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L’opposition et la presse
se déchaînent : de l’antisarkozysme "primaire" à l’antihollandisme "sectaire" ?
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Dogmatisme de droite

Durant cinq ans, une partie de la gauche a parfois diabolisé Nicolas Sarkozy jusqu'à verser dans l'antisarkozysme "primaire". Aujourd'hui, c'est François Hollande qui subit les foudres de l'opposition et de la presse. La droite est-elle en train de tomber à son tour dans le piège du "sectarisme" et de l'opposition systématique ?

Jean-François Kahn

Jean-François Kahn

Jean-François Kahn est un journaliste et essayiste.

Il a été le créateur et directeur de l'hebdomadaire Marianne.

Il a apporté son soutien à François Bayrou pour la présidentielle de 2007 et 2012.

Il est l'auteur de La catastrophe du 6 mai 2012.

 

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Atlantico : Pendant cinq ans, "la gauche morale" a décrié Nicolas Sarkozy jusqu'à verser parfois dans l'antisarkozysme "primaire". Aujourd'hui, la presse se déchaîne sur le nouveau président.  Par exemple, en couverture du magazine Le Point cette semaine : François Hollande, décoiffé et ahuri, auquel le journal suggère d' "arrêter les bêtises " ! L'antihollandisme succéderait-il à l'antisarkozysme "primaire" ? 

Jean-François Kahn : Encore faut-il s’entendre sur ce que signifie le terme antisarkozysme "primaire". L’expression  a été inventée par Georges Marchais pour dénoncer ce qu'il appelait l' anticommunisme "primaire". Lorsqu'on dénonçait le totalitarisme de l'URSS stalinienne, on était qualifié d'anticommuniste "primaire". De la même façon, lorsqu'on disait, comme moi, que Nicolas Sarkozy faisait preuve d'un "narcissisme fou", on était taxé d' antisarkozysme "primaire". Mais dans les deux cas, la critique n'avait rien de "primaire" puisqu'elle était vraie.

De la même façon, je ne pense pas que l'hebdomadaire Le Point fait de l' antihollandisme "primaire", mais plutôt de l'antihollandisme intelligent et efficace. Franz-Olivier Giesbert a soutenu François Hollande durant la campagne, il est donc bien placé pour le critiquer aujourd'hui. C'est plutôt bien joué de sa part. Le discours de Jean-Louis Borloo à l'Assemblée nationale est un autre exemple d'opposition intelligente et efficace. Celui-ci était à la fois drôle et assassin, mais pas du tout "primaire". En revanche, le discours de Christian Jacob était un discours de "bête des bois", d'une bêtise qui dépasse l'imagination.   

Selon vous, l'UMP tombe-t-il dans le piège de l'opposition systématique ?

Pour le coup, oui ! l'UMP s'enfonce dans une opposition caricaturale et est en train de se ridiculiser. Le plus bel exemple, c'est Valérie Pécresse. Globalement, j'étais hostile à la politique de Nicolas Sarkozy et j'ai souvent été taxé d'antisarkozyste "primaire". Pourtant, j'avais soutenu la politique de Valérie Pécresse concernant l'autonomie des universités. Lorsque que le gouvernement de Nicolas Sarkozy proposait des réformes justes, je n'hésitais pas à le dire. J'ai par exemple applaudi au discours de Toulon après la crise. J'étais également favorable à l'unification des régimes de retraite.

En revanche, je constate que Madame Pécresse est incapable de reconnaître la moindre chose acceptable dans la politique du gouvernement socialiste. On dirait presque que c'est physique ! Le rapport de la Cours des comptes nous apprend qu'un quart des universités sont en faillite et qu'il manque 150 millions d'euros dans les caisses. Valérie Pécresse, dont j'ai soutenu la politique, pourrait peut-être s'expliquer plutôt que de taper sur tout ce que les autres font. Un peu d'autocritique ne ferait pas de mal. De manière générale, l'UMP est en train de déborder la gauche dans l'opposition systématique. Et pourtant cette dernière s'y connaît en matière de sectarisme ! 

La droite, qui durant la campagne a prôné une politique de rigueur, devrait-elle soutenir la rigueur de gauche ?    

L'UMP pourrait légitimement attaquer François Hollande sur le fait qu'il n'a pas parlé de la rigueur durant la campagne électorale. Il n'a jamais dit qu'il allait être obligé d'effectuer des coupes sombres dans les dépenses publiques. Et aujourd'hui encore, François Hollande et son gouvernement pèchent par déni de réalité en refusant de prononcer le mot rigueur. Là, il y a des choses très cruelles à dire. Malheureusement, je pense que les dirigeants de l'UMP vont se contenter de condamner la rigueur, quitte à se contredire eux-mêmes. 

Il y a plusieurs gauches : une gauche sectaire et caricaturale incarnée notamment par Harlem Désir, mais il y a aussi une gauche social démocrate plus ouverte. Aujourd'hui la droite UMP s'oblige à réagir comme un bloc. La concurrence entre François Fillon et Jean-François Copé exacerbe ce travers. Les deux principaux prétendants à la présidence de l'UMP ont peur que les militants les accusent d'être des opposants trop mous. La base électoral de l'UMP est de plus en plus dure. J'ai connu une époque où la droite était tolérante et ouverte tandis que la gauche était "stalinienne".  Aujourd'hui, la gauche, qui n'a plus beaucoup de convictions, est moins dure que par le passé. Parallèlement, une droite stalinienne est en train de se développer.

Une certaine droite considère-t-elle la gauche comme illégitime par nature ?  

Philippe Tesson, qui est très talentueux par ailleurs, avait un peu cette tendance-là. Lorsque je travaillais avec lui au Quotidien de Paris, il donnait systématiquement la parole à la gauche, presque trop... Je lui disais : "Mais arrête de publier des tribunes de  n'importe quel gauchiste de base !"  Il considérait que la droite devait être au pouvoir et qu'il fallait laisser la parole à l'opposition. Mais à partir du moment où la gauche a été au pouvoir, il a trouvé cela totalement illégitime et est tombé dans l'opposition systématique. 

Vous avez soutenu François Bayrou durant la campagne électorale pour en finir avec la logique du camp contre camp. N'êtes-vous pas déçu par le retour de l'affrontement systématique ?   

Une grande partie de l'opinion, aujourd'hui encore plus qu'hier, ne se reconnaît ni dans le discours de la gauche traditionnelle ni dans celui de cette droite-là. Pour expliquer mon soutien à François Bayrou, j'ai utilisé cette formule que je n'ai cessé de répéter : " Si Nicolas Sarkozy est réélu, ce sera une catastrophe. Mais si François Hollande est élu, cela débouchera fatalement sur une grande désillusion." 

Si la gauche se révèle, comme je le crains, incapable de répondre à la question sociale et qu'elle se rabat sur les questions sociétales, si au moment où le chômage augmente, elle fait voter le mariage gay, l'effet dans l'opinion sera désastreux. Personnellement, je ne suis pas hostile au mariage homosexuel, mais la gauche risque ainsi de se couper du peuple. Les gens diront : "vous êtes incapables de répondre aux demandes du peuple, en revanche pour vos amis bobos parisiens..." Cela fera le jeu du Front national. Si la gauche ne regarde pas la vérité en face, si elle ne se demande pas pourquoi une partie de son électorat a basculé du côté du FN, dans cinq ans, la droite dure gagnera les élections en passant des alliances avec le Front national.  Le risque existe.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio 

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