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Vacances : ce que la crise a changé aux destinations des Français
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Sea, sex and crise

Deux tiers des Français ont l’intention de partir en vacances. Entre bonnes affaires dans des pays frappés par la crise et appréciation des risques d'instabilité politique, où partiront les Français ?

Jean-Louis Caccomo

Jean-Louis Caccomo

Jean-Louis Caccomo est maître de conférences en sciences économiques à l'Université de Perpignan.

Auteur d'un ouvrage sur le développement des industries numériques aux éditions Les défis économiques de l'information (L'Harmattan,1996) et de L' épopée de l'innovation ? Innovation technologique et évolution économique (L'Harmattan, 2005)

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Il existe une tendance lourde qui nourrit la progression du tourisme international depuis plusieurs décennies et qui font du secteur touristique un secteur en pleine croissance. La croissance économique mondiale, qui se nourrit notamment du décollage des pays émergents (Chine, Inde, Brésil…) et de l’apparition d’une nouvelle clientèle touristique, se traduit par la progression régulière des flux touristiques internationaux. En 2012, les dépenses de tourisme progresseront à un rythme légèrement supérieur à celui de l’économie mondiale autour de 2,5 % selon l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT). À l’échelle mondiale, les arrivées de touristes internationaux ont déjà dépassé les 131 millions d’arrivées au cours des deux premiers mois de 2012, contre 124 millions pour la même période en 2011. Toujours d’après les prévisions de l’OMT au début de l’année, les arrivées de touristes internationaux devraient augmenter de l’ordre de 3% à 4% en 2012. Sur l’ensemble de l’année, on s’attend à ce que le nombre d’arrivées de touristes internationaux atteigne pour la première fois le milliard.

Ainsi, malgré la crise qui frappe les pays développés, le tourisme constitue un secteur d’avenir en pleine expansion. De fait, dans un nombre croissant de pays, le secteur du tourisme est devenu un secteur stratégique, facteur de croissance économique et moteur du développement. La croissance du tourisme international profite tout particulièrement à notre pays puisque la France est par vocation la première destination touristique au monde. La France est aussi un pays émetteurs de touristes. Or, le monde a connu un certain nombre de chocs susceptibles d’influencer les choix des français en matière de destinations touristiques. La question qui nous intéresse est de savoir si les touristes français vont privilégier ou non les pays frappés par la crise. Tout dépend du type de crise en fait !

Pour comprendre les choix touristiques des français, il est nécessaire de revenir sur quelques idées de base. Le tourisme est considéré par les économistes comme un produit de luxe, c’est-à-dire un produit dont on peut se passer. Ainsi, la demande touristique est très sensible à la progression du revenu des ménages dans les pays émetteurs de touristes. De ce fait, en période de crise ou de ralentissement de la croissance économique, les ménages ont tendance à diminuer la durée des séjours (ce qui pénalise les destinations lointaines) ou à sacrifier le poste « voyage & loisirs » afin de maintenir la demande des produits de première nécessité. Mais fait nouveau : en 2012, les français ont préféré puiser dans leurs économies plutôt que de sacrifier leurs vacances. C’est à croire que voyager et prendre des vacances sont devenus une nécessité dans ces temps de morosité. La conjoncture économique dans les pays émetteurs va donc conditionner la croissance et la configuration des flux touristiques internationaux.


Dans les pays récepteurs, c’est plus la situation géopolitique, la stabilité politique et institutionnelle qui conditionne la sécurité intérieure - en plus des atouts naturels et culturels qui font l’attractivité touristique d’un pays - qui vont conditionner l’activité touristique. Compte-tenu de ces précisions, quelles sont les tendances du tourisme français qui se dessinent en 2012 ?

Cette année, les destinations lointaines vont connaître une baisse significative et le tourisme aura tendance à se relocaliser (un peu à l’image du commerce international). L’Afrique du Nord, destination privilégiée des français après l’Espagne, montre des signes de reprise après une année 2011 désastreuse pour le secteur marquée par les révolutions en Tunisie, Égypte et Libye qui ont fait fuir les touristes. Dans la région, c’est le Maroc qui devrait s’affirmer comme destination phare, profitant de la désaffection pour l’Égypte et la Tunisie.

Les vacances des Français s’inscrivent donc dans ce contexte général de crise économique et de turbulences géopolitiques. Ainsi, deux tiers des français ont l’intention de prendre des vacances cette année. 53 % des Français ont l’intention de partir au moins quatre nuits contre 51 % l’an dernier. C’est la première remontée depuis 2003. Mais 32 % des français ont diminué leur budget tandis que le budget moyen devrait augmenter de 10 % pour s’établir à 2 300 euros.

