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Libre circulation des Maghrébins
en Tunisie : bientôt l'Union Maghrébine ?
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Etats-Unis du Maghreb

Moncef Marzouki, président tunisien, lance unilatéralement le projet d'une union du Maghreb. Soutenue par les entreprises, elle permettrait au Maghreb d'affirmer sa position sur la scène internationale. Babillage politicien ou vraie ambition politique ?

Abdelmalek Alaoui

Abdelmalek Alaoui

Abdelmalek Alaoui est directeur général du cabinet de communication d'influence Guepard Group.

Il est l'auteur du livre Intelligence Economique et guerres secrètes au Maroc (Editions Koutoubia, Paris).

 

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Atlantico : Tunis a décidé qu’à partir du 1er juillet, les ressortissants algériens, marocains et mauritaniens n’auront besoin que d’une simple carte d’identité pour entrer en Tunisie. Si le Maroc et la Mauritanie n’ont pas encore réagi, les autorités algériennes estiment, selon le journal El-Khabar, ne pas se sentir “concernées” par cette mesure “anticipée” et “unilatérale”. Le projet d'union du Maghreb que semble vouloir relancer Moncef Marzouki est-il voué à l'échec ?

Abdelmalek Alaoui : Le Président tunisien vise un triple objectif à travers l’annonce de cette mesure. Il y a, en premier  lieu, une indéniable dimension politique, qui s’inscrit dans la droite ligne de la pensée politique de Habib Bourguiba, qui était empreinte d’un nationalisme « maghrébin » fort, cimenté par  la lutte commune des peuples d’Afrique du nord contre le colonisateur. En ce sens, Marzouki a certainement voulu fixer un cap, et se positionner comme le nouveau moteur d’une union maghrébine rénovée, et du haut de sa stature d’ancien opposant, il souhaite se définir comme le chantre de l’union. C’est là l’affirmation d’une posture qu’il a prise très tôt, lors de ses déplacements à Rabat et Alger il y a quelques mois. En second lieu, il y a probablement des visées économiques : en facilitant la circulation des Maghrébins, le Président tunisien souhaite donner une impulsion au tourisme interrégional et combler le déficit tunisien en touristes européens. Enfin, il y a une dimension tactique qui lui permet de se positionner sur l’échiquier tunisien comme celui qui impulse une vision, un projet de société, à l’encontre des positions du parti d’Annahda, qu’il souhaite ainsi « ringardiser ». Concernant la probabilité de succès de cette mesure, nous devrions avoir les premiers retours très rapidement, l’été étant propice aux déplacements, notamment pour les vacances.

Dans quelle mesure une nouvelle Union du Maghreb peut-elle changer l'économie de la région ?

Une union économique du Maghreb permettrait plus d’intégration et la mise en branle de complémentarités économiques bien connues. Le volume des échanges interrégionaux est en effet dramatiquement bas, notamment au niveau du couple marocco-algérien, qui souffre de la mésentente cordiale entre les deux pays et de la fermeture des frontières terrestres depuis de nombreuses années, malgré les appels répétés de Rabat et de certains intellectuels algériens  à mettre fin à cette situation ubuesque. De manière plus globale, l’union du Maghreb permettrait la genèse d’un bloc économique cohérent qui allierait ressources naturelles, compétitivité dans les biens et les services, et spécialisation des acteurs dans le commerce international. A tous les niveaux, la complémentarité est quasiment parfaite, reste l’étincelle qui permettra de dépasser les différends politiques.

Les entrepreneurs maghrébins attendent-ils ce type de réforme ?

Les entrepreneurs maghrébins militent depuis de nombreuses années pour que l’union maghrébine, notamment sur le plan économique, devienne une réalité concrète, matérialisée par de nombreux accords sectoriels et industriels, qui permettraient de générer de la croissance. De l’avis de plusieurs spécialistes, le gain serait de 2 à 3 points de croissance de PIB par pays du Maghreb si l’on mettait en place une intégration régionale à court terme.

Quiprofiterait le plus d'une union du Maghreb ?

L’union du Maghreb serait indéniablement une victoire collective pour tous les pays d’Afrique du nord dans la mesure où un système de vases communicants se mettrait immanquablement en place pour permettre des interactions sectorielles qui amélioreraient la position concurrentielle de la région dans son ensemble. Néanmoins, je serais enclin à dire que le peuple algérien serait le plus grand gagnant de cette union du Maghreb, car cela introduirait de la concurrence dans leur économie, ce qui tirerait les prix vers le bas, et améliorerait donc le pouvoir d’achat. Reste que cet intérêt peut être divergent avec celui des autorités, qui souhaitent garder le contrôle sur l’économie du pays.

Sur le plan diplomatique, quels bénéfices le Maghreb pourrait-il tirer d'une telle union ? Un plus gros poids à l'international ?

Peut être à moyen/long terme, car dans l’immédiat, les positions diplomatiques des pays du Maghreb sont très souvent à l’opposé de l’échiquier diplomatique. Sur la question du Sahara Occidental par exemple, l’on voit mal comment le Maghreb pourrait parler à l’unisson, du fait de la profonde divergence entre le Maroc et l’Algérie. Il en est de même pour l’approche à adopter face au défi de la sécurisation de l’arc sahélien, où les pays du Maghreb ont des approches différenciées. Cependant,  sur le plan des relations avec les grandes puissances et l’Europe, il y aurait une amélioration substantielle de la position diplomatique du Maghreb.

Pour beaucoup, Marzouki "gesticule pour faire oublier ses problèmes sur le plan intérieur, où Ennahda lui laisse peu de marge de manœuvre." Qu'en est-il selon vous ?

Je pense qu’il n’est pas maladroit pour le Président tunisien de vouloir préempter les grands sujets régionaux, car cela lui donne encore plus de légitimité. Après tout, en tant que chef de l’Etat, il se doit de se situer dans le temps stratégique, qui est plus long que celui du gouvernement.  

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