, l'absence quasi-totale - pour l'heure - de fanatiques salafistes, pousserait à répondre par l'affirmative. Mais on doit avoir à l'esprit que la situation sociale est en Libye très différente - meilleure, en fait - que celle qui prévaut en Egypte où ils ont recueilli 25% des suffrages exprimés !

N'oublions jamais que les votants, dans les Etats arabes ayant connu le "printemps de 2010-2012", s'expriment avant tout sur des considérations au moins autant socio-économiques qu'idéologiques. Or la Libye, avec ses 6 millions d'habitants seulement et ses 4% de production mondiale de brut, a de quoi satisfaire sa population, même si des écarts flagrants sont à déplorer. En Egypte, c'est 84 millions d'habitants et des ressources restreintes ! Donc de ce point de vue, il n'est pas si stupéfiant que les Libyens aient globalement choisi un courant en effet plutôt modéré et qui, surtout, les a libérés (avec le concours décisif de l'OTAN) de quarante-trois ans d'oppression !

Propos recueillis par Charles Rassaert

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