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Jusqu’où ira la baisse 
des prix du pétrole à la pompe ?
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Pente glissante

Depuis le 14 mars, date de son record à 126 dollars, le baril de Brent a perdu plus de 20 % pour s’établir sous les 100 dollars/baril. Dans la même période, le gazole à la pompe est passé à 1,3490 euros après un record de 1,4584 euros et le SP95 à 1,5434 euros après un record de 1,6664 euros.

Thomas  Porcher, Stephan Silvestre

Thomas Porcher, Stephan Silvestre

Thomas Porcher est docteur en économie, professeur en marché des matières premières à l'ESG-MS et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Stephan Silvestre est ingénieur en physique appliquée, Professeur à l'ESG Management School et spécialiste des risques énergétiques. Il est membre de la chaire des risques énergétiques de l’ESG-MS et anime le blog Risk Energy.

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La baisse du prix du pétrole s’explique par des incertitudes sur la demande de pétrole due à la baisse de la vente de détails aux États-Unis et à l’instabilité de la zone euro avec la crise grecque mais également par un relâchement de la pression sur l’offre due à un apaisement des tensions avec l’Iran et au maintien des quotas de production de l’OPEP qui n’ont jamais été aussi élevés. Actuellement, la production de l’OPEP représente 30 millions de barils par jour (contre 24,4 millions entre 2009-12/2011), mais en prenant en compte les dépassements de quotas de certains membres le niveau de production effectif s’élève plutôt à 32 millions de barils par jour.

Mais la baisse du prix du pétrole trouvera bientôt une limite pour plusieurs raisons :

-          Premièrement, en dehors d’une explosion de la zone euro, le prix du pétrole ne peut pas baisser beaucoup plus. Car la chute des cours commence à inquiéter certains opérateurs pétroliers et influencent les plans d’investissements des compagnies ce qui à moyen terme compressera l’offre de pétrole. Rappelons, qu’à chaque baisse de 1$ sur le prix du baril, Total perd, en effet-prix, plus de 800 millions de dollars par an. Il faut également noter que certains pays producteurs commencent à s’inquiéter de la baisse des cours. Car, si l’OPEP a accepté de maintenir ses quotas en exigeant une meilleure discipline sur les dépassements, la réunion de Vienne a été marqué par de fortes contradictions internes avec une fracture forte entre, d’un côté, le Venezuela et l’Iran et, de l’autre, les pays du golfe. Certes, certains pays réalisent des excédents budgétaires importants, leur permettant de mieux absorber les chocs des prix à la baisse ; mais pour se rendre compte des impacts, il faut savoir qu’à chaque baisse de 1 $ sur le baril : le budget de l’Arabie Saoudite - qui exploite entièrement son pétrole via sa compagnie nationale - perd plus de 3 milliards de dollars par an, le Canada 223 millions et la République du Congo 60 millions. Or, les pays producteurs (et les compagnies) calculent leurs budgets prévisionnels en fonction du prix moyen du pétrole de l’année précédente (moins une décote de risque). Avec un prix actuel en dessous de la moyenne de 2011 (112 $), les pays producteurs et compagnies devraient rapidement tenter, de façon dispersée, d’influencer le marché en compressant l’offre pour réorienter les cours à la hausse.

-          Deuxièmement, il existe une limite à la baisse des cours : ce sont les coûts d’extraction. Certains gisements en production actuellement ont des coûts d’extraction proche de 80 $ (sables et schistes bitumineux). Or le prix du pétrole ne peut pas descendre plus bas que leurs coûts d’extraction, faute de quoi ils ne seraient plus rentables et amèneraient à un arrêt de leur production et donc une compression de l’offre de pétrole au niveau mondial. La limite de la baisse des prix du pétrole reste donc les coûts d’extraction des gisements les moins rentables qui agissent comme des stabilisateurs du marché.

-          Troisièmement, la demande de pétrole devrait repartir avec la période estivale qui entraîne une augmentation des déplacements automobiles aux États-Unis et en Europe.

Cependant cette baisse des prix à la pompe ne doit pas masquer une autre réalité : les prix des carburants restent élevés. D’ailleurs, en cumul depuis le début de l'année, la consommation de carburants a reculé de 2,2% par rapport à la période comparable de 2011. Certains y voient, une réaction saine du marché et continueront à défendre qu’un prix élevé des carburants est une bonne nouvelle pour la transition énergétique. Mais derrière la baisse de la consommation, il y a en fait une forte disparité avec des taux d’utilisation de la voiture pour les trajets domicilie-travail allant de 14% pour Paris à 84% pour les Landes, en passant par 61% pour l’Essonne,. Pire encore, quasiment, l’ensemble des régions françaises se situent entre 75 et 85% de taux d’utilisation de la voiture pour aller travailler.

Ces chiffres ne cachent pas une préférence d’utilisation de la voiture dans certaines régions mais plutôt une obligation en raison de l’absence d’infrastructures de transports, pourtant les taxes sur les carburants reposent autant sur eux que sur celui qui peut prendre les transports. A cela, il faut ajouter les résultats d’un rapport récent de l’OMS qui attestent que le diesel est cancérigène pour l’humain. La fiscalité actuelle des carburants n’est plus adaptée et il est temps d’entamer une « révolution fiscale » de l’essence.

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