Ces 15 ans de croissance successive qui ont fait oublier aux Espagnols qu'ils avaient encore de sérieuses faiblesses structurelles<!-- --> | Atlantico.fr
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L’économie et la société espagnoles vivent actuellement une crise à facettes multiples.
L’économie et la société espagnoles vivent actuellement une crise à facettes multiples.
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(Pas de) Châteaux en Espagne

La santé économique de l'Espagne a toujours dépendu de la santé économique internationale. Cependant, pour la crise actuelle se sont aussi noués des enjeux budgétaires et la mauvaise gestion des Communautés Autonomes.

Matilde Alonso Peréz

Matilde Alonso Peréz

Matilde Alonso Pérez est professeur à l’Université de Lyon 2. Elle est spécialiste en économie de l’Espagne. Elle a publié de nombreux travaux et ouvrages sur le sujet.

Elle anime le projet Dimension économique de l’espagnol dont l’objectif est l’analyse stratégique des entreprises espagnoles internationalisées.

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L’Espagne, comme tous les pays, a connu des phases de crise et de croissance. Les moments de prospérité ont toujours été le fruit de l’expansion économique internationale. Dans les périodes de crise, les effets des récessions économiques internationales ont toujours cohabité en Espagne avec un ensemble de dysfonctionnements structurels internes. Ces problèmes, qui restent dans l’ombre en époque de croissance, deviennent insoutenables en cas de déclin, ce qui est le cas encore une fois avec la crise actuelle.

L’économie et la société espagnoles vivent actuellement une crise à facettes multiples. La situation est très différente de celle des années précédentes. Pendant 60 trimestres, l’économie espagnole a joui d’une croissance exceptionnelle, qui a conduit les Espagnols, et également certains économistes, à penser que les cycles économiques n’existaient que chez les autres. L’histoire nous prouve le contraire. Les contrastes entre la croissance et la crise sont très significatifs. La première est exceptionnelle, mais la seconde a des des airs de déjà-vu. 

La forte croissance économique de 15 ans d’affilée a permis aux Espagnols de voir progresser le revenu par tête. Une augmentation du nombre de foyers et une forte demande de logements ont suivi. Les bonnes conditions du crédit ont favorisé l’expansion du secteur de la construction. Cependant, les restrictions externes à la croissance et les goulets d’étranglement internes de l’activité économique, accompagnés de la crise internationale, ont provoqué la première crise économique espagnole du XXIème siècle.

La crise financière internationale et la crise espagnole du bâtiment ont généré d’autres crises. La première, la crise budgétaire, est le fruit d’une politique inappropriée des dépenses publiques pour contrer la crise à ses balbutiements et d’une chute vertigineuse des recettes publiques. La deuxième est la crise du système financier. La Banque d’Espagne et le gouvernement ont dû intervenir pour sauver un ensemble d’entités bancaires. Bankia est la parfaite illustration du phénomène. Comme au XVème siècle, la faillite des banques privées risque d’entrainer toute l’économie espagnole. Au début des années 80, l’Espagne a vécu une crise des établissements bancaires, qu’elle a pu surmonter en refondant le système bancaire, et grâce aux aides publiques et à la croissance économique à la veille de son entrée dans la CEE.

La troisième crise est celle des institutions, qui se manifeste par l’endettement exorbitant des Communautés autonomes et de multiples affaires de corruption. L’origine de cette crise n’est pas l’Etat des Autonomies, mais plutôt le manque de transparence et d’efficacité des administrations publiques. L’administration des autonomies, fort critiquée en cette période troublée, s’est construite en reproduisant dans les régions le modèle d’un état central inefficace. Pour dépasser les problèmes structurels qui ont permis de sortir de la crise féodale, il a fallu une profonde réorganisation économique et institutionnelle. Elle s’avère urgente en ce moment.

La modernisation du secteur public faisait partie des Pactes de la Moncloa (1977), ainsi que du Plan de Stabilisation (1959) qui a permis le boom des années 60. Ces deux politiques étaient des programmes d’ajustement macro-économique et de réforme structurelle, tout comme la politique économique actuelle. Elles cherchaient une sortie de crise passant par l’ouverture à l’extérieur. Il semblerait qu’aujourd’hui ce soit l’extérieur qui vienne au chevet de l’Espagne. Le pays est, quoi qu’il en soit, bien loin de l’autarcie franquiste.

Dans les années 70, les chocs pétroliers ont entraîné une spirale inflationniste qu’Adolfo Suarez a contrecarrée avec des mesures strictes, qui ont eu pour conséquence une flambée du chômage. Certaines caractéristiques de l’époque ressemblent quelque peu à celles d’aujourd’hui : l’origine extérieure, les problèmes structurels et, pour des motifs différents, la faiblesse de l’action politique. A ce moment-là, la contraction maximale du PIB n’a pas atteint 1 %, alors que depuis 2008 il a dévissé de 5 %. Les presque cinq millions de chômeurs d’aujourd’hui sont, en proportion, les mêmes que ceux du milieu des années 80.

Aujourd’hui, l’Espagne n’est pas face à une simple récession. Le cycle haussier a débouché sur un désastre et le gouvernement de Zapatero est resté dubitatif, il a improvisé et n’a pas reconnu publiquement la situation. Le changement de gouvernement n’a pas arrangé les choses. L’Espagne a d’ores et déjà terni l’essentiel d’une image qu’elle avait eu du mal à se construire et elle risque de se discréditer si la situation s’aggrave encore.

Il est urgent que l’économie se reprenne pour mettre un terme aux problèmes budgétaires, maintenir l’état- providence et garantir un avenir socioéconomique aux jeunes générations. Les jeunes Espagnols peuvent être classés selon leur niveau de formation : les surqualifiés et les sous-qualifiés, mais les deux groupes sont confrontés à un taux de chômage de 45%.

L’essor économique des années 60 et 80 a été le fruit des exportations. On pouvait alors dévaluer la pésète. Cette possibilité n’existe plus. Cependant, on peut observer ces derniers trimestres une forte hausse de la productivité interne et des exportations espagnoles. A la différence du passé, l’Espagne dispose à présent d’un arsenal international d’entreprises, telles que Telefónica, Inditex-Zara, Santander… Mais, pour que le redressement soit efficace, des mesures de stabilisation et d’expansion économique sont indispensables, tant en Espagne qu’en Europe. Et le point d’équilibre entre les deux s’avère plus difficile à atteindre qu’il ne le devrait. 

Mathilde Alonso Perez, Elies Furio et Christel Birabent

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