Tous ces éléments se sont conjugués pour réorienter le choix des touristes français. La crise de la zone euro - notamment en Grèce, en Espagne et en Italie -, les révolutions du printemps arabes déclenchées en Tunisie puis en Égypte, et enfin la faible progression du pouvoir d’achat en France ont pesé sur les décisions des ménages français en termes de durée des séjours et de destinations touristique. En période de faible croissance économique, alors que la progression du pouvoir d’achat est faible, les contraintes budgétaires s’imposent aux choix des ménages. Afin de maîtriser leur budget vacances, les Français ont privilégié le tourisme domestique, c’est-à-dire les séjours à l’intérieur des frontières nationales. Ainsi, selon le ministère du tourisme, deux tiers des français vont passer leurs vacances en France. Parmi eux, 70 % ont choisi la mer tandis que 23 % iront à la campagne et 20 % à la montagne. En juillet et août 2012, le ministère du Tourisme prévoit ainsi une hausse de l'ordre de 1% des nuitées des touristes français dans l’hexagone. Le tourisme domestique français profite donc des crises aigües dans les pays traditionnellement destinataires du tourisme français, notamment à la Corse, où 11% des vacanciers français souhaitent se rendre en 2012, contre 8% en 2011.

Selon une enquête de l'institut CCM Benchmark, en 2012, c’est moins de la moitié (43%) des Français qui ont choisi de partir à l'étranger contre 50% l'an dernier. Ces touristes français privilégient les destinations du pourtour méditerranéen, en prévoyant de se rendre au Portugal, en Espagne, en Italie, en Grèce ou en Turquie. Mais cette année la situation extrêmement critique de la Grèce pénalise la destination, notamment la Grèce continentale tandis que les îles continuent de bénéficier de la fréquentation touristique.Il est à noter que, du fait de la crise grecque, on a pu observer une baisse d’environ 30% des prix hôteliers sur l’ensemble de la Grèce par rapport à 2011, notamment pour les offres des hôtels 4 et 5 étoiles.L’Espagne (29%), l’Italie (26%) et la Grèce (14%) restent les destinations européennes les plus plébiscitées par les touristes français.


Les destinations du Maghreb, quant à elle très affectées par les révoltes populaires
, attirent moins qu'en 2011 : 9% des Français comptent s'y rendre cet été, contre 11% en 2011. Et il semble qu’il n’y aura pas de rebond en 2012 pour les départs vers le Maghreb. Seul le Maroc, épargné par les révoltes arabes et qui était déjà en tête des destinations non-européennes préférées des français dès 2010 avec 1,7 million de touristes français, tire son épingle du jeu.

Rappelons que l’année 2011 avait déjà été particulièrement difficile pour ces pays. Les « événements » en Tunisie et en Egypte, traditionnellement première et troisième destinations touristiques des Français à l'étranger pour les « voyages à forfait », ont particulièrement affecté les décisions des ménages français. Ainsi, à partir de 2011, le nombre de « voyages à forfait » vendus par les tour-opérateurs a baissé de respectivement 44% et 39% sur ces destinations. Dès l’été 2011, les touristes français ont privilégié d'autres pays plus sûrs comme l'Espagne, la Turquie, la Grèce ou encore les Antilles. Mais le choc politique semble aujourd’hui bien « digéré » et les touristes français semblent revenir sur la Tunisie et l’Egypte. Rappelons que la Tunisie est traditionnellement une destination privilégiée des touristes français. Avec un temps de transport très court, son climat et les tarifs qui peuvent être particulièrement attractifs sur certaines prestations, la Tunisie reste très attractive auprès des touristes français. Sur les 6 millions de touristes séjournant chaque année en Tunisie, 1,4 million est français. Ces séjours représentent une part conséquente dans le chiffre d'affaires des voyagistes français. Les tour-opérateurs spécialisés sur cette destination restent confiants même s’ils sont conscients qu’il leur faudra du temps pour rattraper le retard occasionné par les révolutions.

Dans ce contexte où les cartes touristiques sont redessinées, l’Espagne reste la destination préférée des touristes français séjournant à l’étranger. Les îles Canaries (+36 %) et les Baléares (+ 93 %) ont ainsi fortement profité des reports de réservation des touristes français consécutifs au printemps arabes.Il faut cependant relativiser ces taux de progression car les Canaries restent encore peu fréquentées par les français en comparaison d'autres régions avec 250 000 touristes en 2011 (130 000 en 2010) contre 3,9 millions de touristes français pour la Catalogne et 1 million de touristes français pour l’Andalousie.

Enfin, il est à noter que les flux de touristes français à destination de la Chine se stabilisent autour de 490 000 en 2012, équivalent à ceux de 2011, après une forte progression (+ 20 %) liée au succès de l’exposition universelle de Shanghai en 2010 qui a fortement contribué au rayonnement touristique de la Chine auprès des français.

En conclusion, selon que la crise dans les pays visités est de nature politique ou économique, elle n’aura pas le même impact sur les décisions des ménages français en termes de choix de destination touristique. Parce qu’elles sont facteurs d’instabilité et d’insécurité, les crises politiques comme les guerres civiles en Afrique ou les révolutions dans les pays arabes affaiblissent ou détruisent l’attractivité touristique du pays concerné. Par contre, dans les pays de l’Europe du Sud, frappés par la crise économique (crise bancaire, crise de la dette), la chute des prix des séjours est de nature à renforcer l’attrait touristique de ces pays aux yeux des touristes français. Cependant, en cette période de tourmente internationale, la majorité des français, à l’instar des touristes étrangers qui visitent l’hexagone, apprécient de découvrir les charmes de leur propre pays.

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