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Conférence sociale :
le gouvernement saura-t-il surfer
sur les a priori favorables des syndicats pour imposer les réformes
qui s'imposent ?
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Tactique étatique

La Conférence sociale des 9 et 10 juillet établira la "feuille de route" pour les négociations à venir entre le gouvernement et les syndicats. Le gouvernement socialiste saura-t-il profiter de la sympathie des syndicats pour engager des réformes audacieuses en matière d'emploi et de rémunération ?

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Personne n’attend rien de la conférence sociale des 9 et 10 juillet. Il est vrai que la seule ambition de ces tables rondes se résume à établir une « feuille de route » pour les négociations à venir. Cela n’interdit pourtant pas au gouvernement d’avoir de l’ambition au seuil de ce long processus. En préambule d’un sommet qui se prétend « social », ne serait-il pas judicieux de réfléchir à la frontière qui délimite le périmètre d’action publique de la sphère sociale privée ? L’Etat est légitime à simplifier les réglementations du travail, là où les salariés et les employeurs cotisants, ou leurs représentants, le sont à réformer le système des retraites ou de l’assurance chômage. Ceci introduit un second débat essentiel. Quels sont les représentants légitimes des salariés, et quelles devraient être leurs missions ?

Ce n’est pas un hasard si la France est le pays le moins syndiqué de l’OCDE. Fonctionnarisés et recroquevillés sur leurs dogmes idéologiques, les syndicats se sont progressivement éloignés des préoccupations des salariés qu’ils continuent hélas à représenter aux termes de la loi. La désyndicalisation, avec un taux d ‘adhésion inférieur à 2% dans le secteur privé, illustre bien le désintérêt des salariés pour l’action obscure des syndicats dont personne ne sait très bien à quoi ils servent, sinon établir un rapport de force avec les gouvernements successifs. Le rapport Hadas-Lebel et bien d’autres études réfléchissent depuis longtemps aux moyens de renforcer la représentativité syndicale. Ce débat mérite d’être posé aujourd’hui.

Les syndicats retrouveront des adhérents, et par conséquent une légitimité, lorsqu’ils apporteront la preuve de leur utilité. Imaginons que le pôle emploi soit remplacé par des organismes indépendants gérés par les syndicats, et que le niveau de leurs cotisations spécifiques soit aussi de leur ressort. Les salariés retrouveraient bien vite des raisons de se syndiquer dans ce contexte, et de s’intéresser à l’apport d’organisations redevenues utiles à leurs yeux. L’unique moyen de renforcer la représentativité des syndicats, c’est de leur confier de vraies prérogatives sans intervention de l’Etat. Notamment dans le domaine des négociations salariales.

Sept thèmes sont proposés au débat. Le premier, l’emploi, est une priorité que personne ne prétend nier. En revanche, les approches divergent entre les tenants de la protection des salariés (au détriment des chômeurs), et ceux de la protection des emplois. Quand toute l’Europe met en œuvre la flexibilité de l’emploi pour rompre avec la spirale du chômage, il est peut-être utile de nous demander si la France ne fait pas fausse route en empruntant le chemin inverse ? Les réponses dépendront donc de la vision des décideurs, et de leur courage. Contrairement à la droite, la gauche a un atout de poids. En plus des pleins pouvoirs à tous les échelons politiques, et elle a la sympathie des syndicats et des médias. Comme le New Labour anglais, François Hollande a donc la capacité de mettre en œuvre des réformes audacieuses sans risque de blocage général. A-t-il la bonne vision et la volonté de la mettre en œuvre ?

Le thème « Assurer des systèmes de rémunération justes et efficaces » fait plutôt penser le contraire, à moins qu’il ne s’agisse d’une astuce pour renvoyer une image d’ensemble rassurante aux socialistes. L’encadrement des salaires n’existait que dans les républiques populaires. Le Mur de Berlin est tombé depuis lors. Manifestement pas en France. Reconnaissons toutefois que le développement des « compétences et la formation tout au long de la vie » soulève un enjeu majeur dans la compétition internationale. Mais cet axe passe par une révolution de l’enseignement général, technologique et professionnel. Il passe aussi par celle, beaucoup plus sensible, de la formation continue qui est une gabegie surtout profitable aux… syndicats qui assurent la collecte et, au travers d’officines variées, la dépense.

Chaque chantier mène à des débats fondamentaux pour la France des dix ou vingt prochaines années. La poursuite de l’immobilisme pratiqué depuis 30 ans menace incontestablement de faillite notre modèle social qui décline aussi bien sur le plan financier (trou de la sécu : 14 milliards d’euros pour 2012) que sur celui de la qualité de la couverture qu’il prétend assurer. Pour le redresser, il nous faut le réformer en profondeur. L’Europe nous offre des pistes de réformes réussies, comme la mise en concurrence de l’assurance maladie aux Pays-Bas. Encore faudrait-il élargir le débat au-delà de nos habituels mandarins sans saveur ni imagination. Les titres des tables rondes ne donnent aucun indice d’une réelle volonté d’aller aussi loin à ce stade. Espérons que nous n’aboutirons pas une fois de plus à un consensus mou de partenaires léthargiques adeptes de la langue de bois.

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