Fin de la suprématie du dollar : que peut attendre la zone euro de l'émergence du yuan comme monnaie internationale ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Le dollar cohabiterait donc avec l'euro et le yuan...
Le dollar cohabiterait donc avec l'euro et le yuan...
©Reuters

Péril jaune ?

Depuis ce vendredi, la Chine et le Japon se passent du dollar pour échanger directement dans leurs monnaies, afin de dynamiser leur commerce bilatéral. Avec l'euro, le yuan pourrait donc permettre d'engager une véritable compétitivité des monnaies, favorable à une répartition plus équitable des réserves de change.

Alexandre Baradez

Alexandre Baradez

Alexandre Baradez, 33 ans, diplômé de l'ESCE (Paris/La Défense) en 2003 a d'abord évolué plusieurs années chez BNPPARIBAS puis la Banque ROBECO en gestion privée avant de rejoindre SAXO BANQUE en 2009 en tant que Sales Trader. Son expérience des marchés financiers et plus particulièrement du marché des devises lui confère rapidement le rôle d’Analyste Marchés. Interlocuteur privilégié des médias français, il délivre quotidiennement des analyses sur les marchés financiers, tendances, risques macro-économiques et participe régulièrement à des conférences dédiées aux investisseurs. En novembre 2013, il rejoint le groupe IG, leader mondial des CFD, côté à Londres au FTSE 250, en tant que Chief Market Analyst.

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Atlantico : Depuis ce vendredi, la Chine et le Japon se passent désormais du dollar pour échanger directement dans leurs monnaies, ce qui leur permettra de se passer du dollar pour dynamiser leur commerce bilatéral. Jusqu'à présent 60% de ces échanges s'effectuaient en dollar. Est-on sur le point d'entrer dans un nouveau système "pluri-monétaire", où la suprématie du dollar serait remise en cause par le Yuan ?

Alexandre Baradez : De plus en plus... L'exemple avec le Japon est le plus médiatique - car un des plus gros partenaires commerciaux mettant en scène des économies majeures -, mais des accords similaires ont déjà eu lieu entre la Chine et d'autres pays. Je pense notamment aux pays émergents, comme l'Argentine (accords de flottement des devises), mais aussi la Biélorussie par exemple.

En l'espace de 24 mois, le pourcentage des volumes d'échanges commerciaux de la Chine dans sa devise est passé d'un niveau proche de zéro à quasi 10% de la part de commerce total de la Chine. Autrement dit, 10% des échanges commerciaux de la Chine sont réalisés sans passer par le dollar.

C'est une hausse majeure, et la volonté claire de contester la suprématie du dollar dans les échanges commerciaux. Si cette évolution se maintient, on imagine très bien la Chine se passer régulièrement du dollar pour ses échanges commerciaux. Et les échanges commerciaux ne sont qu'un aspect. N'oublions l'achat de dettes souveraines... Et la vente de bons du trésor américain, soit la réduction des réserves chinoises de dollar, ensuite réinvesties dans l'achat de bons du trésor japonais ou sud coréens. Une façon supplémentaire de se diversifier dans ses actifs (en l’occurrence dans ses réserves de change).

Le dollar cohabiterait donc avec l'euro et le yuan. Est-il sain d'en finir avec les accords de Bretton Woods, organisant le système monétaire mondial autour du dollar américain ?

Il serait effectivement plus souhaitable que les monnaies puissent solliciter une forme de compétitivité entre les États. De fait, avoir une répartition plus équitable entre les monnaies ne peut être pointée du doigt. Aujourd'hui sur le marché global des changes, l'euro/dollar représente 2/3 des échanges du marché des devises, pour tout ce qui relève des échanges flottants (où le débit n'est pas maîtrisé).

Le volume total du marché des changes représente 4 000 milliards, et 2/3 des échanges de ce marché se font uniquement entre l'euro et le dollar. C'est donc une bonne chose qu'une autre monnaie monte en puissance, mais on restera sur ce triptyque : euro, dollar, yuan. Attention, la devise chinoise reste toutefois maîtrisée dans sa fluctuation, à la hausse et à la baisse, mais toujours un change flottant maîtrisé.

Quelle place peut occuper l'euro dans ce système monétaire, si dollar et yuan monopolisent l'essentiel des échanges ?

Par rapport au dollar et au yuan, l'euro - même s'il souffre évidemment de la crise de la dette - reste une devise stable et importante, au regard des volumes commerciaux avec la Chine et les États-Unis. Quelle va être sa place ? La place de l'euro sera toujours celle-ci, car les pays asiatiques vont chercher à réduire leur dépendance au dollar, et cela profitera à l'euro. Autrement dit, la baisse de la part du dollar ne profite pas uniquement au yuan, mais aussi à l'euro.

Pour la Chine, l'Europe est un de ses principaux partenaires commerciaux, notamment pour ses débouchés commerciaux. Donc si l'Europe rentre en récession durable, avec une déflation, une baisse de la consommation, bref un schéma un peu catastrophique, la Chine sera la première perdante. Et il en va de même pour la croissance nord américaine.

Si la situation européenne devait perdurer, on peut très bien imaginer la Chine venir en aide de groupes bancaires européens, racheter des dettes d'États. Autrement dit se faire un chèque à elle-même, venir en aide à la zone euro pour assurer des débouchés à ses exportations. A moins que la zone euro n'éclate réellement, et que se développe une Europe à deux vitesses, il n'y a pas de raison que la part de l'euro baisse dans le niveau de réserve mondiale des changes.

Londres serait en train de monter la plus grande place financière offshore pour le yuan à la City. D'autres places boursières pourraient-elles céder à l'appel du yuan ?

C'est effectivement vrai, même si les grosses places financières qui se montent pour le yuan sont celles qui ont les plus gros volumes de devises à traiter. Pour être clair, Tokyo et Shanghai. La montée en puissance du yuan est toutefois conditionnée au fait que les Chinois acceptent de lâcher du lest au niveau de sa devise (fluctuation maîtrisée), sinon ces places n'auront aucune marge de manœuvre et aucune liquidité résultant des échanges.  

Propos recueillis par Franck Michel

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