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Angela Merkel est-elle en train
de couler ou sauver
l’économie mondiale ?
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Seule contre tous

La crise de la zone euro s’amplifie, notamment en Espagne. Bien que l'Allemagne ne semble pas prête à céder sur la question de la création monétaire par la BCE à destinations des États, la persistance de déséquilibres économiques et le faible désir d’Europe ne sont pas de son fait.

Frédéric  Farah

Frédéric Farah

Frédéric Farah est économiste et enseignant à Paris I Panthéon Sorbonne.

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En zone euro, le temps presse et les nouvelles ne sont pas bonnes.

La récession Italienne se traduira selon Bruxelles par un recul de 1,3% de croissance en Italie, quant à l’Espagne au premier trimestre 2012, elle enregistre un recul de - 0,3 %, et son taux de chômage avoisine les 25% de sa population active, les Pays Bas  prévoient un tassement de leur PIB de - 0,5 % en 2012. Le Portugal s’attend quant à lui à une récession de l’ordre de 3% et l’Irlande en deux ans a vu son PIB s’effondrer de 11,6 %.

Sans vouloir être trop long, nous pouvons donner quelques signes de panique bancaire à venir. Pour les cinq PIIGS (Portugal, Italie, Grèce, Espagne, et Irlande), les sorties cumulées en matières de dépôts bancaires depuis 2010 représentent plus de 800 milliards d’euros, qui vont se placer dans les banques allemandes ou néerlandaises. Fragilité des banques, endettement croissant des États, chômage de masse, tensions sociales, autant d’éléments qui montrent l’urgence d’une réaction commune et d’une coopération économique repensée.

Le président Barack Obama, inquiet pour la reprise américaine, réclame aux Européens des mesures décisives pour participer à une éventuelle reprise mondiale. Un appel qui peut apparaître comme une nécessité si l’on considère que les émergents parviennent de moins en moins à tirer la croissance mondiale. L’Inde fait par exemple face à des difficultés importantes.

Pourtant l’UE peine à dessiner une stratégie de sortie de crise, et semble entraîner une partie du monde dans sa chute. Comme le soulignait un rapport récent du sénat de 2009 sur les politiques économiques, pour envisager la coopération entre les États européens, il faudrait réunir des conditions « héroiques » c’est à dire que :

  • Chacun participe au même jeu, c'est-à-dire qu'il y ait homogénéité des acteurs ;  chacun est dans la même situation et se trouve exposé aux mêmes conséquences d'un choix  identique ;
  • La coopération repose aussi sur une vision claire des solutions et de leurs conséquences ;
  • Enfin, un présupposé de bienveillance réciproque (un haut degré de confiance mutuelle).

Pour le moins que l’on puisse dire, les trois conditions sont loin d’être réunies... Pour l’heure, il existe une coopération négative par la généralisation de l’austérité. L’assainissement avant toute chose semble être le maître mot. Mais comme le souligne l’économiste Feldstein La coordination de « mauvaises politiques économiques » conduit à un résultat inférieur à l'absence de coordination entre des politiques nationales plus adaptées. »

Doit-on alors considérer l’Allemagne, et plus particulièrement Angela Merkel, comme responsable du blocage en Europe, voire pire de la propagation de la crise ? Des allemands prestigieux, comme Joseph Martin Fischer, n’hésitent pas à le penser, « la brigade des pompiers est conduite par l’Allemagne et son chef est Angela Merkel. En conséquence, l’Europe continue de tenter d’éteindre l’incendie en y jetant de l’essence.(…) Nous payons une fois de plus pour apprendre que l’austérité, opposée à une crise financière majeure, ne peut mener qu’à la dépression. Cette idée devrait faire partie du savoir collectif. Après tout, c’est une leçon majeure des politiques d’austérité menées par le président Herbert Hoover aux États-Unis, et par le chancelier Heinrich Brüning pendant la république de Weimar ».

Il est certain que l’inflexibilité allemande, nourrie d’ordolibéralisme, se traduit par une crispation sur l’inflation et l’équilibre budgétaire. Ces deux dernières préoccupations empêchent pourtant de voir les risques déflationnistes qui guettent le continent.

Pour autant, faut-il voir dans l’Allemagne la seule source de blocage. L’Allemagne est prête à une Union bancaire et budgétaire, donc à plus d’intégration, mais une union qui obéit aux principes de rigueur qui sont les siens. Critères qui s’entendent et qui aussi se discutent. Par ailleurs, Angela Merkel a accueilli favorablement les récents accords salariaux qui devraient se traduire par une augmentation salariale dans certains secteurs de 3 à 4%. La désinflation compétitive allemande est en cours d’amendement.

Mais la question qui se pose est celle du fédéralisme et de sa nature. Les autres États européens seraient-ils prêts à des transferts de souveraineté supplémentaires. Si l’on croit la récente étude américaine conduite par le Pew research center. Elle montre avec des contradictions fortes que l’impact de l’intégration européenne  a provoqué une dégradation économique pour 63% des Français, et 61 % des Britanniques et Italiens. Mais dans le même temps, la participation à l’Union apparaît comme une bonne chose pour 65% des allemands, 54 % des espagnols.

L’étude serait longue à présenter, mais révèle qu’une intégration plus poussée n’est pas sans susciter de la méfiance.

A défaut d’une intégration plus poussée, l’austérité de ce qui fut le Merkozy n’apparaît plus de mise. Plus de souplesse s’impose. Mais faut-il traiter les symptômes (le sauvetage provisoire) ou traiter les causes profondes (réguler, réformer). C’est l’enjeu de la crise.

La relance apparaît nécessaire, mais quelles sont les conditions de possibilité d’une relance efficace ? Comment tenir ensemble résorption de la crise à court terme et régulation de ses déterminants de structure à long terme ?

Une relance souhaitable serait celle qui pourrait s’attaquer aux deux vices de notre monde, qui étaient ceux aussi du monde d’un économiste anglais célèbre, c’est à dire l’absence de plein emploi et une mauvaise répartition de la richesse.

L’Allemagne porte une responsabilité dans les difficultés de faire advenir une sortie de crise, mais la persistance de déséquilibres économiques fondamentaux et le faible désir d’Europe n’y sont pas pour rien dans l’affaire qui nous occupe.

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